Search for notes by fellow students, in your own course and all over the country.
Browse our notes for titles which look like what you need, you can preview any of the notes via a sample of the contents. After you're happy these are the notes you're after simply pop them into your shopping cart.
Document Preview
Extracts from the notes are below, to see the PDF you'll receive please use the links above
Économie et marchés financiers
Perspectives 2010-2020
Éditions d’Organisation
Groupe Eyrolles
61, bd Saint-Germain
75240 Paris cedex 05
www
...
com
www
...
com
Directeur de collection : Thami Kabbaj
Dans la même collection :
Investir en Bourse : peut-on battre le marché ?,
Didier SAINT-GEORGES, 2007
...
Or, cette pratique s’est généralisée notamment dans l’enseignement provoquant une baisse brutale des
achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs
de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est
aujourd’hui menacée
...
© Groupe Eyrolles, 2010
ISBN : 978-2-212-54478-7
Thierry Béchu
Économie
et marchés financiers
Perspectives 2010-2020
« Tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort
...
Mes pensées vont aussi à mes collègues de la Société générale et
à mes amis de l’AFATE, et tout spécifiquement à Jean-Charles
Gand, Claude Mattern et Robert Haddad, qui m’ont abreuvé de
sources pertinentes et d’idées judicieuses
...
© Groupe Eyrolles
Enfin, je remercie mon épouse et mes filles pour leur incroyable
patience et leurs encouragements
...
1
Partie 1
Causes profondes de la crise
Chapitre 1 – Une nouvelle crise du capitalisme
...
11
Le problème de l’aléa moral
...
14
Le partage salaire/profit
...
25
Le marché des mortgages
...
27
Chapitre 3 – Politique monétaire laxiste et endettement massif
...
31
Une économie et un système financier abusant de l’effet de levier
...
34
Un système insoutenable : un schéma de Ponzi généralisé
...
39
Partie 2
Analyse des conséquences de la crise sur la société
Chapitre 5 – Conséquences immédiates des crises : une crise
économique et sociale
...
47
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
Conséquences sociales
...
53
L’arrêt de la mondialisation
...
57
Chapitre 7 – Recherche de boucs émissaires et retour
de la morale
...
63
Le retour de la morale
...
75
La remise en cause du libéralisme
...
78
Des conflits et des guerres
...
85
La contrainte démographique
...
90
Une croissance démographique encore très forte au niveau mondial
...
93
L’eau
...
99
Déclin et naissance des grandes puissances
...
102
La Chine
...
115
Les politiques conjoncturelles d’accompagnement de la crise
...
115
Les politiques monétaires des banques centrales
...
121
L’importance des cycles en économie
...
125
Le risque inflationniste
...
143
Application de l’analyse des cycles à la croissance
...
147
Le retour de la volatilité de l’économie
...
158
Partie 4
Perspectives sur les marchés financiers
Chapitre 11 – Finance et investissement
...
163
Quelle forme d’investissement pour demain ?
...
169
Perspectives fondamentales
...
172
Chapitre 13 – Les matières premières
...
181
Une classe d’actifs pas comme les autres
...
191
Le marché de l’or
...
Les matières premières agricoles
...
209
Des changements majeurs
...
212
L’attractivité des devises émergentes
...
214
Chapitre 15 – Le marché actions
...
223
Le grand retour des obligations d’entreprises
...
228
Le bel avenir des actions est derrière nous…
...
231
Environnement fondamental médiocre
et tension des primes de risque
...
Durée du bear market et cycles boursiers
...
232
234
234
240
Le marché français et le CAC 40
...
247
L’intégration des dividendes
...
252
Analyse graphique
...
257
Conclusion générale
...
269
Index
...
C’est donc principalement un
livre d’anticipation et de prospective qui ambitionne de dégager
les grandes lignes que la crise imposera à nos sociétés, tant du
point de vue social et politique que du point de vue monétaire,
financier et économique
...
En tant que fervent utilisateur et spécialiste de la finance
comportementale et de l’analyse graphique, je suis convaincu de
la très haute influence des mécanismes psychologiques dans les
décisions des agents économiques
...
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
La finance et l’économie comportementale ainsi que l’analyse
graphique sont une application de la psychologie aux domaines
de l’économie et de la finance
...
La psychologie individuelle (par l’intermédiaire de biais
cognitifs ou par les influences émotionnelles…) ainsi que les
mécanismes de la psychologie collective (manipulation, mimétisme…) impliquent des prises de décisions non linéaires et
parfois contraires à l’intérêt de l’individu ou du groupe
...
Dans le cadre d’une crise majeure, les comportements des agents
agissent directement sur la façon d’organiser la société : l’effondrement économique est une menace majeure pour la stabilité
des États
...
Pendant ces
périodes troublées, le modèle économique est questionné, et
avec lui le modèle social et moral qui le supporte
...
L’analyse technique regroupe un ensemble de méthodes qui ont
pour but d’observer les graphiques boursiers pour ensuite anticiper les tendances à venir
...
Aujourd’hui, à un niveau beaucoup plus large, je considère que
la crise présente une configuration particulière, déjà observée
dans le passé, qui suppose le déclenchement d’un ensemble de
© Groupe Eyrolles
2
Introduction
comportements et de phénomènes spécifiques aux périodes de
crise
...
Le monde en connaît environ une à deux par siècle
et l’histoire nous offre un formidable repère pour apprécier les
directions les plus probables que la société pourrait prendre
...
Les hommes apprennent et retiennent certaines leçons de l’histoire
...
Néanmoins, l’histoire se répète,
certes chaque fois de façon différente, mais les pathologies de la
crise et de sa résolution sont là, immuables
...
Ces réactions
sont inévitables dans un environnement d’incertitude majeure et
conduisent à un ensemble de décisions en cascade de la part des
différents pouvoirs influents qui rétroagissent ensuite sur les
comportements des individus
...
Il semble bien que la fin d’un monde bipolaire après l’effondrement du bloc soviétique dans les années 1990 a permis d’éloigner et de réduire considérablement le sentiment de peur et
d’incertitude dans nos sociétés (et ce, même en dépit des craintes
liées au risque terroriste)
...
Toutes ces tendances ont probablement connu des
extrêmes et des excès
...
Les deux piliers qui régissent les pulsions primitives de tout être
vivant sont la peur et le désir (pulsions de mort et de vie)
...
Une société se construit aussi autour de ces mêmes
pulsions
...
Depuis la fin de la guerre froide et plus encore depuis la
chute du mur de Berlin, le monde s’est développé sur la thématique du désir (liberté, consommation, communication, mondialisation…)
...
Peur et désir peuvent coexister, mais il semble
bien qu’après ces années où le désir était roi, la peur revienne
s’installer dans nos sociétés et dans nos esprits
...
L’objet de ce livre est donc de déterminer des scénarios futurs sur
les changements qui se manifesteront
...
Le curseur a été poussé
très loin, trop loin en termes d’inégalités, de libertés apparentes,
de comportements dénués de moralité
...
Bien comprendre les causes de la crise, c’est certainement se donner les moyens d’apprécier les éléments qui ont le
plus de chances de changer fortement dans les années qui viennent
...
Il s’agit d’un phénomène de civilisation qui englobe donc tous les
aspects de notre vie
...
De nouvelles valeurs, ou des valeurs momentanément
oubliées, vont resurgir et aider à recréer une base durable à la
stabilité et à un développement nouveau de notre civilisation
...
La crise et ses implications ne peuvent donc pas se
réduire à la seule économie et aux seuls marchés financiers, elles
s’étendent et se prolongeront bien au-delà, modifiant et parfois
bouleversant l’organisation de la société et notre façon de vivre
et de penser
...
En s’appuyant sur des références historiques, la deuxième partie
s’intéressera principalement aux conséquences que la crise
devrait entraîner dans notre société et aux nouvelles valeurs
dominantes qui pourraient influencer l’ensemble de celle-ci
...
Forte des conclusions des parties précédentes, la dernière partie
de ce livre étudiera les principales classes d’actifs et proposera
des scénarios et des perspectives pour les grands marchés financiers à l’horizon de la prochaine décennie
...
© Groupe Eyrolles
6
Partie 1
Causes profondes de la crise
Les mois et les années à venir vont s’accompagner de changements profonds qui vont parfois considérablement modifier
notre vie quotidienne, notre façon de vivre et très certainement
de penser
...
© Groupe Eyrolles
Il ne s’agit pas d’une simple altération ou d’une modeste bifurcation mais bien d’un changement majeur qui va bouleverser notre
civilisation
...
Cette phrase
dont beaucoup ont usé et abusé à n’importe quel propos prend
aujourd’hui tout son sens
...
Trop loin
...
Le retour de balancier sera violent, certainement
impossible à contrarier
...
En psychologie, le changement est associé à des modifications
irréversibles et à la perte de quelque chose
...
Elisabeth Kübler-Ross a notamment étudié le travail de deuil et
relève l’existence de cinq phases distinctes dans le processus
d’acceptation d’un changement :
• la première phase est le déni, le refus de comprendre : c’est
le rejet catégorique des événements en cours ;
• suit une phase dite de résistance : elle se manifeste de trois
manières distinctes (l’inertie – absence de réaction –,
l’argumentation – on essaie de discuter les éléments du
changement, la révolte et le sabotage –, le rejet avec usage
possible de la violence)
...
