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Les normes juridiques en islam : le ʻurf comme source de législation
Mohsen Ismaïl
p
...
S’agit-il ici d’une marge laissée par une « loi »
considérée comme émanant de Dieu et ayant une force obligatoire ?
2Cette « marge », qui fait de la coutume l’une des sources de droit, nous
semble introduire des nuances dans des normes supposées générales et
universelles
...
Dans un premier temps, une question déterminante, savoir qui est
législateur dans la tradition islamique, semble nécessaire pour savoir les
limites du particulier et de l’universel de la législation islamique
...
4Traiter de la coutume locale comme source de législation impose donc de
faire appel autant au juridique qu’à l’historique et au social
...
I
...
)
5Une question ne cesse d’être posée avec insistance : qui est législateur dans
la tradition juridique islamique ? La réponse, habituelle et presque évidente,
renvoie au commandement de Dieu et à son autorité suprême
...
De ce
point de vue, « le droit islamique » est perçu comme d’origine divine, parfait
dès le départ et valable pour tout temps et tout espace
...
Pour ainsi dire, le Dieu Unique impose une
loi unique
...
6Cette conviction soutenant l’origine divine des dispositions juridiques,
donne lieu à des revendications consistant à appliquer la sharî‘a, lorsque la
société est de majorité musulmane et le cas échéant, lorsque la confession
musulmane est minoritaire dans une société, à créer une sharî‘a des
minorités
...
7Traiter de la législation dans la tradition islamique et de la hiérarchisation
de ses sources, exige d’abord une identification du réceptacle, soit le corpus
où
s’inscrivent
les
réflexions
juridiques
...
2 IBN MANZUR, Lisân al-ʻarab, article fiqh, Le Caire, Dâr al-Ma ‘ârif, s
...
,
tome V, p
...
3 Des dérivés du verbe fiqh sont cités dans les Sourates et les versets
suivants : S
...
44, 46 ; (
...
La précision linguistique s’impose pour expliciter les concepts en
langue arabe même et de la langue arabe vers la langue française
...
Selon
Ibn
Manzûr
(h
...
Dans
ce
même
sens
étymologique
précité
aucune
occurrence
des
termes fiqh et faqîh n’apparaît dans le texte coranique
...
Tels qu’ils sont cités dans le Coran, ces termes se rattachent à deux
champs
sémantiques
apparentés
au
sens
de
la
première
forme faqiha et faquha à celui de la cinquième forme tafaqqaha
...
Le second porte sur la quête du
savoir
...
Mais comme dans l’usage
islamique à l’époque classique, toute discipline scientifique est considérée en
tant qu’une science auxiliaire mise au service du religieux, le fiqh requiert
une valeur exclusivement religieuse et se résout dans le savoir législatif
...
4 IBN MANZUR, op
...
ci-dessus note 2, article sharia, tome IV, p
...
5 Coran, S
...
13
...
42, v
...
7 Coran, S
...
48
...
cit
...
22382239
...
7, v
...
10Le second terme, la sharîʻa, est, selon ibn Manzûr, « la source de la
provenance de l’eau4 »
...
Le verbe sharaʻa indique un choix opéré et une direction à prendre : « Il
vous a choisi (shamʻa) en matière de religion, ce qu’il a enjoint à Noé5
...
» Le terme shirʻa, tel qu’il est cité
dans le Coran (« À chacun de vous Nous avons assigné une (shirʻa) ligne de
conduite et une manière d’agir7 »), rejoint le même sens linguistique qui
signifie : « Une religion, à une manière d’agir et à une voie à suivre8 »
...
»
10 Sourate 45, al-Jâthia, Verset 18
...
)
12 Ibidem
...
» Abû-Bakr
ibn’Arabî (m
...
) explique le terme sharîʻa par « la voie qui amène à la
source d’eau11 »
...
»
12La précision linguistique de ces deux termes fiqh et sharîʻa, permet donc
de ne pas confondre source et normes morales d’une part, méthode de
déduction et système de réflexion juridique d’autre part
...
Le travail du faqîh relève donc
du tashrî, c’est-à-dire de la législation et non pas de la sharîʻa qui constitue,
à la fois, un accompagnateur et une voie pour le faqîh dans son travail de
législateur
...
13 ‘Alî ibn Muhammad AL-JURJANI, Kitâb al-Ta‘rîfât, Beyrouth, Librairie du
Liban, nouvelle édition 199 (
...
Perçu
sous cet angle, le fiqh est donc une œuvre humaine, fruit de réflexions
personnelles sur une question bien définie
...
C’est pourquoi, précise Al Jurjânî (m
...
»
14 Pour mieux distinguer la différence entre le terme ‘ilm et le
terme fiqh, voir J
...
)
14D’ailleurs, dans la littérature classique, il y a une nette distinction
entre ‘ilm, qui renvoie au champ de la connaissance du texte coranique et à
la transmission des propos prophétiques, et fiqh, qui s’inscrit dans un
registre plus large, où l’effort personnel et la déduction rationnelle sont deux
principales qualités du faiseur de loi14
...
Dans un sens
où le concept et le terme utilisés sous-tendent des valeurs, le qualificatif
« islamique », attribué à la production juridique, renvoie à plusieurs niveaux
d’explication
...
17D’une part, comme le fiqh couvre aussi bien des règles qui concernent les
pratiques proprement religieuses que les dispositions qui relèvent des
relations dans la société, le qualificatif islamique devient corrélatif à cette
production
...
C’est pourquoi dans certains cas, le législateur se
charge de trouver une sorte d’aménagement et de justification et non pas de
législation à proprement parler
...
Autrement dit, le
péché semble être mêlé à l’interdit civil et le châtiment divin se distingue
avec difficulté des applications de la « loi »
...
La force de la disposition ne vaut que dans la mesure où elle est fidèle au
commandement de Dieu
...
18D’autre part, bien que l’élaboration du fiqh soit en quelque sorte liée à son
contexte, les disciples se sont plutôt consacrés à l’interprétation ou à
l’attachement à la lettre de ce qui a été rapporté sur le maître « fondateur »
...
De ce fait, le droit est
considéré comme divinement institué et les corpus comportant des
dispositions
juridiques
et
des
cas
d’espèce
apparaissent
comme
éternellement valides : c’est pourquoi la structure de l’État et celle de la
société doivent lui être conformes
...
19En effet, tout en ayant recours à des emprunts à d’autres normes
juridiques de différents horizons, le faqîh est amené à s’interroger sur la
nécessaire adaptation des normes morales, énoncées par le Coran, pour en
assurer l’application
...
Des pétitions de
principes donnent ainsi l’occasion d’adopter, dans un premier temps, des
lectures qui se basent plutôt sur les appréciations personnelles du
« législateur » et, dans un second temps, qui se réfèrent à un présumé maître
fondateur dont l’autorité primerait sur l’attachement au texte coranique luimême
...
Dans ce sens, une étude des sources de la
législation « islamique » permet de mieux préciser qui est faiseur de « loi »
dans la tradition islamique
...
Les sources du fiqh
1
...
En cas de litiges, la justice est rendue
selon la propre interprétation du Coran par le juge et en s’appuyant sur les
coutumes locales de chaque cité
...
C’est donc la tradition locale, l’interprétation individuelle du Coran
et la tradition prophétique qui ont été des appuis législatifs
...
22Mais avec l’extension du territoire contrôlé par les musulmans et avec les
changements des conditions de vie par rapport à celle de l’Arabie
du
VIIe
siècle, la législation du départ se trouve obligée d’être adaptée et
interprétée suivant l’évolution de la « communauté » et le changement des
contextes
...
En effet parmi les raisons qui ont été derrière la
codification des réflexions juridiques, deux d’entre elles ont présidé à cette
tâche
...
15 Pour plus de détails sur ce point, voir Noël J
...
)
23En premier lieu, comme la Sunna du Prophète n’entre pas souvent dans les
détails nécessaires pour des cas qui deviennent à la fois de plus en plus
nombreux et complexes, les fuqahâ’ ont été dans l’obligation de vérifier
l’authenticité des hadîth et de chercher, en même temps, des solutions à des
questions qui ne sont plus forcément liées au contexte de l’Arabie
...
C’est ainsi
que la transmission du hadîth est devenue un art littéraire qui puise, dans la
plupart des cas, dans des sagesses ou dans des adages considérés
comme hadîth par une simple composition d’une chaîne de rapporteurs
...
24En second lieu, l’époque abbasside a connu l’apparition d’un nouveau type
de
littérature
issue
notamment
de
la
traduction
...
La création de la maison de la sagesse
sous le règne d’al-Ma’mûn (m
...
C’est dans ce climat que le fiqh va connaître une
évolution remarquable se basant sur l’effort individuel al-ijtihâd
...
16 La Risâla d’al-Shâfi‘î s’inscrit dans le même objectif de codification des
disciplines scientifique (
...
204 ; 820) fonde une nouvelle discipline suivant
laquelle les dispositions juridiques seraient soumises à une logique dont
l’importance prend en compte la hiérarchie des sources de législation
...
Cette discipline consiste à définir les règles qui permettent au législateur de
déduire des énoncés juridiques en se référant aux normes islamiques
...