Concernant la crise actuelle, cela signifie
que celle-ci est bien identifiée et que son impact sur notre
vie quotidienne commence à être intégré ;
• elle laisse ensuite la place à la phase la plus longue dite de
résignation ou d’acceptation
...
On trouve souvent pour cela des objets facilitant l’acceptation
...
La
crise aurait ainsi du bon si elle permettait de punir ceux
qui sont supposés l’avoir causée ;
• enfin, la phase d’intégration permet à l’individu d’intégrer
les changements et donc de s’adapter au nouvel environnement
...
Chacun pourra situer sa propre position face à la crise actuelle
...
L’objectif de ce livre est aussi de donner les
© Groupe Eyrolles
8
Causes profondes de la crise
éléments qui permettront de se diriger le plus sereinement possible vers la phase d’intégration
...
Nous présenterons le
principe de l’aléa moral et du court-termisme qui constituent les
déterminants cruciaux ayant conduit aux dérives du système
...
Enfin nous
expliquerons que, du point de vue économique et monétaire, le
principal responsable a été la politique laxiste de la Réserve fédérale
...
9
Chapitre 1
Une nouvelle crise
du capitalisme
Après plusieurs mois de crise, la critique du capitalisme est sur
toutes les langues
...
Il était porté aux nues et voilà qu’on
l’exècre… Que s’est-il passé ? Quel dérèglement a pu provoquer
un dérapage aussi peu prévisible ?
Beaucoup de raisons peuvent être invoquées : nous en avons
retenu deux qui nous semblent essentielles et complémentaires
...
Un capitalisme malade de la peste :
une soif de profit jamais assouvie
© Groupe Eyrolles
Le problème de l’aléa moral
L’aléa moral (moral hazard) est un concept issu de la finance
comportementale qui considère l’existence d’une asymétrie
d’information et de risque entre deux contractants
...
Par
extension, l’aléa moral s’applique à toute situation pouvant révéler un système pervers conduisant à des comportements abusifs
...
Les banques ont ainsi appliqué un système de rémunération très
déconcertant à de nombreux salariés (traders, market makers,
structureurs, gérants, vendeurs…)
...
Chacun recevait un pourcentage
des profits réalisés à partir de capitaux engagés par la banque
...
Honneurs et argent
revenaient naturellement à ceux qui prenaient le plus de risque et
savaient le domestiquer
...
Une seule bonne année
pouvait suffire pour s’assurer une tranquillité financière à vie
...
Il n’est bien sûr pas étonnant de constater que les secteurs qui ont
le plus pratiqué cette dérive sont ceux qui ont connu des bulles
spéculatives : le secteur technologique et le secteur financier
...
Cela a
toujours été et sera toujours
...
Il a toujours fonctionné, et plutôt
assez bien, sans déclencher des crises économiques majeures
...
À partir de cette
période, correspondant à l’avènement de Ronald Reagan, les dirigeants d’entreprise commencent à être directement intéressés aux
profits des entreprises via le système des stock-options
...
Leur rémunération
va ainsi exploser et certains d’entre eux vont devenir richissimes
...
La proportion dépassait les trois cents fois en 2007
...
Il y a certainement eu une forme de détournement du
système capitaliste par les dirigeants pour favoriser un accroissement des cours de Bourse, principal vecteur d’accession à la
fortune
...
Or, dans la logique capitaliste,
l’entrepreneur prend des risques sur son propre capital et les
profits sont là pour rémunérer cette prise de risque
...
Il se trouve que la participation
des dirigeants aux profits a déséquilibré le système puisque les
gains réalisés n’étaient plus liés à une prise de risque effective
...
Il y
13
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
avait là ce que les Anglo-Saxons appellent un free lunch (un repas
gratuit), c’est-à-dire une option gratuite sur la fortune
...
Rien de très
surprenant alors de voir aujourd’hui l’acharnement des dirigeants politiques à réglementer la rémunération des patrons et
des traders
...
Mais peut-on raisonnablement accabler les financiers et les
hommes d’affaires d’avoir voulu tirer profit d’une situation
attractive ? N’est-il pas dans la nature humaine d’être assoiffée de
richesses et de pouvoir ? Si l’homme n’était pas doué d’un
penchant certain pour l’avidité, l’humanité n’aurait sûrement pas
progressé comme elle l’a fait jusqu’à présent
...
Tout
quidam ne dispose pas d’une moralité indiscutable et le fait
d’évoluer dans un environnement très attaché aux valeurs matérialistes le prive rapidement de toute sa vigilance (confronté à un
phénomène de foule, l’individu se conforme rapidement aux lois
et aux façons de penser de la foule, ici la communauté financière)
...
Le vrai
coupable est celui qui a laissé faire alors qu’il avait l’autorité de
contrôle et l’obligation morale d’intervenir
...
Elles
ont failli à leur obligation
...
Aveuglement et « court-termisme »
Une des caractéristiques essentielles de l’aléa moral repose aussi
sur le conflit d’intérêts qui existe entre le gain à court terme que
© Groupe Eyrolles
14
Une nouvelle crise du capitalisme
© Groupe Eyrolles
l’on peut tirer d’une situation et son intérêt effectif à long terme
...
Ce biais en faveur de l’immédiat, le « court-termisme », a conduit à un aveuglement dans
bon nombre de choix stratégiques et sociétaux
...
Aux résultats parfois calamiteux,
comme cela a été le cas pour la finance ou l’environnement
...
Les décisions de gestion de
nombreuses entreprises et un certain nombre de choix politiques ont été guidés par ce biais
...
Certains pays
souffrent d’un déficit budgétaire abyssal, fardeau que devront
payer les générations futures qui, elles, ne votent pas encore…
Le manque ou l’absence de réaction ou de ligne politique claire
sur certains dossiers de sociétés sont difficilement
compréhensibles : en matière d’environnement (où en est-on de
l’eau, de l’utilisation des engrais et des pesticides, de la culture
des OGM… ?) ou sur des sujets de santé publique (l’absence de
politique sérieuse contre l’obésité – selon les pays, 10 à 20 % de
la population est touchée par ce fléau de civilisation – serait-elle
due à une certaine complaisance face à des lobbies puissants de
l’industrie agroalimentaire ou à un simple laisser-faire
coupable ?)
...
Récemment, la privatisation de nombreuses sociétés du service public (eau, gaz, électricité, télécommunications…) a participé à cet abandon de
15
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
l’État en faveur de l’initiative privée sans aucune garantie sur la
qualité du service qui en découlera (si ces entreprises deviennent
souvent plus profitables, la qualité de leurs services s’en ressent)
...
Le secteur des médias fournit une illustration de l’effondrement
culturel dans lequel ont plongé la majorité des médias et notamment la télévision, avide de profits à court terme et esclave de
l’audimat
...
On ne laisse plus la chance au
produit, le succès doit être immédiat et le profit palpable instantanément
...
Face à cette dictature de l’audimat, les médias se livrent une course effrénée à la médiocrité et
au sensationnel
...
Au final, le résultat est le même : stagnation et régression de la
culture et de la connaissance pour les masses (abêtissement
médiatique) face à une élite culturelle et dirigeante toujours
aussi cultivée et à l’abri des marais télévisuels
...
Nous pourrions
prendre de nombreux exemples pour démontrer que l’aléa
moral et le « court-termisme » se sont bel et bien emparés de
notre société et que le résultat en est affligeant
...
Le secteur financier est aujourd’hui la partie émergée de
l’iceberg « aléa moral »
...
© Groupe Eyrolles
16
Une nouvelle crise du capitalisme
Le partage salaire/profit
Une des particularités de la période 1980-2008 est la baisse quasi
régulière de la part des salaires et a contrario la hausse tout aussi
régulière de la part des profits dans le partage de la valeur ajoutée entre salaires et profits
...
À partir des années Reagan, le libéralisme reprend ses droits
et va progressivement permettre aux capitalistes de reconquérir
ce qu’ils avaient « lâché » aux salariés
...
Mais le salarié semble être devenu l’éternel oublié de cette
embellie
...
Pire, le salarié est souvent la
victime de cette recherche du profit : la loi des délocalisations
fait rage et le salarié occidental endosse à regret le manteau de la
victime
...
Les indicateurs statistiques qui
mesurent la concentration des revenus et de la richesse (coefficient de Gini) montrent que ce mouvement a commencé aux
États-Unis dès les années 1970 et seulement au début des années
1990 en France
...
1, le revenu familial médian aux
États-Unis (caractéristique des classes moyennes) a pratiquement stagné en dollars constants depuis 1977 (et il est en baisse
depuis le début 2000) alors qu’il avait plus que doublé pendant la
période précédente équivalente (1947-1977)
...
17
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
Graphique 1
...
home
...
net/f
$35,000
$30,000
$25,000
Rapid income growth 3,7 %
per year above inflation for
23 years – 1947-1970
$20,000
1977
1974
1971
1968
1965
1962
1959
1956
1953
1950
$15,000
1947
Median income 1993 dollars
Median Family Incomes 1979-2006
Grandfather Economic Report
http://mwhodges
...
att
...
htm
$55,000
in 2004 dollars
note : CPI inflation
definition revised
downward 1995-2006
$50,000
$45,000
Extremely slow 0,3 % annual
income growth 36 years, 1970-2006
$40,000
by Michael Hodges
(Source : Census Bureau
...
2 montre la part des salaires dans le PIB des pays
développés
...