Elle
occupe la même place que celle de la logique pour la philosophie et celle de
la grammaire pour la langue
...
À partir de cette répartition, quatre principales sources ont acquis
l’assentiment des différents systèmes juridiques : le Coran, le hadîth, le
consensus ijma et la déduction par analogie qiyâs
...
Le Coran
27Bien que le Coran ne soit pas un code légal et ne représente, en aucun cas,
la seule source de législation, ce texte reste la matière d’inspiration première
pour les juristes musulmans et constitue, par son aspect moral, le critérium
normatif auquel toute autre source doit être soumise
...
17 Sur l’ensemble du Coran, et sans prendre en compte les règles portant
sur les devoirs religieux et (
...
Le nombre réduit des versets à dimension législative17, la
question relative aux versets explicites et implicites et celle de l’abrogeant et
de l’abrogé et bien d’autres questions corrélatives aux circonstances de la
révélation, renvoient le législateur à des interprétations qui aboutissent
souvent à créer un ensemble de préceptes de teneur variée
...
Les injonctions et les interdictions prescrites dans le Coran,
expriment-elles une volonté de s’imposer à des destinataires qui n’ont
jamais connu de références juridiques avant l’avènement de l’islam ? Sontelles d’une nouveauté ayant tendance à changer de fond en comble ce qui est
déjà en vigueur ? Ou, enfin, s’inscrivent-elles dans une procédure de
continuité ou de rupture par rapport à ce qui est pratiqué par les Arabes,
premiers destinataires du « message » islamique ?
29Il est couramment admis que la période préislamique est marquée par
l’ignorance et par la barbarie où aucune norme ne paraît réglementer le
quotidien des Arabes avant l’islam
...
30L’absence d’une loi écrite en Arabie, excepté la loi biblique, a renforcé
l’idée stipulant que le Coran contient la première loi organisée adressée aux
Arabes
...
D’ailleurs, parmi
les noms donnés au Coran on rencontre al-dhikr qui signifie le rappel et la
prise en compte de tout ce qui est connu dans le milieu de la révélation
...
20
...
La société arabe préislamique applique un
ensemble de coutumes issues de convictions religieuses, de la structure
tribale de la société et de leur contexte géopolitique en général
...
»
19 Khalîl ‘ABD AL-KARIM, al-Judhûr at-târîkhiyya li al-Sharî ‘a alislâmiyya, Le Caire, Sînâ Éditions, (
...
» Les Arabes ne semblent pas
mériter ce qualificatif pour la simple raison qu’ils étaient les premiers
destinataires du message islamique et constituaient la force militaire qui lui a
assuré l’expansion
...
Un lien indissoluble entre le passé et
le présent est manifeste dans leur attachement aux coutumes de leurs
devanciers
...
33À la lecture du Coran, plusieurs termes renvoient à deux attitudes
marquant la position de la nouvelle religion envers ce qui est courant et
connu en Arabie
...
En
effet, l’islam a opéré un choix dans la vie sociale et spirituelle des Arabes
...
34Trois dimensions ont fait l’objet de refus, de continuité ou d’aménagement
opéré par le texte coranique
...
35En ce qui concerne le dogme, le discours coranique s’articule autour de
trois axes reflétant les différentes attitudes conformes à sa logique interne
...
)
21 Coran, S
...
23
...
53, v
...
23 À propos de chacune des idoles, Ibn al-Kalbî donne, dans son livre
précité note 20, l’emplacement d (
...
)
25 Dans ce même cadre, Ibn al-Kalbî cite un propos rapporté sur le
Prophète qui aurait dit : « J’ai sa (
...
)
27 Nous citons à ce sujet le verset qui dit : « Et quand on leur dit : suivez
ce que Dieu a fait desce (
...
)
29 Le verset suivant résume les réponses apportées à une telle
contestation : « Vous n’adorez en dehor (
...
)
36Sur un premier plan, le Coran exprime une opposition catégorique au
paganisme et à l’idolâtrie
...
Il y a des
idoles dont l’adoration aurait remonté à l’époque de Noé20 : « Et ils ont dit :
N’abandonnez jamais vos divinités et n’abandonnez jamais Wadd, Suwâʻ,
Yaghûth, Yaʻûq et Nasr21 » ; d’autres idoles sembleraient être adorées après
le déluge : « Que vous en semble al-Lât, al-‘Uzzâ, ainsi que Manât, cette
troisième autre ?22 » ; elles ont été rejetées par le Coran23
...
Dans les
pratiques arabes préislamiques, même les Hanîfîtes24, ceux qui auraient
sauvegardé quelques éléments de la religion abrahamique, n’étaient pas
épargnés complètement d’une médiation (une idole) qui les rapprocherait de
Dieu25
...
L’appel concerne
une rupture totale avec les divinités et avec les croyances contradictoires
avec le concept de la divinité unique
...
Le terme le plus récurrent est Âbâ’, les pères, les
devanciers
...
La première concerne
les interrogations portant sur le degré de l’obéissance au nouvel ordre et sur
le sort des dieux déjà connus et adorés : une contestation26 et une
insoumission27 de la part des Arabes désireux de conserver les pratiques de
leurs devanciers28
...
À ce sujet le texte coranique renvoie aux récits bibliques
déjà connus dans le milieu mecquois
...
37C’est dans ce même sens que le Coran se propose, sur un deuxième plan,
de rappeler l’unicité divine déjà annoncée par le judaïsme et par le
christianisme au point où l’islam a été considéré comme hérésie chrétienne
et (ou) juive ou encore comme une sorte de bricolage des deux
...
De par sa volonté d’imprimer une propre vision de la divinité, le
refus porte sur toute croyance en un dieu national et sur toutes sortes de
primauté du messager sur le message
...
88, v
...
32 Coran, S
...
12 à 16
...
Les arguments apportés et les exemples qui illustrent cet
attribut de la Création sont tirés de ce qui est connu dans le quotidien des
destinataires et portent les marques du contexte de la « révélation »
...
Là des divans élevés et des coupes
posées et des coussins rangés et des tapis étalés32
...
Le Coran marque également une
rupture et une continuité par rapport à ce qui est pratiqué en Arabie
...
b) Coran et pèlerinage
40En ce qui concerne le pèlerinage, trois éléments nous paraissent dignes
d’être présentés : le rituel lui-même, l’endroit et le moment du pèlerinage et
les pratiques qui lui sont corrélatives
...
22, v
...
41D’un point de vue étymologique le terme al-hajj signifie l’intention et
l’objectif, al-qasd, se rendre vers un endroit et venir de tout horizon
...
Ce qui est évident c’est que al-hajj est une
pratique religieuse très ancienne
...
Le Coran, en l’occurrence, le renvoie à Ibrâhîm là où on lit : « Et quand
Nous indiquâmes pour Ibrâhîm le lieu de la Maison
...
Ils viendrons vers toi, à pied et aussi sur toute monture,
venant de tout chemin éloigné33
...
34 Nous citons, à titre d’exemple, la ka‘ba de Najrân, située à proximité
de Médine, celle de Sindân, (
...
96
...
cit
...
5
...
» Cependant, ce choix a été déjà opéré par les
Arabes depuis la mainmise de la tribu de Quraysh sur le sanctuaire de
la ka‘ba, qui remonte au début du Ve siècle lorsque Qusayy (m
...
Des raisons économiques et tribales ont été
derrière la promotion de la ka‘ba de La Mecque
...
Cette tribu, connue par son attachement au
commerce, a réussi à combiner religieux et économique en réussissant à
assurer sécurité et bienveillance à toutes les tribus arabes venant en
pèlerinage à la ka‘ba entourée de différentes divinités déjà rassemblées par
Amr ibn Luhayy36 (vers la fin du
IVe
siècle)
...
Mais il est plutôt évident que les manifestations religieuses
du
pèlerinage
ne
sont
pas
primordiales
mais
relèvent
d’un
autre
déterminisme interne et principal : le déterminisme dont dépend la vie des
bédouins et celle des autres, plus solide que le religieux et plus vigoureux
que les réunions
...
Que
les tribus viennent à La Mecque (après que certaines d’entre elles ont
parcouru toute la péninsule et ont assumé des voyages aussi pénible) en vue
de tourner autour de la ka‘ba et de stationner à ‘arafah, on ne saurait le
renvoyer exclusivement à des raisons d’ordre religieux
...
Ces extraordinaires
manifestations à l’occasion des mois sacrés (le premier mois, muharram, le
11e mois, dhû-l-qaʻda et
le
12e mois dhû-l-hijja du
calendrier
lunaire)
durant lesquels les razzias étaient interdites selon la tradition courante,
commencent par les souks qui étaient entre Tâ’if et La Mecque
...
‘Ukâz commence à regorger de gens au mois de shawwâl
...
Le
moment principal du marché, le 20 e jour de ce même mois, les gens s’en
allaient à Majanna, en bas de La Mecque, où son souk dure dix jours, c’està-dire jusqu’au début du 12e mois
...
On remplissait les outres
qui serviront de provision car il n’y a pas d’eau à ‘arafah
...
22, al-Hajj, v
...
38 Voir AL-ZAMAKHSHARÎ, Al-kashâf ‘an haqâ’iq ghawâmid al-tanzîl Égypte,
Éditions Bûlâq, 1280 h
...
)
39 Coran, S
...
158
...
Une adoption quasi totale des pratiques liées au pèlerinage
a laissé les premiers musulmans s’interdire avec zèle toute combinaison du
commercial et du religieux au moment d’ al-hajj, au point que la révélation
leur a permis et c’est ainsi que toute sorte de pénitence fut enlevée « pour
participer aux avantages qui leur ont été accordés et pour invoquer le nom
de Dieu aux jours fixés37 »
...
On avait demandé
au deuxième calife ‘Umar ibn al-Khattâb : « Prohibiez-vous le commerce
pendant al-hajj ? il a répondu : avions-nous des ressources autres que celle
provenant d’alhajj38 ? » Même procédure pour la course rituelle effectuée
par les Arabes entre les deux bornes d’al-Safâ’ et d’al-Marwâ qui étaient
avant l’islam des lieux de cultes païens ; la révélation intervient encore une
fois pour consolider cette pratique : « Al-Safâ et al-Marwâ sont vraiment
parmi les lieux sacrés de Dieu
...
»
c) Coran et jeûne
40 Coran, S
...
183
...
42 Al-Tirmidhî
...
» Cette pratique n’était donc pas insolite pour les Arabes de
l’époque
...
» Avant que le jeûne du mois de
Ramadan ne soit obligatoire, certains musulmans selon la recommandation
du
Prophète
jeûnaient
le
neuvième
et
le
dixième
jour
du
mois
de Muharram
...
Le Prophète
approuva ce jeûne
...
» En rappelant aux musulmans
l’ancienneté de cette pratique, le Coran voulait les rassurer du fait qu’il ne
s’agit pas d’une sanction cruelle de s’abstenir tout un mois, pendant la
journée, des besoins naturels et indispensables pour le maintien du corps
...
La nature humaine
devant ce genre d’exposition accepte avec sérénité une pratique aussi
difficile que le jeûne, anciennement observé
...
Dans ce
sens, le recours à la coutume locale prend non seulement en considération
les fondements de la foi et les pratiques religieuses, mais également
l’organisation de la société
...
Bien que sur de nombreuses questions
juridiques le Coran ne donne aucune indication, la « communauté » naissante
ne semble pas avoir rencontré de difficultés pour s’en charger
...
43 Voir Noël J
...
)
47Néanmoins, le Coran contient certaines règles qui sont « explicitement »
d’ordre juridique et concernent notamment celles qui relèvent du droit
matrimonial
...
Or l’objectif du Coran ne semble pas
constituer des instructions détaillées et particulières en matière juridique
...
Ces règles recouvrent certains aspects des relations conjugales
et ne prétendent pas établir une structure rigoureusement codifiée et
exclusivement nouvelle
...
Il s’agit de directives qui
concernent ce que devraient être les objectifs et les aspirations d’une société
qui épouse de nouvelles valeurs fondées sur l’éthique religieuse islamique
...
Il se propose plutôt de donner une portée universelle à
un message spirituel
...
En effet, aucun code, si détaillé et
précis soit-il, n’est en mesure de couvrir toutes les situations possibles
...
48Comme le Coran ne s’oppose pas à la coutume courante dans la société,
celle-ci est considérée comme force motrice de la vivacité de la loi et de la
relation intime avec l’usage humain
...
En Arabie préislamique, de
par sa culture orale, la coutume représente à elle seule une source
indépendante de législation
...
Ce respect de bien fondé commun relève
de la conception même et de la finalité de l’existence humaine dans le
discours coranique
...
Dans tous les cas, il
est clair de constater que le fondement « divin » ainsi supposé, a donné
naissance à des réflexions juridiques sensiblement différentes, selon les us
et selon la nécessité du contexte
...
D’ailleurs, le Coran mecquois puis le médinois symbolisent la
prise en compte de l’évolution de l’islam naissant et se manifestent dans
plusieurs occurrences expliquées par les « circonstances de la révélation »
...
7, v
...
45 IBN ‘ARABI, Ahkâm, op
...
ci-dessus note 11, tome II, p
...
50L’injonction coranique, « Et ordonne suivant ce qui est connu44 », marque
une manière nettement repérable de la rencontre entre deux domaines
supposés séparés : celui du temporel et humain et celui du spirituel et divin
...
46 Cité par al-Bukhârî, voir l’imam Zein Ed-Dine Ahmad ibn ‘Abdul-latîf aZubaydî, Mukhtasar Sahîh al- (
...
Elle
correspond, dans certaines circonstances, aux attentes des destinataires
comme l’illustre bien ce propos rapporté sur ‘Umar ibn al-Khattâb qui aurait
dit : « Mes idées ont coïncidé avec celles de mon Seigneur dans trois
circonstances
...
2, v
...
Puis le verset relatif au voile, car je dis à l’Envoyé de Dieu : si tu
ordonnes à tes femmes de se voiler car il y a le bon et le mauvais qui
viennent les interpeller ? Et le verset du voile fut révélé à la suite
...
66, v
...
Ce verset fut
révélé aussitôt46
...
Le texte coranique n’a donc pas seulement opéré un choix et
respecté le contexte de sa naissance, mais il a également répondu, à
plusieurs reprises, aux attentes des destinataires
...
Il annonce des principes
généraux qui admettent des interprétations et des applications variées,
conformément aux nécessités du temps
...
C’est
d’ailleurs en prenant en compte l’importance du particulier que l’on peut
parler d’une unité dans la diversité
...
Chaque système s’est
développé à partir d’une pratique qui s’écarte souvent du texte pour prendre
en compte le contexte dans lequel la législation ne doit pas être en décalage
avec la réalité des hommes
...
Au cours des quatre premiers
siècles de l’histoire de l’islam, au moins dix-neuf courants de pensée
juridiques ont vu le jour
...
3
...
)
54La Sunna occupe le deuxième rang d’importance dans les travaux des
juristes47
...
La deuxième phase est celle
qui couvre la période qui a précédé le rassemblement des hadîth et la
troisième phase concerne la simultanéité de l’élaboration du fiqh en tant que
discipline proprement juridique et le rassemblement du hadîth
...
D’après les auteurs de sa biographie, il aurait assuré cette mission
avant même sa prophétie
...
Considéré à la fois comme juge de la communauté
naissante et interprète des prescriptions de la « révélation », ses dits, ses
actes
et
ses
approbations
représentent
une
référence
pour
ses
contemporains
...
48 Ibrâhîm FAWZI, Tadwîn al-Sunna, Londres, Édition Riad El-rayyes,
deuxième édition 1995, p
...
56Après sa mort, les musulmans ont été confrontés à des problèmes
nouveaux qu’il fallait résoudre
...
Cette méthode se basant sur la mémorisation et la transmission orale et qui a
duré
près
d’un
siècle,
a
laissé
libre
cours
à
la
circulation
de hadîth mensongers pour consolider ou réfuter une opinion politique ou
d’ordre juridique
...
101 ; 719), que la mise par écrit des dits sunna qawliyya et des actes sunna
‘amaliyya du Prophète, a commencé48
...
Cette vérification a donné
lieu à une typologie des hadîth, typologie présidée par le degré de la
confiance accordée aux ruwât, les transmetteurs, base sur laquelle la
compilation de plusieurs corpus de cette matière a vu le jour
...
H
...
JUYNBOLL, article « Sunna » dans Encyclopédie de l’islam,
op
...
ci-dessus note 14, p
...
)
57La Sunna est officiellement devenue, avec al-Shâfi’î, une deuxième source
al-fiqh, les
fondements de la réflexion juridique, al-Shâfi’î a donné à la Sunna une
de
jurisprudence
après
le
Coran49
...
Il suffit dans ce cadre de
signaler que le Muwatta’ de Mâlik ne contient qu’un nombre négligeable
de hadîth par rapport à la fréquente référence aux actes des médinois
...
Le hadîth reste une source à partir de
laquelle on puise avec précaution
...
50 Nous pouvons vérifier ce constat à partir des œuvres de fiqh dont
le Muwatta de Mâlik ne couvre que (
...
)
59D’une part, le recours à la tradition prophétique relève d’une procédure
exégétique concernant le commandement de l’obéissance au Prophète,
obéissance qui trouve sa légitimité du fait qu’il est censé être le plus habilité
à interpréter le texte coranique
...
De là vient la difficulté de dissocier les
actes du Prophète corrélatifs à sa mission religieuse de ses pratiques du
ressort de sa propre vie et de son effort en tant qu’être humain qui peut se
tromper
...
Le Prophète était de
passage lorsqu’il a trouvé des gens qui « fécondaient » et taillaient leurs
palmiers
...
Il vaut mieux laisser les palmiers tels qu’ils sont
...
En
revenant au Prophète et lui exposant ce qui s’est passé, il leur répond : « Je
suis humain et je peux me tromper, faites ce qui vous parait nécessaire
...
» Cet exemple et bien
d’autres, nous laissent nous interroger sur la légitimité du recours à des
propos conjoncturels qui ont revêtu une autorité législative donnant ainsi
corps à d’énormes corpus de décisions juridiques
...
Les systèmes de pensée juridique ont précisément divergé à ce sujet
...