Il s’agit donc d’une diminution assez considérable
...
Graphique 1
...
)
Ce phénomène se retrouve dans l’ensemble des pays occidentaux
...
3 représente la part de revenu encaissée par
le premier centile le plus riche aux États-Unis
...
En 2007, le premier centile percevait plus de 22 %
19
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
du revenu total tandis que le revenu médian reculait légèrement
depuis la fin des années 1990
...
3 – Revenu en pourcentage du PIB du premier %
le plus riche aux États-Unis
%
%
U
...
Share of National Income : Top 1 % Earners*
22
22
18
18
14
14
10
10
20
30
40
50
60
70
80
90
2000
10
(Source : IRS
...
4 confirme cette tendance et montre également
que le début des années 1980 correspond aussi à l’amorce du
bull market sur les actions
...
Comment les salariés ont-ils
pu à la fois voir leur salaire baisser en relatif et consommer de
façon croissante ? Cet effet de ciseau est le nœud gordien des
difficultés que nous connaissons
...
© Groupe Eyrolles
20
Une nouvelle crise du capitalisme
Graphique 1
...
)
21
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
En France, le patrimoine des plus riches a augmenté sensiblement (plus de 40 % pour les cinq derniers déciles) tandis que les
catégories les plus pauvres voyaient leur patrimoine stagner en
euros (entre 1 % et 8 % de hausse pour les trois premiers déciles)
et baisser en valeur réelle après correction de l’inflation (cf
...
1)
...
1 – Patrimoine moyen des Français par décile
entre 1997 et 2003
en euros
Patrimoine moyen par décile
1997
2003
Inférieur 1er décile
339
354
4%
Entre 1e et 2e décile
2 123
2 137
1%
Entre 2e et 3e décile
7 769
8 357
8%
Entre 3e et 4e décile
24 922
30 843
24 %
Entre 4e et 5e décile
56 768
76 835
35 %
Entre 5e et 6e décile
83 229 116 801
40 %
Entre 6e et 7e décile 110 500 155 295
41 %
Entre 7e et 8e décile 145 857 204 937
41 %
Entre 8e et 9e décile 211 276 298 051
41 %
Supérieur au 9e décile 552 657 755 406
37 %
Rapport patrimoine moyen des 10 %
d’individus au patrimoine le plus élevé /
patrimoine moyen des 10 % d’individus au
patrimoine le moins élevé
(Source : Insee, enquêtes Patrimoine 1998 et 2004
...
La France est plutôt
bien placée dans l’équité des richesses et dans leur progression :
les classes moyennes supérieures (cinquième décile et au-delà)
s’enrichissent autant que le dernier décile
...
En revanche, dans les pays anglo-saxons,
l’écart constaté dans les variations du patrimoine est fortement à
l’avantage des plus riches
...
Le crédit a joué
un rôle de pacification sociale et cela semblait satisfaire tout le
monde : les salariés avaient un accès unique à la grande société
de consommation et les capitalistes voyaient leurs profits exploser en relatif, et aussi en absolu, grâce à l’explosion de la
consommation
...
Tout d’abord, cela a amorcé le développement d’une dette abyssale dont nous analyserons plus loin
les conséquences
...
Ce qui lui a permis
de construire en quelques années la plus grosse réserve de
change jamais vue (près de 2 trillions de dollars)
...
23
Chapitre 2
Le marché immobilier
américain et la crise
des subprimes :
simple déclencheur
La fameuse crise des subprimes a souvent été désignée comme
l’explication de la crise et parfois comme sa simple expression
...
Toutefois, elle
est aussi le révélateur d’excès irresponsables et dénués de moralité, caractéristiques de cette ère nouvelle du libéralisme
...
Le fonctionnement du mortgage américain qui a
permis l’endettement des ménages est en premier responsable
...
Par exemple, si les taux baissent, il est
très fréquent de venir renégocier son prêt pour faire baisser ses
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
annuités
...
De plus, le marché
hypothécaire américain offre une souplesse supplémentaire avec
la possibilité de renégocier sa capacité d’emprunt dès lors que le
bien immobilier sur lequel repose le prêt initial s’est apprécié
...
C’est potentiellement 50 000 dollars de prêt supplémentaire que mon banquier est censé me consentir en veillant à prendre des garanties sur ma maison
...
Cette manne colossale a
donc, chaque année, permis aux ménages américains d’augmenter leur consommation pour un montant supérieur en moyenne à
plus de 5 % du PIB
...
Ce mécanisme explique à lui seul l’extraordinaire dynamisme de la consommation des ménages américains
...
Et à l’époque, personne n’y avait vraiment trouvé à redire
...
Or l’immobilier américain connaissait
une formidable bulle spéculative
...
Un tel système reposait sur du sable : sa
pérennité dépendait de la poursuite de la hausse des prix immobiliers
...
Un véritable cauchemar
...
Pour un
banquier, il s’agit donc d’une clientèle à haut risque pour laquelle
le taux de défaillance est extrêmement élevé
...
Or, à partir du début des années 2000, les taux d’intérêt se sont
retrouvés à des niveaux très bas, favorisant les possibilités
d’endettement des ménages pour l’acquisition de biens immobiliers
...
Forts de cette hausse, les banquiers ont
commencé à relâcher les contraintes sur les ménages subprimes
...
General Motors proposait ainsi d’acheter ses voitures avec un crédit de 100 % à 120 %
sans conditions d’aucune sorte
...
Ne pouvant pas monétiser l’actif courant de ces ménages qui
n’avaient pas de biens immobiliers, ils leur ont proposé de
s’endetter pour en acquérir un et, pour faciliter les choses, ont
littéralement monétisé une augmentation hypothétique de leurs
biens, une revalorisation par anticipation
...
Mais ce dernier acceptait, car on lui
faisait comprendre que demain son bien vaudrait beaucoup plus
cher et qu’il serait alors possible de refinancer son crédit sur des
bases plus cohérentes avec ses revenus
...
Dans le même temps, le banquier prêteur, conscient des risques
encourus, s’est délesté de ces prêts par le biais de la titrisation
...
Ces produits étaient structurés,
c’est-à-dire qu’ils bénéficiaient d’un effet de levier de façon à
augmenter le rendement final, devenu ainsi très attractif
...
Dans les livres des principales banques d’investissement,
dans les portefeuilles de certains hedge funds et de façon plus
surprenante dans des sicav monétaires « dynamiques »
...
Si la crise des subprimes n’est que le déclencheur d’une crise beaucoup plus large,
elle témoigne à la fois de l’effrayante cupidité et de l’incroyable
irresponsabilité des prêteurs de subprimes, mais aussi de leur
imagination sans bornes pour distribuer le risque à travers le
© Groupe Eyrolles
28
Le marché immobilier américain et la crise des subprimes
© Groupe Eyrolles
monde
...
29
Chapitre 3
Politique monétaire laxiste
et endettement massif
© Groupe Eyrolles
Une politique monétaire laxiste
On peut pendant longtemps essayer d’isoler les coupables : ils
sont nombreux, multiples et chacun d’entre nous a probablement eu sa part de responsabilité
...
Mais ces bulles trouvent certainement leurs racines
dans la politique extrêmement laxiste de la Federal Reserve
...
Quand les craintes se sont dissipées (dès la deuxième moitié de
2003), les autorités monétaires n’ont pas bougé les taux de peur
de voir l’activité repartir à la baisse
...
Puis à chaque
FOMC (Federal Open Market Committee), dont la fréquence est
d’environ tous les deux mois, les taux ont été relevés d’un quart
de point jusqu’au seuil de 5,25 % à l’été 2006
...
C’est justement
l’écart entre une santé économique réjouissante et des taux bas
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
qui a incité nombre d’acteurs à tirer profit de ces taux bas pour
prendre plus de risque
...
D’où un recours
systématique à l’emprunt et à l’effet de levier qui permettait
d’accroître davantage les gains potentiels
...
Il revient normalement à la banque centrale
d’éviter de telles situations
...
Le graphique 3
...
Graphique 3
...
)
© Groupe Eyrolles
32
Politique monétaire laxiste et endettement massif
Une économie et un système financier
abusant de l’effet de levier
© Groupe Eyrolles
Le résultat de cette politique monétaire laxiste a donc été l’explosion du recours à l’effet de levier et tout particulièrement dans
les banques
...
D’un
autre côté, nous l’avons vu, le coût du crédit était incroyablement bon marché
...
Et plus les
rendements baissaient, plus les banques et les intervenants
financiers augmentaient leur levier pour conserver des profits
intacts
...
Certaines banques disposaient
d’un levier parfois supérieur à soixante fois leur bilan
...
À ce niveau-là de risque, on comprend mieux comment la crise
des subprimes a pu déclencher une telle panique
...
Dans le
même temps, les craintes se sont fait jour sur l’ensemble des
signatures d’entreprises, et les spreads qui étaient très bas se sont
brutalement écartés dès l’été 2007 entraînant de nouvelles pertes
pour les banques d’investissement
...
Dans ces conditions, chacune des banques a
commencé à se méfier des autres
...
Cette
situation a duré plus d’un an et a atteint son paroxysme après la
faillite de Lehman Brothers
...
Donc, plus personne ne prêtait à personne
...
C’est à partir de ce moment-là que les effets sur
l’économie réelle sont devenus tangibles avec une vitesse de
transmission étonnante
...
En octobre, les premiers effets étaient perceptibles, et à la fin de l’année, la récession se faisait cruellement
sentir, tout particulièrement dans le secteur automobile
...
Car, a posteriori, il semble bien que la mise en faillite a
été une lourde erreur de la part des autorités américaines
...
© Groupe Eyrolles
34
Politique monétaire laxiste et endettement massif
Les banques coupables étaient ainsi systématiquement sauvées
de façon à empêcher ce risque systémique (effet domino sur
d’autres banques conduisant à l’écroulement du système global)
...
Une telle protection de fait n’existe bien
sûr dans aucune autre industrie
...
Un débat a
été soulevé sur les risques potentiels d’un sauvetage supplémentaire d’une banque coupable
...
Certains esprits
chagrins auront aussi noté que la levée de l’aléa moral condamnait le principal concurrent de Goldman Sachs, dont Paulson,
alors directeur du Trésor américain, avait été pendant plusieurs
années le grand patron
...
Graphique 3
...
)
Société Générale
UBS
Market Value as of 20 Jan 2009, (*Billion)
35
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
Le cours des principales banques s’est écroulé (voir
graphique 3
...
Il a fallu que
les principaux États viennent au secours des banques les plus
fragilisées et garantissent des lignes de crédit aux autres pour
que les choses s’améliorent sur le marché monétaire
...
La récession se confirmait de façon dramatique au quatrième trimestre
2008
...
Tout dépendait de la bonne poursuite des
tendances constatées sur les marchés financiers et de la croissance de la sphère financière dans son ensemble, c’est-à-dire de
l’appétit croissant des investisseurs pour les produits financiers
sophistiqués (produits structurés, hedge funds…)
...
La crise des subprimes a été suffisante pour déclencher un ensemble de mécanismes conduisant finalement à
l’effondrement de tout le système
...
Sans rentrer
dans les détails de l’escroquerie, on peut constater que son
système a fonctionné pendant de longues années (près de vingt
ans) avec des performances affichées très séduisantes et un
marketing très efficace
...
Bien sûr, il ne faut pas tomber dans l’amalgame et
il serait déplacé de confondre les banquiers avec Madoff, mais le
système échafaudé par les banques était tellement précaire et
improbable que le rapprochement est tentant
...
Il ne s’agit pas d’un endettement important mais du plus
faramineux endettement jamais connu
...
1
permet d’apprécier historiquement la situation actuelle
...
1 – Total de la dette américaine en pourcentage du PIB
de 1870 à 2008
360 %
340 %
320 %
300 %
280 %
260 %
240 %
220 %
200 %
180 %
160 %
140 %
120 %
100 %
2008 Q3 – 358,2
1993 – 299,8
2003 – 306,2
1875 – 156,4
1916 – 170,4
360 %
340 %
320 %
300 %
280 %
260 %
240 %
220 %
200 %
180 %
160 %
140 %
120 %
100 %
© Groupe Eyrolles
1870 1880 1890 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000
(Source : Bureau of Economic Analysis, Census Bureau, Société générale
...
La
résolution de la crise sera donc complexe, longue et synonyme
de difficultés économiques durables
...
Cela
signifie que, si l’on rejoint ces niveaux, les agents américains
devront rembourser l’équivalent de vingt mois de PIB
...
Le
passage d’un excès à l’autre n’est pas exclu
...
De toute façon, l’objectif principal ne sera pas de se fixer
un objectif a priori mais simplement de réduire l’addition à
payer
...
La première constatation est
que les acteurs les plus lourdement endettés ne sont pas les
mêmes
...
Aujourd’hui, ces deux agents économiques ont été plutôt sages
...
Il y a dans ce constat des bonnes et des mauvaises
nouvelles
...
Certains économistes comme
Nouriel Roubini n’hésitent pas à apprécier la somme totale des
pertes financières à près de 3 600 milliards de dollars (à comparer à une capitalisation totale du secteur bancaire et financier
proche de seulement 1 000 milliards de dollars en mars 2009)
...
Tout le système
sauterait
...
D’où la très grande inquiétude
des investisseurs
...
Mais, heureusement, les dispositions prises
par les autorités politiques et monétaires fin 2008-début 2009
semblent avoir en partie stabilisé le système bancaire et diminué
le risque systémique
...
En tout cas, ils ont été plutôt sobres et vertueux
depuis les années 1990 (cf
...
C’est une bonne nouvelle car les États ont une réelle
marge de manœuvre pour sauver le système et se substituer aux
acteurs privés, ce qui n’était pas le cas dans les années 1930
...
La première est logique
...
C’est le plus efficace
mais c’est aussi une opération assez longue
...
Mais
le remboursement de la dette suppose aussi un coût important en
termes de croissance et de consommation
...
La seconde solution consiste bien sûr à augmenter le PIB nominal
...
On comprend bien que la
croissance réelle a peu de chances d’être flamboyante au cours
des prochaines années, surtout si le vecteur du crédit se réduit
ostensiblement
...
C’est
pourquoi la composante prix est très importante
...
À
l’inverse, le risque est bel et bien de se trouver en situation déflationniste
...
C’est le pire
des scénarios
...
Pour mémoire, le scénario déflationniste est justement celui qui
est arrivé dans les années 1930
...
Il était élevé mais ne constituait pas forcément
un handicap insoutenable
...
Tandis que la dette nominale avait baissé de près de 20 % sur la période, le ratio dette/PIB
s’est, lui, littéralement envolé pour atteindre pratiquement
300 %
...
Un tel scénario paraît aujourd’hui improbable, mais on peut être sûr que
tout sera fait pour qu’il ne se renouvelle pas
...
© Groupe Eyrolles
42
Partie 2
Analyse des conséquences
de la crise sur la société
© Groupe Eyrolles
De nombreux ouvrages se sont intéressés aux phénomènes des
crises et à leurs incidences sur les civilisations
...
Déjà Aristote expliquait la chute de la
république et l’avènement de l’empire par le mépris avec lequel
les classes moyennes, clé de voûte de la stabilité des systèmes
politiques, avaient été traitées
...
Le point commun qui se retrouve dans toute crise est le passage
d’un environnement paisible, et dans certains cas euphorique, à
une situation où la peur, l’angoisse, l’incertitude des masses face
à l’avenir l’emportent sur tout le reste
...
C’est bien sûr la manifestation d’une
angoisse de l’avenir qui pose le plus de problèmes, car tant la
psychologie individuelle que la psychologie collective, quand
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
elles sont dominées par la peur, déclenchent une cascade de
réactions difficiles à contrôler
...
Il y a au
contraire dans les phénomènes psychologiques des effets
d’imitation et de contagion qui conduisent souvent à l’autoréalisation de craintes initialement infondées
...
Nous nous situons clairement dans
ce type de situation
...
Il les juge également vouées à la
simplification et à l’exagération et exemptes de tout sens critique
...
L’individu peut
ainsi sacrifier son intérêt personnel au profit du groupe
...
Une foule refuse tout dialogue (écoutez
les huées vociférées contre tout contradicteur !)
...
Une foule qui a peur est un peu infantile : elle a besoin d’être
rassurée et d’avoir le sentiment d’être écoutée
...
Mais tant qu’elle ne l’a pas obtenue, elle
reste en lutte pour être satisfaite
...
Un ensemble d’interactions se met donc en place entre la population et l’État
...
Selon le degré de détermination des foules et la capacité de
(réaction de l’État, le résultat final pourra être une foule incontrôlable qui prend le pouvoir (émeute, révolution…) et qui va
essayer de se satisfaire elle-même en prenant son avenir en
main
...
© Groupe Eyrolles
Un État autoritaire rassure en donnant l’illusion qu’il maîtrise la
situation et qu’il peut ordonner la vie de la société de façon satisfaisante et motivante
...
Entre ces deux extrêmes qui voient la victoire de l’un des deux protagonistes, des
solutions intermédiaires sont évidemment possibles : l’État peut
par exemple courtiser le peuple en adoptant certaines mesures
démagogiques afin de le flatter et de calmer sa colère montante
...
Il
essaiera ainsi d’alterner des mesures populaires et impopulaires
de façon à conserver la maîtrise du pouvoir
...
Il ne s’agit pas ici de dire que des conséquences extrêmes sont
prévisibles mais plutôt d’expliquer que le phénomène psychologique de l’angoisse des foules entraîne tout un ensemble de réac-
45
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
tions et de mécanismes qui peuvent conduire (et qui dans le
passé ont conduit) à ces extrémités
...
Nous allons maintenant examiner un certain nombre des rouages qui devraient se mettre en ordre de marche
...
La compréhension de ces
phénomènes est essentielle pour appréhender l’environnement
économique de demain
...
Nous insisterons notamment sur la montée inévitable du
protectionnisme, la recherche de boucs émissaires et le retour
de la morale
...
© Groupe Eyrolles
46
Chapitre 5
Conséquences immédiates
des crises : une crise
économique et sociale
Le déclenchement des crises comme celle que nous connaissons
actuellement se caractérise d’abord par une situation de blocage
de l’économie
...
C’est pourquoi on peut situer le
déclenchement de la crise actuelle au démarrage du credit
crunch suivant la faillite de Lehman
...
Lehman allait le fournir
...
Dans le même temps, le
chômage a explosé (jusqu’à 25 %) entraînant une misère considérable
...
Le risque de subir,
aujourd’hui, une crise aussi douloureuse semble assez faible
...