Par conséquent ses actes et ses dits ne sont pas automatiquement
validés dans un cadre législatif gouverné par la nécessité et soumis à une
réalité sociale différente d’une société à l’autre
...
DJAIT, Fî al-Sîra al-nabawiyya, al-Wahy wa-l-Qur’ân wa-lNubuwwa, Beyrouth, Dâr al-Talî‘a, 1999, (
...
Une hiérarchisation des textes
rapportés est donc apparue, hiérarchisation qui perd de son importance dans
plusieurs circonstances où l’appréciation du « législateur » joue un rôle
prépondérant quant à l’inscription d’un propos prophétique dans un cadre
législatif
...
« L’historien, précise H
...
» En effet,
un texte qui passe de l’oralité à l’écrit après un siècle environ ne pourra pas
être classé comme source de législation
...
Ce même texte pourra l’être s’il était considéré comme témoignage servant à
consolider des directives morales et à transmettre des manières suivant
lesquelles les pratiques cultuelles ont été observées
...
)
62Sans qu’il y ait pour autant un texte coranique qui approuve ou
désapprouve un acte ou un autre, le Prophète a suivi les pratiques et a
respecté les coutumes courantes de son époque
...
Si les Malikites s’attachent à
la conception précitée de la Sunna, les Hanafites, en revanche, n’en font
guère usage
...
Schacht est : « la
pratique ininterrompue des musulmans, commençant avec le Prophète,
maintenue par les premiers Califes et par les gouvernants ultérieurs, et
contrôlée par les savants53
...
Dans une telle diversité de pratiques
juridiques, le texte apparaît parfois comme une source d’inspiration et non
comme une règle formellement applicable
...
Ces sources sont le
produit de réflexions et d’efforts intellectuels
...
4
...
Ce fondement
s’appuyé sur un propos prophétique qui dit : « Ma communauté ne saurait
tomber d’accord sur une erreur », elle consiste en l’accord de l’ensemble des
ulémas selon un point de vue concernant un fait pour lequel aucun texte
(Coran ou hadîth) ne propose de solution
...
Par-delà, ils sont réputés capables de
raisonner individuellement
...
Reste à définir ceux parmi
ces connaisseurs qui sont habilités à « représenter » la communauté pour de
telles décisions portant sur la législation
...
Dans l’un ou l’autre cas, le
consensus n’a jamais eu lieu
...
54 IBN KHALDÛN, al-Muqaddima, op
...
ci-dessus note 16, p
...
55 Ibid
...
300-301
...
21, v
...
65Néanmoins, Ibn Khaldûn définit l’ijmâ‘ comme suit : « Le consensus
général se justifie du fait que les compagnons étaient convenus de
désapprouver ceux dont les opinions différaient des leurs54
...
Dans ce
sens, si on considère la réunion de la saqîfa comme modèle de consensus,
l’ijmâ‘ deviendra l’expression la plus claire du respect du urftt non pas une
source de législation à part entière
...
» Après sa mort, les califes ont exercé le pouvoir
à plus vaste échelle
...
Il s’agit des
caractéristiques de la société de l’Arabie préislamique qui ont été sousjacentes du vivant du Prophète mais qui ont repris juste après sa mort
...
C’est enfin à la lumière de la coutume préislamique portant sur
l’exercice du pouvoir que les versets relatifs à la concertation ont été lus
...
66C’est dans la tribu de Quraysh que le pouvoir va être relayé ; c’était la
première solution « choisie » pour éliminer les revendications des Médinois
...
Mis à part le cas du deuxième calife, ‘Umar, qui a été désigné par
son prédécesseur Abû Bakr, la modalité suivie pour la nomination des trois
autres califes (tous Qurayshîtes) a été l’acte d’allégeance, bay‘a
...
57 Mukhtasar sahîh al-Bûkhârî, op
...
ci-dessus note 46, Livre de
l’exercice du pouvoir, tome II, p
...
Cette
revendication est consolidée par la suite par d’autres propos prophétiques
qui évoquent les mérites des Qurayshîtes et leur plein droit au califat comme
le souligne bien ce hadîth cité par al-Bukhârî : « Jâbir ibn sumra a rapporté
qu’il aurait entendu le Prophète dire : “Il y aura douze émirs”
...
» Un texte aussi clair nécessite-t-il un recours au consensus ?
Au
moment
même
de
la
concertation
de
la saqîfa, le
recours
à
des hadîth s’inscrit plutôt dans un cadre de consolidation d’une position et
non pas pour soutenir un consensus qui n’a pas eu lieu
...
Puisque le contexte est variable, un consensus validé dans certaines
circonstances ne peut être identique dans des conditions différentes
...
Al-qiyâs
68La deuxième « source » rationnelle, al-qiyâs, la déduction par analogie,
consiste en un effort intellectuel qui fait appel à un énoncé juridique
prononcé dans le passé afin de trouver une résolution à un cas présent qui
semble similaire
...
Elle comporte
quatre éléments : un énoncé qui sert de fondement, le cas à résoudre, le
rapport existant entre les deux situations et enfin l’extension par analogie de
la solution mentionnée dans le texte au cas à résoudre
...
Dans ce
sens, le présent reste toujours en référence au passé
...
Elle est souvent sujette à l’appréciation du juge
auquel doit revenir la définition du rapport existant entre le shâhid et
le ghâ’ib
...
Al-istihsân et al-istislâh
69Deux autres « sources annexes » ne sont pas moins importantes que les
quatre précédentes puisqu’elles s’appuient, elles aussi, sur les normes de la
« source première » pour la législation « islamique »
...
Une
telle
action s’appuie
soit
sur l’appréciation personnelle
du juge al-
istihsân, soit sur la préférence en vue de futilité publique al-istislâh
...
Cela consiste à
passer en revue la pratique locale, juridique et populaire au crible des
principes de conduite contenus dans le Coran
...
71En conclusion de cette partie relative aux « sources » du fiqh, nous
pouvons remarquer que celles-ci n’ont jamais été conçues autrement que
dans une relation de nécessaire interdépendance et de complémentarité
...
Le point de convergence le plus saillant entre ces
« sources » du fiqh réside dans la prise en considération de ce qui est
courant dans les pratiques des gens
...
Les us des Arabes sont
pris en considération par le texte coranique qui appelle au recours à ce qui
est connu et reconnu dans le contexte de la révélation
...
L’interaction entre les « sources » juridiques « islamiques » s’explique, entre
autres, par un facteur d’ordre conceptuel
...
Le signifiant pourra donner lieu à plusieurs signifiés
...
La déduction par analogie consiste, en quelque
sorte, à inscrire des coutumes locales dans un cadre juridique en cherchant
des cas similaires
...
Les actes des médinois, considérés par Mâlik
comme source de législation, incarnent la continuité d’une tradition vivante
qui remonte au Prophète
...
En effet, ces actes ne doivent pas être
expliqués par la seule imitation du Prophète qui a passé la plus longue
période de sa prophétie parmi les médinois
...
Généraliser cette procédure implique la législation dans
une sorte de sacralisation et de pérennisation d’une manière d’agir différente
d’un contexte à l’autre
...
72C’est dans ce même cadre d’examen de l’arrière fond des « sources »
du fiqh que l’étude du ‘urf est importante
...
III
...
)
73Le sens étymologique des termes ‘urf et ma’rûf désigne : « ce qui a été
reconnu comme tel par le bon sens et reçoit l’assentiment des humains pour
sa commodité58
...
Plusieurs autres termes récurrents signifient le
même sens et s’inscrivent dans le même champ sémantique : ‘âda, habitude
et mâ jarâ bihi al-ʻamalce qui est courant dans la pratique des gens
...
)
74Dans ses taʻrîfât, définitions, al-Jurjânî (m
...
Il précise : « Al-
ʻurf représente ce qui est connu comme tel par le commun des mortels selon
le témoignage du bon sens et ce auquel toute nature a donné son
assentiment59
...
)
75De ces deux définitions, linguistique puis « juridique », émanent deux
éléments constitutifs du ‘urf un élément matériel et un élément moral
...
Cet usage n’a pas besoin d’une autorité
pour qu’il soit respecté comme c’est le cas pour une loi écrite
...
L’élément moral qui constitue la deuxième composante
du ʻurf se résout dans le respect accordé à la coutume courante de sorte que
le sentiment général des individus la perçoive comme inviolable et comme
faisant partie intégrante des mœurs et des principes qui établissent l’ordre
dans la société
...
61 Tafsîr al-Tahrir wa al-tanwir, tome IX, p
...
62 Ibid
...
228
...
Ibn
‘Àshûr
confirme
le
sens
commun
des
deux
termes, ‘urf et ma‘rûf
...
Il s’agit
de l’acte reconnu par les individus et n’étant pas répréhensible dans leur for
intérieur61
...
« La recommandation de
quelque chose, dit ibn ‘Âshûr, est en soi une mise au ban de son
contraire62
...
La coutume, élément constitutif du fiqh ?
77Tout comme les autres « sources secondaires » du fiqh, le ‘urf était admis
dans les faits, mais sans lui donner trop de détails concernant sa recevabilité
juridique et sa place dans la hiérarchie de l’appareil législatif
...
Cet examen suscite légitimement certaines interrogations
...
80Premièrement,
le
texte
coranique
lui-même
appelle
à
considérer
le ‘urf comme référence pour examiner plusieurs cas
...
Troisièmement, par sa disposition à voir les choses
telles qu’elles se présentent, le juge est appelé à faire preuve de réalisme
dans ses énoncés
...
Les décisions brusques et les
changements, de fond en comble, de pratiques enracinées dans la culture et
dans l’histoire d’un peuple peuvent donner lieu au non-respect d’une loi
supposée comme imposée et non conforme à sa tradition
...
45, v
...
64 IBN ‘ARABI, Ahkâm, op
...
ci-dessus note 11, tome I, p
...
65 Ibid
...
1085
...
Sans tomber dans des répétitions concernant la procédure suivie par
le texte coranique, il est nécessaire d’examiner quelques exemples
d’exégèse portant sur ce sujet
...
À partir du verset qui dit :
« Puis Nous t’avons mis sur la voie de l’Ordre63 », ibn Arabî admet que « la
législation des précédents, portant sur les pratiques religieuses, ne concerne
les musulmans que pour ce qui a été admis par le Prophète Muhammad64 »
...
Il précise : « Toutes les législations ne
divergent pas sur ce qui est conforme aux coutumes et sur ce que l’intérêt
général en dépendait
...
»
82La deuxième hypothèse émane d’une possible maniabilité de la législation
« islamique » face à des circonstances nouvelles et des cas non identiques à
ceux examinés en Arabie
...
En effet, les régions conquises
sont habitées par des populations aux langues et aux cultures diverses,
habituées à des coutumes variées et soumises à des systèmes politiques
différents
...
Cette nouvelle
phase semble innovatrice sur deux niveaux
...
D’autre part, la gestion de la cité et la
désignation du chef politique sont désormais soumises à d’autres stratégies
et à d’autres coutumes différentes de celles des premiers califes
...
COULSON, Histoire du droit islamique, Paris, PUF, 1995,
p
...
67 Jean-Robert HENRY, « Le changement juridique dans le monde arabe
ou le droit comme enjeu culturel » (
...
Ils ont fait de sorte que ce legs de
l’humanité subisse une mise en scène islamique, au point que les
générations suivantes n’y voient que les dimensions purement islamiques
...
La langue utilisée dans ses bureaux de provinces était la même
...
L’emprunt
aux
techniques
administratives
byzantines
montre
clairement
cette
orientation
...
Cette même
fonction, consistant à inspecter les marchands, est remplie par le ‘âmil, qui
va plus tard prendre le nom de muhtasib et sâhib al-sûq
...
Une valeur morale est donc
suffisante pour aménager une coutume courante de sorte que l’islamisation
ne concerne pas seulement une fonction mais aussi sa dénomination, toutes
deux empruntées
...
C’est là où l’on peut constater que les fuqahâ’, tout en ayant
recours à des techniques étrangères, ont essayé d’affirmer une image de soi
pour que « le droit fonctionne comme langage identifié67 »
...
Ainsi, et
souvent en dépit d’une stricte observance des textes ou plutôt au prix d’une
interprétation contingente, le urf prend autorité dans le cadre des sources de
législation et la soumet au contrôle de la société pour être, par la suite,
appliqué dans cette même société
...
Cette obéissance est garante de l’unité de la
communauté et de sa stabilité politique et sociale
...
Autour de cette tendance « conciliante » se regroupent ahl al-sunna wa-l-
jamâ‘a, les
partisans
de
la
coutume
du
Prophète
et
de
l’union
communautaire
...
)
69 AL-MAWARDI, ʻAli ibn Muhammad, αl-Ahkâm al-Sultâniyya, Le Caire,
1881, p
...
)
86En effet, c’était sous le patronage politique que certaines œuvres
juridiques ont vu le jour
...
Al-Mansûr n’a pas
manqué de souligner au faqîh de Médine l’importance de ce travail en lui
disant : « si Dieu m’accorde une longue vie, je ferai transcrire tes propos avec
la même rigueur que celle appliquée pour le Coran et je les ferai circuler dans
tous les coins de l’empire et j’obligerais les gens à suivre tes avis68
...
798) avait
composé son traité de droit fiscal et pénal à la demande du calife al-Rashîd
...
1058) a, à son tour, rédigé son livre al-Ahkâm al-
Sultâniyya, les statuts gouvernementaux, à la demande du calife al Qâdir
...
» En effet, Abû yûsuf ou alMâwardî ont plutôt légitimé ce qui est courant dans les pratiques politiques
et administratives, sans aller dans leurs analyses juridiques à l’encontre de ce
qui est adopté
...
Maintenir le statu quo est
garant de ne pas troubler ce qui a été déjà mis en place et de tirer profit de la
compétence des fonctionnaires capables d’assurer une même mission
...
En effet, si les gens sont confortés dans leurs habitudes et dans leurs
propres us, ils seront moins enclins à la rébellion et à la déstabilisation du
pouvoir en place
...
2
...
C’est là que
le faqîh reprend sa définition première : celui qui comprend, celui qui est au
courant de ce qui se passe autour de lui et enfin celui qui a la capacité de
faire la jonction entre ce qui est dans les faits et l’idéal à atteindre, établir la
justice
...
91Pour que la coutume soit un argument auquel on puisse se référer pour
légiférer et pour quelle acquière le statut d’une règle juridique, plusieurs
conditions ont été mentionnées par les fuqahâ’
...
Le ‘urf ne doit pas être en contradiction avec une
prescription coranique
...
92En ce qui concerne la première condition pour la recevabilité juridique
du ‘urf si certains textes se suffisent à eux-mêmes, pour d’autres cas le
champ d’application n’est pas clairement défini
...
70 M
...
cit
...
400
...
249
...
C’est l’exemple du verset
228 de la Sourate 2 qui définit les droits de la femme divorcée en disant :
« Elles ont des droits équivalents à leurs devoirs, conformément au ma‘rûf »
Cette définition des droits et des devoirs laisse la précision et les détails au
juge
...
Ibn ‘Âshûr explique ainsi le
terme ma‘rûf concernant ce cas : « Ce qui est reconnu par les consciences
saines et détachées de toute partialité
...
» Dans le
cadre des litiges au cours d’un divorce et s’agissant de la répartition des
biens payés par l’un ou par l’autre des époux, c’est le recours au ‘urf qui est
prioritaire pour juger
...
) même si c’est le mari qui l’a payé, de même
donner à l’époux ce qui, à l’usage, appartient à un homme71
...
)
73 Abû bakr AL-TURTUSHI, Risâla fî tahrîm al-jibn al-rûmî, Textes établis
par ‘Abd-al-Magid al-Turkî, (
...
Dans ce cadre, il y a plusieurs exemples qui
sont issus des coutumes locales
...
Le faqîh de Médine a sans
doute eu référence à la coutume médinoise où le bédouin est relégué à un
second rang dans la hiérarchie sociale
...
En effet, la
hiérarchisation
à
base
sociale
a
donné
lieu
à
d’autres
types
de
hiérarchisations à base confessionnelle ou même raciale
...
Nous citons ici, à titre d’exemple, le traité composé par Abû
Bakkr
al-turtûshî
(m
...
L’auteur, qui est
mâlikîte, propose trois cas de figures, nous en citons deux où le contexte et
la coutume des alexandrins président au jugement et se détachent de ceux
de Médine et des actes de ses habitants
...
, p
...
95Al-Turtûshî précise qu’il est permis de consommer, de vendre et d’acheter
le fromage fabriqué par les Rûm : « à condition que les anâfih, présures, qui
ont servi pour cailler le lait, soient extraites d’une bête tuée selon la tradition
islamique et que ce fromage soit caillé dans un récipient neuf où l’on n’a
jamais mis du vin, de la viande de porc ou de la viande d’une bête qui n’est
pas tuée selon la tradition islamique74 »
...
76 Ibid
...
127
...
Il dit : « Les ulémas divergent, Mâlik et al-Shâfi’î
l’interdisent, quant à Abû Hanîfa, lui, ne l’interdit que dans le cas où les
présures parviendraient du porc75
...
la
société d’Alexandrie, cosmopolite, marquée par la présence importante des
coptes et habituée à des transactions commerciales avec la Sicile, n’est pas
conforme aux enseignements du faqîh de Médine qui légiférait au sujet de
non musulmans absents de l’Arabie
...
Selon
Mâlik, le calife ‘Umar ibn al-Khattâb « a interdit aux dhimmis de pratiquer les
fonctions de bouchers, de banquiers, et qu’ils doivent être chassés de tous
nos souks76 »
...
C’est pourquoi, malgré son indécision, le faqîh andalous nous
semble être enclin à l’opinion d’Abû Hanîfa
...
97Pour le troisième cas, où la coutume est en contradiction avec le texte, on
est en présence d’une réalité d’actes opposée à une réalité de codification
...
Or, pour toutes les définitions données par
le ‘urf, sa recevabilité juridique est conditionnée par la non-contradiction
avec un texte explicite, nass sarîh
...
S’agit-il donc d’une réalisation effective de ce qui est
implicite dans le texte ? S’agit-il d’un passage de l’existence de principe à
l’existence de fait ? Dans ce cas, il est important également de préciser
comment le ‘urf doit ou non être en contradiction avec le texte ou avec
l’esprit du texte ?