Les plans de sauvetage bancaire,
l’injection massive de liquidités ainsi que les différents plans de
relance budgétaire devraient avoir une réelle efficacité
...
graphique 5
...
Graphique 5
...
net
...
Ainsi, la
faillite de Lehman a déclenché des réactions en chaîne d’une
extrême violence
...
Malgré tout, les effets destructeurs de
la crise seront très marqués et certainement durables
...
Dans une certaine mesure et dans des conditions particulières, une période récessive peut aussi s’accompagner d’une
baisse des prix des actifs et des biens
...
Cette chute
des prix est extrêmement dangereuse car elle hypothèque
l’envie même d’investir, d’entreprendre et aussi de consommer
...
Celui qui détient du capital a tout intérêt à thésauriser
patiemment puisque les investissements qu’il pourrait faire
ont de fortes chances de s’avérer risqués : les biens de production sont supposés baisser, la valeur des stocks de produits
fabriqués va également se dégrader
...
La spirale
est à la fois décourageante et dangereuse puisqu’elle menace
les fondements mêmes de la société
...
La société devient mécaniquement plus violente
car le sentiment de n’avoir plus rien à perdre fait référence
...
Face
à cette situation, la colère de la population est profonde et
souvent justifiée
...
Le ressentiment est profond
...
Il doit réformer en profondeur des pans entiers de
l’économie
...
Plus généralement à travers les époques, la montée du chômage
liée à une perte de pouvoir d’achat a toujours provoqué des
tensions sociales fortes
...
Si les États-Unis risquent de
connaître un regain marqué d’insécurité et une vigueur renouvelée de la mafia, la France pourrait bien confirmer sa réputation
révolutionnaire
...
Les
changements à venir que nous impose la crise actuelle ont de
fortes chances d’être refusés par une partie importante de
l’opinion, que les mouvements sociaux pourront exprimer
...
Les luttes sociales sont devant
nous…
Le changement de nom de la LCR en Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) est une bonne opération marketing pour les thèses
extrémistes qui y sont défendues : en effet, aucun des trois mots
du sigle LCR (« ligue », « communiste » et « révolutionnaire »)
ne fleure bon la démocratie ; tous évoquent au contraire des
systèmes de pensée et d’action violents et antidémocratiques
...
Il est très probable que ce « nouveau » parti devienne le
nouveau phénomène de la vie politique française, une sorte de
contrepoint à ce qu’avait été le Front national au début des
années 1980
...
Tout
comme le FN le faisait en son temps, il pose de vraies questions,
il se fait l’écho d’une partie importante de la population qui se
trouve frustrée et bafouée et qui ne souhaite qu’une seule chose :
que sa désillusion soit entendue
...
En effet, l’histoire l’a malheureusement démontré, en
temps de crise, les foules sont plus facilement influençables
parce que fragiles et avides de revanche (voir, plus loin, au
chapitre 7, la recherche de boucs émissaires)
...
Or, personne n’identifie
clairement les objectifs réels de ce parti
...
Si l’on reprend les thématiques historiques, il y a de fortes chances que des tentations révolutionnaires se manifestent à travers
le monde
...
Ces données sont naturellement
connues et redoutées par les États qui ont pour objet de manœuvrer assez habilement pour éviter tout débordement
...
Plus que jamais, les
États seront à l’écoute du peuple et certains sauront trouver la
faille pour en tirer un douteux bénéfice
...
Il reste à la
maison, évite les lieux publics et n’a pas très envie d’être dérangé
par autrui
...
Les périodes de crise sont l’occasion d’un repli national, d’un refus d’échanger et potentiellement d’un rejet de
l’étranger
...
Les frontières se ferment
...
Le
graphique 6
...
Le graphique en « toile d’araignée » permet de visualiser nettement la notion de repli sur soi :
les échanges mondiaux se flétrissent
...
1 – Contraction du commerce mondial de 1929 à 1933 (en
milliards de dollars)
1929
1930
1931
Avril
Mars
1932
1933
Mai
Février
Juin
Janvier
Juillet
Décembre
Août
Novembre
Septembre
Octobre
(Source : League of Nations’ World Economic Survey
...
Comme l’indique le graphique 6
...
Une des meilleures illustrations de ce phénomène se retrouve dans le
graphique 6
...
Alors que ceux-ci étaient au zénith
jusqu’en 2008 (combinaison d’une mondialisation échevelée et
du cours du pétrole à plus de 140 dollars), les cours du fret se
sont littéralement effondrés pour passer en dessous des plus bas
observés au cours des années 1990
...
© Groupe Eyrolles
54
Repli sur soi et protectionnisme
Graphique 6
...
)
© Groupe Eyrolles
Graphique 6
...
)
45
Nombre de
mois depuis le
déclenchement
de la crise
55
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
L’arrêt de la mondialisation
Le phénomène de la mondialisation et de la globalisation est
suspendu
...
Plusieurs raisons vont contribuer
à cette tendance
...
Ensuite, les États vont
commencer à introduire des protections à leurs frontières, c’està-dire à appliquer des mesures protectionnistes
...
Les
ménages auront tendance à se méfier des produits étrangers et
en particulier chinois et les entreprises éviteront de délocaliser
leur production en partie par pression des gouvernements et
aussi pour éviter toute dégradation supplémentaire du climat
social dans l’entreprise
...
Un des aspects sympathiques de la mondialisation avait aussi
été la migration de populations à travers les pays
...
Dans le même
temps, les Anglais fuyaient leur pays réputé pluvieux pour
s’installer dans des contrées au climat plus rieur comme l’Espagne ou le sud-ouest de la France
...
En effet, l’effondrement de la
finance impacte lourdement l’emploi à Londres et en Angleterre
...
Dans le même temps, les retraités anglais qui vivaient au
soleil sont nombreux à vouloir rentrer au pays car leur niveau de
vie s’est littéralement effondré après la dégringolade de la livre
sterling (celle-ci a déjà baissé de plus de 30 % en un an provoquant la chute des retraites une fois converties en euros)
...
L’intérêt pour les autres cultures et civilisations
suivra cette direction du retour chez soi
...
Les populations seront
certainement capables de conserver un esprit de générosité,
mais ce sera essentiellement pour des causes de proximité
...
Cette loi entraîne la
hausse des tarifs douaniers sur plus de 20 000 produits conduisant à une spirale dépressionniste avec une chute de plus de
50 % des imports et des exports
...
Il a pour principe le fait qu’en période de difficultés, il
est suicidaire d’acheter des biens chez les autres alors que l’on
pourrait les produire soi-même
...
Malheureusement, le protectionnisme ne résout rien, il aggrave généralement
les choses
...
En général, les mesures de rétorsions protectionnistes ne sont jamais unilatérales mais toujours
multilatérales
...
Les nouveaux biens
produits par le pays protectionniste le seront à un prix supérieur
et avec une qualité parfois moindre
...
Toutefois, si les mesures protectionnistes prises de façon désespérée pour sauver une entreprise ou une industrie sont rarement
efficaces et parviennent seulement à repousser l’échéance fatale
avec un coût prohibitif, il est intéressant de relativiser tout le mal
que l’on vient d’en dire
...
Par ailleurs, l’histoire nous rappelle que de nombreux
pays ont prospéré durablement à l’abri de protections multiples
(Royaume-Uni aux XVIIe et XVIIIe siècles, Prusse à la fin du
XIXe siècle, et plus près de nous le Japon a réussi son décollage
économique avec un protectionnisme marqué…)
...
La récente mondialisation n’a profité qu’à une
minorité, les plus riches, alors que la majorité des classes
moyennes ou pauvres n’en tiraient aucun bénéfice (revenus réels
constants ou en baisse)
...
Le grand retour du protectionnisme, s’il
est utilisé avec parcimonie et intelligence, serait donc une option
pertinente : elle permettrait de satisfaire l’exigence des foules et
favoriserait une plus grande équité entre les revenus
...
La plus naturelle
et la plus brutale consiste à interdire l’importation d’un bien
...
La mesure
la plus répandue et la plus grossière consiste à relever les taxes
d’importation de façon à réduire la compétitivité du produit
importé
...
Les normes environnementales (intégrant les critères
de traçabilité), par exemple, permettront de réduire l’importation de nombreux produits chinois ou asiatiques
...
En sauvant le secteur bancaire ou automobile grâce à des prêts impossibles à trouver sur le marché, l’État
subventionne implicitement son industrie nationale, c’est-à-dire
qu’il lui donne des moyens dont ses concurrents ne disposent
pas, faussant ainsi le jeu de la libre concurrence
...
Avant la
crise, ce genre de mesures était immédiatement condamné et
combattu par les autorités internationales en charge de la régulation et du libre-échange (GATT, CEE, OMC…)
...
Leur mutisme risque
de se prolonger, facilitant ainsi le jeu protectionniste des nations
...
L’État qui
aide une entreprise lui demande en échange d’avoir une politique de l’emploi très favorable à la nation
...
Sans complexe, l’État français
s’est dirigé dans cette voie
...
Des effets « boomerang » ont, en effet, de fortes chances d’apparaître
...
Si la monnaie d’un
pays dévalue, il devient plus compétitif à l’international et vend
plus de produits
...
Certains pays sont assez coutumiers du fait, mais aujourd’hui, une grande majorité de pays
souhaitent l’affaiblissement de leur propre monnaie et on peut
les soupçonner de prendre certaines mesures non conventionnelles à cette fin
...