77 Sahnûn IBN SAʻID, op
...
ci-dessus note 72, Livre de l’allaitement,
tome II, p
...
78 IBN ‘ARABI, Ahkâm, op
...
ci-dessus note 11, tome I, p
...
79 Ibid
...
Une sorte
d’aménagement du texte coranique est donc opérée suivant un travail
herméneutique
...
Cette
coutume épargnait les femmes nobles et riches de cette « astreinte » qui
pourrait empêcher la mère de conserver sa beauté physique
...
Dans ce cas,
précise le faqîh de Médine, « le père doit louer les services d’une nourrice
même si la mère du bébé jouit de la capacité physique de le faire ellemême77 »
...
Le faqîh andalou précise : « Le texte coranique n’a pas dit : Il faut que toute
mère allaite son bébé durant deux années, mais il a dit : Et les mères allaitent
leurs bébés durant deux ans78
...
Si cette interprétation est, de ce point de vue, convaincante, elle
nous parait, sous un autre angle, une sorte d’aménagement du texte non pas
pour respecter le ‘urf cette fois-ci mais plutôt par fidélité au maître, à Mâlik
...
Ceci entre dans le cadre de l’intérêt, wa hâdhâ min bâb
al-maslaha79
...
Cette condition évite au législateur de prendre en
considération les cas isolés et irréguliers
...
Le respect, que
le législateur lui apporte, engendre un apaisement collectif chez les sujets du
droit qui s’y plient
...
Car, dans le cas contraire, on est en présence de
suppositions de cas d’espèces avant qu’elle n’existe
...
Ce travail d’aménagement et de domestication des coutumes pour les
inscrire dans un cadre juridique nécessite des techniques et des méthodes
d’analyse des faits et des textes
...
Les techniques juridiques appliquées pour l’admission du ‘urf
103On entend par « technique juridique » la manière suivant laquelle les
juristes ont procédé pour évaluer la recevabilité de la coutume
...
104Les pratiques, les expressions du langage et les traditions respectives
reçoivent leurs sens du mode social dans lequel elles s’inscrivent
...
Cet adage peut
résumer les méthodes suivies par les anciens juristes pour appliquer la « loi »
sans que cette dernière ne soit contraignante
...
La
tradition courante peut se traduire en des actes ou des paroles
...
C’est la raison pour laquelle l’appréciation
de la coutume par le juge reste, en fin d’analyse, subordonnée aux us des
gens
...
C’est
suivant cette logique que la répartition et la typologie des coutumes ont eu
lieu
...
105Le ‘urf régénérai est celui qui est connu et reconnu comme tel par la
majorité des gens ou par leur totalité indépendamment du temps et de
l’espace
...
106Le ‘urf spécifique concerne, lui, un groupe social dans un espace défini et
un temps bien spécifique et déterminé
...
C’est
le cas de ce qui est reconnu comme tel dans les milieux des métiers
spécifiques concernant la nature des transactions et la spécificité du travail
...
Il est spécifique uniquement pour eux et ne peut pas être généralisé
...
Une maxime juridique dit dans ce
sens : « Le jugement général ne pourra pas être justifié par une coutume
spécifique
...
Il s’agit d’une réponse ponctuelle à une
question précise, réelle et limitée dans le temps comme dans l’espace
...
cit
...
211-212
...
Il s’agit ici d’un
effort de la part du juriste à être attentif aux mots et aux termes utilisés dans
une société ou dans un même métier et de prendre en compte la différence
des signifiants pour le même signifié
...
Même dans le cas où le sens donné à un terme serait différent
de celui qui est courant dans la langue arabe courante, le fiqh intègre ici de
nouveaux termes sous l’influence du contexte et de l’usage
...
Les Hanafîtes, par exemple, considèrent que le serment se base sur
la coutume et sur l’usage du mot prononcé et non pas sur l’objectif et sur
l’intention du prêteur de serment
...
81 IBN NUJAYM, Al-ashbâh wa-Nazâ’ir ‘alâ madhhab Abî hanîfa aNu‘mân, Beyrouth, 1980, p
...
108Et enfin, pour la coutume d’action, c’est la pratique sociale qui détermine
les conditions d’un contrat ou d’une déclaration juridique
...
Ibn Nujaym (m
...
) résume bien cet état de fait en
disant : « Ce qui est reconnu par la coutume est considéré comme une clause
du droit81
...
Mais ceci reste toujours valable et spécifique pour certains métiers et dans
des régions données
...
)
109D’autres clauses du fiqh portent sur une initiative individuelle donnant
lieu à une disposition juridique qui, lors d’un contrat, relèverait de conditions
restrictives instituées par l’un des contractants
...
Ce contrat consiste à donner le droit à la femme d’imposer une
clause interdisant la polygamie à son futur époux et exigeant d’avoir le droit
de divorcer de celui-ci en cas contraire82
...
)
110Parfois les ruses et les astuces juridiques jouent un rôle décisif quant à la
prononciation
d’une fatwâ
...
L’exemple d’un entretien, qui a réuni le
calife al-Rashîd et deux juristes parmi ses contemporains, nous donne une
idée sur la méthode suivie par les uns et par les autres juristes pour trouver
une résolution juridique à une question donnée
...
» L’argument d’alAwzâ’î est tiré de la coutume courante stipulant que « cette couleur n’était
jamais celle de la tenue d’une mariée, ni celle du vêtement d’un pèlerin lors
de son ihrâm, état de consécration rituelle, la couleur noire n’était pas non
plus celle du linceul »
...
Les exemples précités, concernant la
recevabilité juridique du ‘urf et les modes de son admission par les juristes,
montrent bien que l’homme est faiseur de la loi
...
Dans le cas où le jugement ne changerait pas suivant le rythme de l’évolution
de la société, la législation reste stationnaire et on aura tendance à
pérenniser des dispositions et des cas d’espèce conjoncturels
...
Le ‘urf sous le choc de la modernité
84 AL-QARAFI SHIHAB AL-DIN, Al-furûq, Beyrouth, Éditions Dâr al-ma‘rifa,
sans date, tome III, p
...
85 IBN AL-QAYYIM AL-JAWZIYYA, ’I‘lâm al-muwaqqi‘în, Beyrouth, Al-maktaba
al-Asriyya, 1987, tome IV, p
...
Les
précisions mentionnées ci-dessus montrent bien la flexibilité du fiqh au
moment de son élaboration
...
Ce qui
va à l’encontre de la volonté des présumés maîtres fondateurs dont la plupart
d’entre eux a précisé que l’énoncé juridique doit changer avec le changement
de sa raison d’être
...
Cette même position est prise par les Hanbalîtes
...
Si la
coutume à laquelle le juriste s’est référé change, il faut que l’énoncé
juridique change85
...
Cette attitude a laissé
libre cours à une production juridique qui ne répond pas aux besoins de
l’homme
...
La mise par écrit des œuvres juridiques al-tadwîn a certes inauguré
cette phase du passage de l’étude des faits et des cas précis à la sacralisation
des solutions juridiques du passé
...
Il ressemble, dans la plupart des cas, à
une contemplation nette des dispositions juridiques surannées
...
112Au
XIXe
siècle, lorsque la civilisation occidentale commence à imposer ses
schèmes dans les pays de tradition islamique, les fuqahâ ont gardé leur
vision basée sur la dichotomie du licite et de l’illicite et habitée par le souci
de la préservation du patrimoine juridique perçu comme amâna, confidence
et dépôt des ancêtres
...
C’est pourquoi la majorité des réformateurs musulmans
partagent la même conviction du danger de l’indolence générale qui frappe
« le monde islamique »
...
Le projet réformiste propose, d’une
part, une nouvelle lecture du patrimoine « juridique » et, d’autre part, ce
même projet appelle à fonder un régime politique nouveau
...
114Sur un premier plan, la réforme et la restauration doivent toucher à la
structure même de la production juridique dont la vénération a réduit le
travail du faqîh à une action formelle et abstraite se basant essentiellement
sur un système globalisant qui a relégué son intervention dans des domaines
restreints
...
En citant quelques exemples de fatwâ prononcées en Tunisie,
sous l’occupation française, on peut vérifier la stagnation dans laquelle
le fiqh est tombé
...
)
115Désireux de faire la promotion des produits industriels en abondance chez
eux, les pays colonisateurs tiennent à faire des pays colonisés des marchés
pour y diffuser ces mêmes produits
...
Le chocolat est parmi les produits alimentaires
étrangers à la coutume courante dans cette régence
...
C’était du fait de la licéité ou non d’un aliment dont
les composantes pourraient être interdites par l’islam que cette marchandise
n’a pas trouvé preneur
...
Après réflexion et
examen de cette question, la fatwâ du shaykh était la suivante : « Le chocolat
est un produit fabriqué à partir des fruits que Dieu nous a donnés et, d’après
ce que l’on disait, ce produit est bon pour la santé
...
Le
chocolat
est
donc
un
produit
exclusivement halâl, licite86 ! »
...
87 Ibid
...
757
...
Les muftis se sont focalisés sur l’examen des ingrédients qui entrent dans la
composition des produits alimentaires et des boissons selon leur conformité
aux conditions islamiques et ont donné la permission de la licéité de leur
consommation, de telle sorte que les consommateurs musulmans euxmêmes ont tranché au sujet de certains autres produits à l’instar de ces
muftis
...
Cela a eu des conséquences considérables
...
Pour contrecarrer ce phénomène insolite, le
mufti Mukhtâr ibn Mahmûd considérant que cette boisson est alcoolisée, a
appelé les responsables politiques à la proscrire du marché et à interdire la
vente de cette boisson de la même manière que l’interdiction du vin87
...
)
117Ces mêmes questions étaient objet d’analyse de la part des intellectuels
modernistes, mais sous un angle autre que celui du halâl et du harâm
...
Cette position de Tha’âlibî témoigne d’une part de la
divergence totale entre le monde des fuqahâ’ et celui des modernistes et
prouve d’autre part l’incapacité du fiqh à examiner les cas sous un angle
autre que celui du licite et de l’illicite
...
Les réformes politiques
qui ont vu le jour dans certains pays de tradition islamique ont, à leur tour,
bouleversé la pensée des fuqahâ’
...
L’idée
d’une
appartenance neutre à la cité, défendue par les réformateurs, a en effet
supprimé une grande partie de la législation classique, celle qui porte sur le
statut des dhimmîs
...
89 Le pacte fondamental, Qânûn ‘ahd al-amân ; ce pacte, qui proclamait
11 principes et représentait le (
...
ABI DIYAF, Ithâf ahl al-zamân bi Akhbâr Tunis wa‘ahd alAmân, Tunis, STD, 1963-1965, tome (
...
Ce faqîh semblait dire : « Quelle serait mon utilité une
fois le pacte promulgué ? » Les « décodeurs » de la parole de Dieu semblent
être exclus de leur fonction de législateur !
91 Khayr al-Dîn AL-TUNISI, Essai sur les réformes nécessaires aux États
musulmans, texte français du g (
...
Par sa vision statique
des choses, 1e faqîh est réduit à une sorte de fixation des cas d’espèces de
la jurisprudence qui l’éloigne totalement d’une prise de conscience de la
situation intérieure et extérieure
...
À cet anachronisme scientifique et politico-culturel, il
faut également noter que les fuqahâ’ étaient pris entre les réformateurs,
désireux de tirer profit de la modernité occidentale, et leur souci de
sauvegarder le patrimoine juridique sans essayer de le mettre à jour
...
»
92 Coran, S
...
38
...
)
121Ces deux logiques, celle du faqîh et celle du réformateur, permettent donc
de souligner que le respect du ‘urf ne doit pas forcément être lié aux mêmes
méthodes d’analyse du passé
...
Dans
ce même sens et concernant le verset coranique qui dit : « Nous n’avons rien
omis dans ce Livre92 », al-Kawakibî dissocie deux domaines supposés
inséparables, le domaine de la conviction et de la pratique cultuelle et celui
de la pratique sociale
...
» Cette vision réformiste
est en partie prise en considération dans certains pays de tradition
« islamique »
...
L’unification de l’appareil judiciaire et le changement du code
pénal et celui de la famille vont de nouveau susciter des revendications à
dimension religieuse
...
Le ‘urf et le mythe de l’application de la sharîa
123Il semble contradictoire d’admettre d’une part, le respect du ‘urf et la
considération de sa nécessité pour le bien des sociétés et, d’autre part, de
qualifier de rétrograde et mythique tout appel à « l’application de la sharî‘a »
ou du moins la légitimité de créer une sharî‘a de minorité
...
Toutefois, les précisions apportées à
certains termes permettent de vérifier le bien-fondé de l’objet à appliquer
...
285
...
Et comme la pratique revêt un caractère d’irrégularité,
l’avis religieux a changé en fonction du temps et de l’espace
...
790 h
...
95 Mohammed IQBAL, Reconstruire la pensée religieuse de
l’islam, Traduction de Eva de Vitray-Meyerovit (
...
1938) dit :
« Je m’interroge, si l’application de la règle relative à l’apostasie tend à
protéger les intérêts de la foi95 ? »
96 ‘Abd al-Qâdir ‘AWDAT, Al-islâm wa awdâ ‘unâ al-siyâsiyya, Le Caire,
1951, p
...
97 Ibid
...
68
...
, p
...
99 Voir Coran, S
...
38
...
24, v
...
126C’est à partir de cette même interrogation que l’on peut définir le sens de
« l’application de la sharî‘a »
...
En réalité, la
question posée par ceux qui appellent à l’application de la shana concerne,
dans un premier temps, l’islamisation des sociétés qui ont dévié de la voie
droite, celle suivie par la première génération musulmane
...
1954), l’une des figures de l’association des frères musulmans, en
l’instauration d’un régime politique qui se réfère au « commandement
suprême de Dieu96 » et en une soumission aux « injonctions coraniques,
(car), l’islam est à la fois un dogme et un système d’organisation, l’islam est
une religion et un État97 »
...
Ces idées ont certes trouvé écho dans plusieurs pays
de tradition islamique, mais cet écho s’inscrit toujours dans un cadre de
mobilisation et de revendications accompagnées par une violence sans
raison
...
Dans un monde où les coutumes ont changé et les
systèmes de vie ont évolué, l’application à la lettre des injonctions
coraniques qui appellent à couper la main du voleur99 ou à fouetter les
fornicateurs en présence d’un groupe de croyants100 montre-t-elle la
valeur d’ennoblissement de l’homme annoncée par le Coran lui-même ? Par
l’application
de
ces
châtiments
corporels,
a-t-on
vraiment
appliqué
la sharî‘a, ou a-t-on, au moins, défini l’objet à appliquer et précisé l’intérêt
général de la société ?
127Une telle revendication est souvent appuyée par une défense, sans trêve,
d’un patrimoine juridique qui n’est plus valable aujourd’hui
...
Des normes juridiques,
pourtant témoignant d’un effort humain, perçues comme émanant de Dieu,
donnent lieu à des positions qui pérennisent texte et contexte, producteur de
sens et sens
...
Se situer
en minorité dans une société relève d’un appel à une ghettoïsation juridique
et à une auto-ségrégation à base religieuse
...
Il s’agit d’une volonté avouée de revendiquer
un statut de dhimmi qui était auparavant le sort des non musulmans en
« pays d’islam » qui n’étaient d’ailleurs jamais qualifiés de minorité
...
Ce compromis a
été opéré d’abord avec les coutumes arabes préislamique puis avec les us
des pays conquis ; il a mobilisé la puissance de la coutume au service du
« sacré »
...
C’est ainsi que le droit
apparaît comme intimement lié au progrès de la société dans laquelle la loi
est modelée selon ses besoins et en fonction des questions qui s’y posent
...
Cette hiérarchisation, qui a considéré
certaines « sources » comme fondamentales et d’autres comme annexes,
doit-elle continuer à être respectée aussi bien pour le fiqh des pratiques
religieuses que pour l’organisation de la société et de ses institutions
administratives et politiques ?
NOTES
1 Pour le statut juridique des non musulmans, voir Antoine FATTAL, Le statut
légal des non-musulmans en pays d’islam, Beyrouth, Imprimerie Catholique,
1958
...
d
...
3450
...
17, v
...
11, v
...
20, v
...
4, v
...
6, v
...
8, v
...
9, v
...
18, v
...
48, v
...
59, 13 ; S
...
3, 6
...
4 IBN MANZUR, op
...
ci-dessus note 2, article sharia, tome IV, p
...
5 Coran, S
...
13
...
42, v
...
7 Coran, S
...
48
...
cit
...
22382239
...
7, v
...
10 Sourate 45, al-Jâthia, Verset 18
...
1693-1694
...
13 ‘Alî ibn Muhammad AL-JURJANI, Kitâb al-Ta‘rîfât, Beyrouth, Librairie du
Liban, nouvelle édition 1990, p
...
14 Pour mieux distinguer la différence entre le terme ‘ilm et le
terme fiqh, voir J
...
906-907
...
COULSON, Histoire du droit
islamique, Paris, PUF, 1995, p
...
16 La Risâla d’al-Shâfi‘î s’inscrit dans le même objectif de codification des
disciplines scientifiques que ses deux contemporains al-Khalîl ibn Ahmad alFarâhîdî (m
...
796)
...
Il a également
« perfectionné l’art de la grammaire et en a fait des chapitres séparés
...
Ce dernier a
composé son fameux ktâb, le livre, qui servira de modèle pour ses
successeurs parmi les grammairiens
...
Al-Muqaddima, traduit de l’arabe, présenté et annoté
par Vincent MONTEIL, Paris, Éditions Actes Sud, 1997, p
...
17 Sur l’ensemble du Coran, et sans prendre en compte les règles portant
sur les devoirs religieux et les pratiques cultuelles, il n’y a que 80 versets qui
traitent de questions juridiques proprement dites
...
20
...
17
...
Les tribus qui, pour des raisons diverses,
quittaient La Mecque, ont fini par adorer des pierres brutes à cause de leur
attachement affectif à la pierre noire de la ka‘ba
...
Ce grand prêtre de
la ka‘ba aurait trouvé la guérison dans une station balnéaire de Syrie
...