La composante démagogique et populiste des mesures protectionnistes n’est pas sans importance
...
On le comprend à travers
cet exemple, la tentation protectionniste des États sera double :
favoriser les entreprises nationales et l’emploi local et aussi satisfaire une demande populaire
...
Le protectionnisme a de beaux jours devant lui…
© Groupe Eyrolles
60
Repli sur soi et protectionnisme
© Groupe Eyrolles
Même en Europe, au cœur de la zone euro, les égoïsmes nationaux s’expriment de plus en plus librement et vertement
...
L’Allemagne reste bloquée sur les dérapages budgétaires comme on s’accroche à une relique
...
Ce refus du
compromis trouve aussi sa source dans la crainte d’être à
nouveau dans le rôle de locomotive de l’Europe et de voir ainsi
d’autres pays, dont en premier lieu la France, tirer profit de cet
écart budgétaire
...
61
Chapitre 7
Recherche de boucs
émissaires et retour
de la morale
Le rôle du bouc émissaire
et la sainte révolte des opprimés
© Groupe Eyrolles
Quand quelque chose ne va pas, on essaie de trouver une solution pour que ça aille mieux
...
Et moins on se sent capable de le résoudre et de passer à autre chose, plus on passe de
temps à critiquer ce qui a été fait et qui nous a conduits à cette
situation de blocage
...
Et plus particulièrement aujourd’hui, car on pressent bien qu’aucune solution simple et durable n’est en vue
...
À défaut de solution, la question est donc : « Pourquoi en est-on
arrivé là ? » Et on n’y est pas arrivé par hasard ! C’est forcément
la faute de quelqu’un ou de quelques-uns… Autrement dit, il faut
trouver un ou plusieurs responsables qui endosseront de fait le
costume de coupable
...
Même si la
recherche d’un bouc émissaire fait partie intégrante du travail de
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
deuil nécessaire au passage de cap (cf
...
L’étranger, le Juif, le
protestant, le communiste, etc
...
Nul besoin de revenir sur les périodes sombres des années 1930
pour s’en convaincre, le dérapage et l’amalgame menacent
toujours et les débordements sont ensuite très difficiles à contrôler
...
René Girard note que les termes « crise », « crime »,
« critère », « critique » proviennent tous de la même racine grecque, krino, qui « signifie non seulement juger, distinguer, différencier, mais aussi accuser et condamner une victime »
...
Les victimes ou boucs émissaires sont donc
choisis non pour leur crime effectif mais pour leur « affinité
coupable avec la crise »
...
La persécution dont ils
seront victimes consiste à les faire disparaître ou du moins à
« les expulser de la communauté qu’ils polluent »
...
Ce dernier ne peut pas s’autocondamner au risque de
déstabiliser la société dans son ensemble
...
Le bouc émissaire
idéal, c’est bien sûr le banquier, le financier, le capitalisme
mondialisé assoiffé de profits, puis par amalgame tout ce qui
© Groupe Eyrolles
64
Recherche de boucs émissaires et retour de la morale
peut tomber dans les filets de la foule vengeresse : les hedge
funds, les fonds d’investissement, les paradis fiscaux… Tous ceux
que l’on peut accuser d’« affinité coupable avec la crise »
...
C’est facile et aussi très efficace
...
Elle participe à des amalgames destructeurs et inutiles
...
Même si cela est en partie faux,
il est facile de faire adhérer les foules à ces thèses démagogiques
et xénophobes
...
L’exemple des ouvriers
de Lindsey est une illustration flagrante d’un dérapage xénophobe
...
De nombreux exemples
devraient suivre et la thématique du « travail aux Français »
devrait elle aussi reprendre de la vigueur
...
La disparition physique des boucs émissaires ne sera pas, on
peut l’espérer, à l’ordre du jour… En revanche, comme l’indique
René Girard, les États sauront se montrer très proactifs pour
« nettoyer » le terrain et ainsi satisfaire l’appétit des foules
...
Chose impensable un an plus tôt, le bonus
des traders s’est pratiquement décidé à l’Élysée au début 2009
...
les problèmes d’UBS avec les États-Unis ne sont
qu’un début)
...
L’organisation des marchés financiers sera resserrée auprès des
autorités de tutelle
...
En résumé, l’espace de liberté de tous ceux qui ont, de près ou de
loin, pu avoir un lien de responsabilité avec la crise financière
sera réduit
...
Toutefois,
le bouc émissaire joue un rôle rédempteur pour la société en lui
offrant un pôle où peuvent se canaliser la violence et la rancœur
des foules
...
En prenant une
position de meneur sur tous les dossiers liés à la rémunération
des patrons ou des traders, en imposant des changements drastiques par rapport aux paradis fiscaux, l’État devance les attentes,
détourne l’attention des foules et essaie ainsi de désamorcer les
conséquences sociales liées aux vrais problèmes
...
Le retour de la morale
Il est indéniable que l’expiation des fautes des acteurs financiers
participe d’un retour des valeurs morales de nos sociétés
...
Les termes « amoral »,
« choquant », « honteux », « scandaleux » sont de plus en plus
utilisés
...
© Groupe Eyrolles
66
Recherche de boucs émissaires et retour de la morale
Nous l’avons vu, un aléa moral s’est glissé dans tous les pores du
capitalisme mais aussi de l’ensemble de la société (aléa moral et
court-termisme)
...
Toutes les
complaisances coupables à l’égard de certains systèmes seront
condamnées et ne pourront plus continuer
...
Par exemple, l’État français,
simple prêteur de capitaux aux banques françaises, doit-il intervenir intimement dans les décisions des entreprises comme il le
fait pour décider des bonus ou des stock-options qui doivent être
versés aux dirigeants ? Dans le jeu capitaliste, seul l’actionnaire a
son mot à dire
...
© Groupe Eyrolles
Sur le plan économique et financier, les situations marquées par
le phénomène de l’aléa moral sont nombreuses et vont permettre de déclencher une réaction très vive des autorités pour
contrôler et réguler l’ensemble des secteurs
...
L’économie,
la finance, la banque devront être « re-moralisées » : les salaires
et les bonus qui avaient connu une spirale ascendante incroyable vont revenir à des niveaux comparables à ceux des autres
industries
...
Le « blingbling » sera de facto remplacé par d’autres valeurs plus digestes
et accessibles au plus grand nombre (la famille sera indéniablement au cœur de ce dispositif moral)
...
L’exemple le plus grave est sûrement le cas des bonus du groupe
d’assurances américain AIG (165 millions de dollars à verser à
une centaine de salariés)
...
Cependant, un contrat a été signé entre l’entre-
67
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
prise et les salariés, et si l’État a repris AIG, il doit en assumer les
obligations
...
Même si, formellement, il accepte
de payer, il met en place une loi fiscale lui permettant de récupérer ces sommes
...
Autrement dit, la morale est plus importante que le droit
...
Face à ce socle de la démocratie,
qu’est-ce que la morale ? Léo Ferré disait : « L’embêtant dans la
morale, c’est que c’est toujours la morale des autres
...
Si l’on foule le droit au
profit de la morale, sommes-nous encore en démocratie ?
Le retour à la morale va également s’attaquer aux récentes
brèches ouvertes depuis l’arrivée d’Internet
...
Le téléchargement
gratuit et à volonté de musique et de films a été présenté initialement comme une grande conquête et un nouvel espace de
liberté
...
Il était à la fois économique
(menace directe pour la survie des majors) et moral (« le téléchargement, c’est du vol », et un État de droit ne peut pas tolérer
que le vol devienne un principe de fonctionnement)
...
Il s’agit aujourd’hui
de contrôler le « vol » d’œuvres musicales ou cinématographiques
...
Internet pourrait ainsi passer d’un espace
de liberté à un outil de contrôle des individus
...
Plus largement, le concept du produit gratuit financé intégralement par la
publicité sera certainement revisité
...
Les forces sous-jacentes sont puissantes
...
Dans ces conditions, les ménages vont recentrer leurs dépenses sur ce qui est
utile et délaisser ce qui est accessoire (les dépenses primaires
vont demeurer mais les dépenses secondaires vont être progressivement affectées – et en premier lieu les nouvelles dépenses
apparues depuis le début de la révolution des moyens d’information)
...
Les
secteurs du luxe et des loisirs coûteux (voyages…) seront fortement touchés
...
Ne l’oublions pas, l’environnement sera partie
intégrante de la nouvelle doctrine morale
...
On
pourra changer de voiture si l’on achète une voiture « verte »,
mais les amateurs de 4x4 gourmands en essence vont devenir de
vrais marginaux et ils devront justifier leur façon de vivre
...
D’après les grands
69
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
distributeurs, le petit électroménager qui se vend le mieux en ce
moment, ce sont les yaourtières et les machines à pain
...
Sera-ce le retour des petits plats mijotés à la maison,
du bricolage du dimanche et du grand système D ? Ce n’est pas
impossible
...
Même si cela se fait davantage par obligation que par aspiration
morale, c’est un pas considérable qui s’annonce
...
Un modèle plus respectueux de l’environnement et
des vrais besoins de l’individu se mettra en place
...