Voir Wahib ATALLAH, préface
de Kitâb al-asnâm d’Ibn al-Kalbî, Paris, Éditions C
...
XLIX
...
71, v
...
22 Coran, S
...
19, 20
...
Pour celles citées dans le texte coranique, Suwâʻ, Wadd, Yaghûth,
Yaʻûq et Nasr, voir Hishâm IBN AL-KALBI, Kitâb al-Asnâm, texte établi et traduit
en français par Wahib ATALLAH, Paris, Éditions Klincksieck, 1969, p
...
En ce
qui concerne les idoles, Manât, al-Lât et al-‘Uzzâ, voir IBN AL-KALBI, op
...
, p
...
24 Les Hanîfîtes, Al-Hunafâ‘ : il s’agit d’un mouvement religieux qui aurait vu
le jour avant l’Islam
...
Cependant, ils
ont accrédité des légendes arabiques façonnées sur des modèles empruntés
à la Torah et aux Apocalypses apocryphes
...
Parmi les pratiques de ceuxlà, on peut compter le jeûne, la circoncision, l’abstinence de manger, les
sacrifices destinés aux idoles
...
Claude VADET, « Les Hanîfs », in Revue
des études juives 130, avril-décembre 1971, 2-4, p
...
25 Dans ce même cadre, Ibn al-Kalbî cite un propos rapporté sur le Prophète
qui aurait dit : « J’ai sacrifié à al-‘Uzzâ une bête de couleur fauve, au temps
où je pratiquais la religion de ma tribu »
...
cit
...
13-14
...
10, v
...
27 Nous citons à ce sujet le verset qui dit : « Et quand on leur dit : suivez ce
que Dieu a fait descendre, ils disent : Non, mais nous suivrons les coutumes
de nos ancêtres » (S
...
170)
...
43, v
...
29 Le verset suivant résume les réponses apportées à une telle contestation :
« Vous n’adorez en dehors de Lui que des noms que vous avez inventés,
vous et vos ancêtres, et l’appui desquels Dieu n’a fait descendre aucune
preuve
...
11 vous a commandé de n’adorer
que Lui » (S
...
40)
...
Et à
Lui nous sommes soumis » (S
...
136)
...
88, v
...
32 Coran, S
...
12 à 16
...
22, v
...
34 Nous citons, à titre d’exemple, la ka‘ba de Najrân, située à proximité de
Médine, celle de Sindân, située entre Bassorah et Koufa, celle d’al-Hawrâ’ et
celle d’al-Qalîs à San‘â’
...
cit
...
3739
...
96
...
cit
...
5
...
22, al-Hajj, v
...
Al-kashâf ‘an haqâ’iq ghawâmid al-tanzîl Égypte,
Éditions Bûlâq, 1280 h
...
84 ; cité par Mahmûd Salîm AL-HÛT, Fî
Tarîq al-Mithyûlûjiya ʻinda al-arab, Beyrouth, Éditions Dâr al-Nahâr, 1983,
38 Voir
AL-ZAMAKHSHARÎ,
p
...
39 Coran, S
...
158
...
2, v
...
41 Bukhârî
...
43 Voir Noël J
...
21
...
7, v
...
45 IBN ‘ARABI, Ahkâm, op
...
ci-dessus note 11, tome II, p
...
46 Cité par al-Bukhârî, voir l’imam Zein Ed-Dine Ahmad ibn ‘Abdul-latîf aZubaydî, Mukhtasar Sahîh al-Bukhârî, Al-Tajrîd al-Sarîh, traduit en français
par Fawzî CHAABAN, Beyrouth, Éditions Dâr al-Kutub al ‘ilmiyya, 1993, tome I,
p
...
47 Il faut signaler dans ce cadre que le recours des juristes à la Sunna, aux
actes, aux dits et aux approbations du Prophète, a été « canonisé » avec alShâfi‘î
...
145
...
H
...
JUYNBOLL, article « Sunna » dans Encyclopédie de l’islam, op
...
ci-dessus note 14, p
...
50 Nous pouvons vérifier ce constat à partir des œuvres de fiqh dont
le Muwatta de Mâlik ne couvre que 500 hadîth environ pour finir avec Ahmab
ibn Hanbal où son Musnad est plus proche d’un recueil de hadîth que d’une
œuvre de fiqh
...
54
...
DJAIT, Fî al-Sîra al-nabawiyya, al-Wahy wa-l-Qur’ân wa-l-
Nubuwwa, Beyrouth, Dâr al-Talî‘a, 1999, p
...
53 Joseph SCHACHT, Esquisse d’une Histoire du Droit Musulman, Librairie
Orientale et Américaine, Paris, 1953, p
...
54 IBN KHALDÛN, al-Muqaddima, op
...
ci-dessus note 16, p
...
55 Ibid
...
300-301
...
21, v
...
57 Mukhtasar sahîh al-Bûkhârî, op
...
ci-dessus note 46, Livre de l’exercice
du pouvoir, tome II, p
...
58 IBN MANZUR, article « ‘urf », dans Lisân al-‘Arab (La Langue des Arabes),
Beyrouth, Dâr Sâdir, tome IX, p
...
59 ‘Alî ibn Muhammad al-Sharîf AL-JURJANI, Kitâb al-ta‘rîfât, Beyrouth,
Éditions de la Librairie du Liban, 1990, p
...
60 C’est d’ailleurs de cette continuité que la coutume doit sa dénomination
par ‘urf qui désigne en langue arabe la crête du coq et la crinière du cheval
...
227
...
, tome IX, p
...
63 Coran, S
...
18
...
cit
...
24
...
, tome III, p
...
66 Voir Noël J
...
29
...
141
...
Ceci est vrai même si
cette dynastie adopte le système de pensée juridique rattaché à Abû hanîfa,
ce qui ne l’empêche pas de solliciter Mâlik, pourtant connu par sa rigidité,
par son attachement à la tradition du Prophète et surtout par son recours aux
actes des médinois, ‘amal ahl-al-madîna
...
3 (nouvelle édition, Le Caire, al-Maktabah al-Tafîqêyah, 1978)
...
Al-Tâhir IBN ‘ÂSHUR, Tafsîr, op
...
ci-dessus note 61, tome II, p
...
71 Voir Muhammad IBN IBRAHIM, al-Ijtihâd wa qadâyâ al-‘asr, Tunis, Éditions
Dâr al-Turkî, p
...
72 Sahnûn IBN SA‘ID, al-Mudawwana al-Kubrâ, Beyrouth, Édition Dâr Sâdir,
Livre de la prière, tome I, p
...
Voir également IBN ‘ARABI, Ahkâm, op
...
cidessus note 11, tome II, p
...
73 Abû bakr AL-TURTUSHI, Risâla fî tahrîm al-jibn al-rûmî, Textes établis par
‘Abd-al-Magid al-Turkî, Beyrouth, Éditions Dâr al-Gharb al-Islâmî, 1997
...
, p
...
75 Ibid
...
, p
...
77 Sahnûn IBN SAʻID, op
...
ci-dessus note 72, Livre de l’allaitement, tome II,
p
...
78 IBN ‘ARABI, Ahkâm, op
...
ci-dessus note 11, tome I, p
...
79 Ibid
...
cit
...
211-212
...
99
...
148-149
...
d
...
11 et dans ‘Abd al-razzâq
‘Ali AL-ANBÂRÎ, ansab al-qâdî wa-l-qudât fî al-dawla al‘abbasiyya, Beyrouth,
Éditions al-Dâr al ‘arabiyya li-l-mawsû ‘ât, 1987, p
...
84 AL-QARAFI SHIHAB AL-DIN, Al-furûq, Beyrouth, Éditions Dâr al-ma‘rifa, sans
date, tome III, p
...
85 IBN AL-QAYYIM AL-JAWZIYYA, ’I‘lâm al-muwaqqi‘în, Beyrouth, Al-maktaba alAsriyya, 1987, tome IV, p
...
86 Muhammad IBN YUNES AL-SUISI, Al-fatâwâ al-tunisiyya fî al qarn al-râbi‘
‘ashar al-hijrî, Thèse pour l’obtention du Doctorat d’état de l’Université al-
Zaytûna de Tunis, sous la direction de ‘Abd al-Majîd al-Najjâr, Tunis, 1986,
non éditée, fatwâ no 266, p
...
87 Ibid
...
757
...
74
...
Il s’agit d’un pas franchi vers une organisation
sociale et politique qui précise, entre autres, à tous les « sujets » leurs droits
et leurs devoirs en dehors de l’appartenance confessionnelle
...
ABI DIYAF, Ithâf ahl al-zamân bi Akhbâr Tunis wa‘ahd al-
Amân, Tunis, STD, 1963-1965, tome IV, p
...
91 Khayr al-Dîn AL-TUNISI, Essai sur les réformes nécessaires aux États
musulmans, texte français du général Khayr ed-Dîne homme d’État
du
XIXe
siècle, réédité et annoté par Magali Morsy, Paris, Edusud, 1987, p
...
92 Coran, S
...
38
...
309
...
285
...
169
...
61
...
, p
...
98 Ibid
...
72
...
5, v
...
100 Coran, S
...
2