Celui-ci avait, en effet,
calculé qu’en intégrant le temps de travail nécessaire à l’achat
d’une voiture, la vitesse de celle-ci tombait à moins de 5 km/h
(rapport entre la distance parcourue et le temps mis à la parcourir, incluant le temps passé à se donner les moyens du déplacement)… Il arrivait donc à la conclusion de l’inutilité de ce travail
et de cette acquisition automobile, oubliant peut-être trop facilement d’autres facteurs comme l’intégration sociale, le besoin de
mobilité indépendante… Poussé à l’extrême, ce type de raisonnement pourrait nous « conduire » à choisir de vivre en ermite…
Enfin, il est assez probable que les entreprises de grande distribution, jusque-là épargnées par les médias et par le pouvoir politique, pourraient être à leur tour vilipendées et contraintes à des
modifications drastiques dans leur façon d’opérer
...
© Groupe Eyrolles
70
Recherche de boucs émissaires et retour de la morale
© Groupe Eyrolles
L’excommunication d’une mère ayant fait avorter sa fillette de
neuf ans violée par son beau-père et, dans le même temps, le très
controversé retour en grâce de l’évêque intégriste Williamson
par le Vatican (qui a annulé son excommunication en dépit de
ses sympathies négationnistes) illustrent bien cette volonté de
retour aux bonnes vieilles valeurs morales, qui constituent un
refuge en temps de crise
...
Ces prises de décisions, les
discours rétrogrades sur l’usage des préservatifs sont certainement très réfléchis
...
Face à un monde
considéré comme décadent, l’Église pressent qu’elle doit jouer
un rôle majeur en affichant des valeurs traditionnelles indiscutables
...
Il en appelle d’autres
...
En effet, il y a tout lieu de penser que
l’environnement et l’écologie deviendront des valeurs phares et
potentiellement dominantes
...
Elle sera de plus mise en avant par les États et les organisations internationales parce qu’elle représente aussi une source
potentielle de renouvellement de croissance
...
Dans les années 1970, l’écologie soutenue par René Dumont
n’était alors que l’idéologie d’une minorité rebelle à la société de
consommation
...
L’écologie est une
rédemption
...
Renaît alors bien
souvent le syndrome de l’unité nationale, dont la xénophobie ou
le protectionnisme sont des symptômes
...
La fierté nationale est un ressort classique pour
ressouder une nation qui menace d’imploser sous les coups de
boutoir de la crise
...
Les thèses nationalistes vont logiquement profiter d’une renaissance
...
Le président Obama, tout auréolé de sa gloire nouvelle, n’hésite
pas à user de cette veine nationaliste
...
Il va même
beaucoup plus loin quand il parle de la nation américaine –
« one nation under God »
...
Comme il s’agit de Barack Obama, personne ne
remarque cette glissade verbale
...
La méfiance est de mise
face à tous les dérapages qui ne manqueront pas d’encombrer la
vie politique des pays occidentaux
...
Le
© Groupe Eyrolles
72
Recherche de boucs émissaires et retour de la morale
© Groupe Eyrolles
schéma nationaliste est un moyen naturel pour contrôler les
foules, mais aussi leur faire retrouver leur fierté et leur confiance
dans l’avenir, c’est-à-dire faire sortir la nation de la crise
...
Malheureusement, le principe de l’aléa moral s’est
immiscé dans toutes les strates de notre société et dans le
comportement de nombreux citoyens, en particulier des
hommes politiques
...
Ils ont
laissé des déséquilibres considérables s’installer : au niveau
économique et financier (financement de la consommation des
ménages américains grâce à l’épargne des pays asiatiques), au
niveau des retraites (schéma de Ponzi) et au niveau environnemental (laisser-faire impardonnable)
...
L’homme
politique au contraire a préféré se concentrer sur du court terme
afin de se faire réélire et a péché par procrastination
...
Mais il n’a rien construit pour
la nation et pour le monde, il n’a bâti qu’une réussite personnelle
...
Le temps est loin où Colbert faisait planter
des chênaies pour construire les vaisseaux des deux ou trois
prochains siècles
...
De
tels comportements sont une menace pour la démocratie
...
73
Chapitre 8
Omniprésence de l’État,
tentation totalitaire
et recrudescence
des conflits armés
La remise en cause du libéralisme
© Groupe Eyrolles
Le libéralisme est sûrement le premier bouc émissaire : il est
suffisamment flou pour que les politiques le condamnent sans
pour autant avoir à se justifier ou à se renier
...
Du coup, tout un ensemble de lois libérales vont
être remises en cause ou remises à niveau
...
En conséquence, l’ultralibéralisme est bien mort
...
Les États en profiteront pour supprimer toute
évasion fiscale (le plan Obama prévoit de récupérer ainsi
210 milliards de dollars) et c’est une véritable chasse aux sorcières qui va se mettre en place contre les riches malhonnêtes
...
Les hauts salaires seront réglementés et tout sera fait
pour que l’écart entre pauvres et riches soit ramené à des
niveaux décents et acceptables par l’opinion
...
On en revient à une règle essentielle
du libéralisme
...
Pour son équilibre même, l’État doit se
réconcilier avec sa classe moyenne
...
Sans
l’intervention de l’État, la situation aurait été rapidement dramatique
...
Les multiples décisions qui ont concerné l’industrie
et l’ensemble de l’économie ont permis de sauver de nombreuses
sociétés de la banqueroute, tant en France qu’en Europe ou aux
États-Unis
...
L’État va garder une mainmise durable
sur la finance et l’économie
...
Désormais, l’État va reprendre un rôle clé dans l’organisation et le
contrôle des sociétés
...
Les raisons sont multiples
...
Il est devenu actionnaire (parfois majoritaire)
de nombreuses banques, les prêts ou les garanties qu’il a
octroyés aux entreprises l’obligent à un devoir de contrôle
...
Le problème est que pour des raisons politiques évidentes (cf
...
En France par exemple, la création d’une nouvelle banque issue de la fusion entre les Banques
populaires et les Caisses d’épargne s’accompagne de la nomination d’un homme du pouvoir, François Pérol
...
Mais pas besoin d’être actionnaire pour imposer ses propres
décisions aux banques ou aux entreprises, il suffit de leur avoir
prêté de l’argent pour les influencer dans leurs prises de décisions
...
L’État
français est omniprésent dans la banque, l’industrie automobile,
l’industrie aéronautique, le nucléaire… L’influence du chef de
l’État dans le secteur des médias et du BTP n’est un secret pour
personne… Si l’on n’y prend garde, les entreprises véritablement
indépendantes du giron de l’État ou de ses sphères d’influence
seront bientôt minoritaires
...
Le colbertisme est de retour
...
Cela concernera la finance avec en premier lieu les marchés
financiers (tout particulièrement les marchés de gré à gré, les
possibilités de vente à découvert, le recours à l’effet de levier), les
fonds d’investissement et les hedge funds, les paradis fiscaux, les
rémunérations des employés… mais aussi les échanges
77
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
commerciaux (contrôle des contraintes environnementales
notamment)
...
Ce
qui est paradoxal, c’est, d’un côté, l’appétit très marqué des États
pour plus de régulation dans l’économie et, de l’autre côté, leur
capacité à s’affranchir des règles et des régulations imposées par
les organismes communautaires (anticoncurrence, contraintes
budgétaires…)
...
Le retour du socialisme
et la tentation totalitaire
Mais attention, les risques de dérives sont probables
...
Le
capitalisme sera en berne pour deux raisons : d’abord parce qu’il
a failli et qu’il doit se soumettre à la tutelle de l’État et ensuite
parce que l’aversion au risque des entrepreneurs est durable et
que ceux-ci adopteront une attitude très défensive, laissant une
marge de manœuvre importante à l’État
...
En contrepartie, l’état devra trouver le financement de l’ensemble de ses dépenses
...
Les
taxes devraient augmenter sensiblement, comme cela avait été le
cas dans le passé
...
1 représente l’évolution du
© Groupe Eyrolles
78
Omniprésence de l’État, tentation totalitaire et recrudescence des conflits…
taux marginal supérieur d’imposition aux États-Unis
...
La probabilité de voir la fiscalité
se retendre sensiblement est donc très élevée, achevant ainsi le
règne d’un certain libéralisme
...
1 – Taux marginal supérieur d’imposition aux États-Unis
%
%
90
90
80
80
70
70
60
60
50
50
40
40
30
30
© BCA Research 2009
30
40
50
60
70
80
90
2000
10
© Groupe Eyrolles
(Source : IRS
...
Les impôts et les charges
augmenteront sensiblement et, en France, le principe du
bouclier fiscal devrait être rapidement abandonné car appartenant à des idées d’un autre temps
...
Ensuite,
les sociétés glisseront progressivement vers plus de socialisme
...
Cette évolution vers plus de socia-
79
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
lisme sera plus ou moins marquée selon les pays
...
Sur un plan plus politique, la liberté sera plus contrainte
...
Au-delà du risque communiste, l’incursion croissante de l’État
dans les sociétés et la montée naturelle du socialisme risquent
bien de s’accompagner d’une réduction des libertés et d’un plus
grand contrôle de l’individu
...
Le retour d’une
certaine forme de totalitarisme est donc bel et bien une menace
qu’il serait impardonnable de prendre à la légère
...
Jamais dans l’histoire
de l’humanité autant de peuples n’avaient joui de la démocratie
(82 pays sont à peu près démocratiques et 140 environ pratiquent des élections plus ou moins libres)
...
En effet, la crise
économique risque de coûter leur liberté à de nombreux pays,
© Groupe Eyrolles
80
Omniprésence de l’État, tentation totalitaire et recrudescence des conflits…
qui pourraient basculer dans des régimes totalitaires
...
La tentation –
de gré ou de force – de revenir dans le giron russe ou américain
sera forte pour certains d’entre eux, et on en voit déjà les
premiers stigmates en Géorgie ou en Ukraine
...
L’affaiblissement considérable de certains pays de l’Est est une formidable
aubaine pour la Russie, qui ne ratera sûrement pas les prochaines occasions
...
Le souhait de
certains Moldaves de se rattacher à la Roumanie en est une
bonne illustration
...
Le retour d’États plus forts et éventuellement totalitaires
devrait s’accompagner également de comportements plus agressifs à l’égard de pays voisins ou d’autres communautés
...
Celui-ci devient le bouc émissaire, la source
des principaux maux du pays (des situations de blocage d’oléoducs ou de gazoducs, par exemple, ou encore des problématiques d’accès à l’eau ou à la mer peuvent parfaitement faire
l’affaire)
...
La guerre est souvent dénoncée comme une des conséquences
des crises économiques
...
« Pour en
découdre avec l’ennemi ! »
Il ne s’agit pas ici de hurler avec les loups et de proclamer l’arrivée incontournable d’une troisième guerre mondiale
...
En revanche, la multiplication
de conflits régionaux paraît inévitable
...
Dans une telle éventualité, les impétrants libéraux essaieraient de trouver un terrain de
jeu éloigné de leurs propres bases (comme cela avait été le cas
pendant la guerre froide) et les grandes démocraties devraient
rester solidaires
...
Plus la crise (ou son prolongement) sera durable et longue, plus
l’instabilité géopolitique sera manifeste
...
La diplomatie internationale devra se montrer d’une extrême vigilance si elle veut
éviter les conséquences éventuellement dramatiques de certains
conflits régionaux
...
L’ensemble converge donc vers un environnement beaucoup
plus incertain et peu propice à l’initiative libérale
...
Les conséquences de la crise sur la société devraient avoir un
impact négatif sur le plan économique
...
Prenant acte des influences négatives présentées dans la
partie précédente, nous observerons dans un premier temps les
évolutions géopolitiques auxquelles on peut s’attendre et tout
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
particulièrement la thématique du déclin de l’empire américain
...
Dans un second temps, nous analyserons en détail les perspectives économiques et monétaires
...
© Groupe Eyrolles
84
Chapitre 9
Les bouleversements
structurels et géopolitiques
La contrainte démographique
© Groupe Eyrolles
La démographie est au cœur du principe de croissance
...
À l’inverse, un pays
dont la démographie est défavorable aura beaucoup de difficultés à maintenir une croissance positive à long terme (comme
c’est le cas, par exemple, au Japon depuis plusieurs années)
...
En revanche, les pays en décroissance démographique comme l’Allemagne ou le Japon montrent des difficultés à afficher des taux de
croissance élevés et même positifs (dans le cas du Japon)
...
1 met en lumière les difficultés évidentes de l’Allemagne, du Japon ou de l’Italie
...
Les États-Unis affichent
également une santé démographique intéressante qui pourrait
être très précieuse à l’avenir pour espérer un rebond de l’écono-
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
mie américaine : en 2040, le pays devrait rester la troisième
puissance démographique mondiale avec près de 420 millions
d’habitants
...
Tableau 9
...
)
© Groupe Eyrolles
86
Les bouleversements structurels et géopolitiques
© Groupe Eyrolles
Avec des taux de natalité très bas (entre 1,2 et 1,5 enfant par
femme), l’Europe aura beaucoup de mal à prétendre à des taux
de croissance attractifs
...
La disparition de ces biais annonce donc des perspectives de croissance très mornes
...
Seule la France
dispose d’une démographie encore favorable (2,1 enfants par
femme) à tel point que la population française dépassera la
population allemande et deviendra la plus importante d’Europe
d’ici à 2040
...
Enfin,
certains pays bénéficient de flux migratoires importants, comme
le Royaume-Uni ou l’Irlande
...
Au contraire, la crise économique a de fortes
chances de voir les frontières se refermer davantage, réduisant
sensiblement les flux migratoires, qui, dans certains pays, pourraient même s’inverser
...
2 illustre la dynamique
démographique des pays européens
...
2 – Évolution de la population dans les pays de l’Union européenne en 2007
88
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
2 271
7 640
3 366
Lettonie
Bulgarie
Lituanie
9,6
9,8
10,2
9,7
10,0
8,3
11,8
10,2
10,1
9,7
11,0
9,8
9,2
11,1
10,6
13,5
14,8
14,5
13,2
11,7
10,0
13,0
9,9
10,0
9,8
8,1
9,6
9,0
9,3
9,7
– 3,9
– 4,9
– 4,3
– 3,5
– 1,7
– 1,7
– 1,2
0,3
0,1
– 0,1
2,9
0,2
0,2
1,8
0,9
– 1,6
– 0,2
– 0,3
1,4
0,0
0,6
0,1
– 0,5
1,3
1,8
– 0,1
3,7
3,8
2,6
4,1
(Source : Eurostat
...
Pays classés par taux d’accroissement total de la population en 2007 décroissant
...
Pour 1 000 habitants
...
Taux d’accroissement de la population imputable au solde migratoire, pour 1 000 habitants
...
Le premier déséquilibre est dû à la domination progressive des
seniors au sein de la nation
...
Cela
conduit donc naturellement à des comportements de consommation beaucoup moins dynamiques et potentiellement même à
une décroissance de la consommation
...
Le deuxième déséquilibre économique généré par le tassement
démographique est celui des retraites
...
Or, demain, les jeunes générations, de
moins en moins nombreuses, devront payer deux types de
retraites : la retraite par répartition pour les vieilles générations
(dont le nombre ne cessera de croître, entraînant ainsi un coût
sans cesse croissant) et leur propre retraite par capitalisation
(s’ils veulent avoir une chance de vieillir décemment)
...
Des
experts ont estimé que, dans certains pays, jusqu’à 50 % du
revenu des actifs pourrait être consacré aux retraites
...
Leur revenu sera
amputé et ils devront travailler beaucoup plus longtemps (sûrement jusqu’à soixante-dix ans, et peut-être au-delà…)
...
Rappelons
qu’au niveau politique, ce sont les seniors qui ont le pouvoir (ils
votent davantage que les jeunes et deviennent majoritaires au
niveau électoral – comme c’est le cas en Allemagne)
...
Les hommes politiques se faisant élire par les
seniors, ils doivent proposer et appliquer des politiques favorables et complaisantes à l’égard de leurs principaux électeurs
...
Elles seront
nécessaires si les jeunes veulent se faire entendre
...
On perçoit ici l’aspect insoutenable, irresponsable
et suicidaire d’une dette excessive
...
La politique de la reculade
permanente est là, proprement hallucinante : un homme qui est
à quelques mois de son départ à la retraite et qui sait qu’il verra
ses revenus diminuer ne s’amuserait pas à s’endetter pour plus
de deux fois son revenu annuel (et s’il essayait, son banquier
refuserait une telle opération)
...
Elle
constitue de ce fait une menace pour la stabilité sociale et politique
...
Soit elles assument ce lourd fardeau en acceptant son coût
pharaonique en termes de qualité de vie
...
Une croissance démographique encore très forte
au niveau mondial
Au niveau mondial, la population s’élève aujourd’hui à environ
6,8 milliards d’êtres humains et devrait atteindre le seuil de
9 milliards en 2040
...
Le taux de progression ralentit grâce notamment à une baisse
visible du taux de fécondité qui est tombé en moyenne à 2,6
(alors qu’il était proche de 4 il y a quelques dizaines d’années)
...
La baisse du taux
de natalité est une bonne nouvelle car elle est à la fois le témoin
d’un taux d’alphabétisation croissant (la corrélation entre les
deux est établie) et le garant d’une réduction des risques de
surpopulation et donc de famines à travers le monde
...
Rien ne dit aujourd’hui
que les ressources agricoles seront suffisantes pour y parvenir
...
En tout état de cause, la demande de produits
© Groupe Eyrolles
92
Les bouleversements structurels et géopolitiques
agricoles et énergétiques continuera à être très forte
...
Ce sera en partie le cas pour
l’Asie, mais malheureusement une grande partie de cette croissance démographique sera concentrée sur l’Afrique
...
D’une manière plus large, le contexte de croissance démographique et la perspective de voir 3 milliards d’individus supplémentaires à nourrir est un sujet d’inquiétude immense que les
incertitudes environnementales ne peuvent, comme nous allons
le voir, que renforcer
...
En particulier, le réchauffement
climatique est actuellement reconnu comme crucial
...
Quel que soit le scénario, il s’agit d’une
vraie catastrophe, synonyme de dérèglements climatiques
...
La diminution du manteau neigeux dans l’hémisphère
Nord et la fonte des glaciers impliqueront un véritable assèchement estival et une réduction de l’eau disponible pour les
cultures
...
Pourtant,
rien, ou presque, n’a véritablement changé
...
On sait que le mur se rapproche à
grande vitesse mais on hésite à faire usage des freins, de peur de
secouer les passagers endormis… Formidable aléa moral
...
Petits égoïsmes nationaux, petits
calculs électoraux, grandes influences de certains lobbies… le
résultat est accablant
...
Les États, en
manque d’inspiration sur la bonne stratégie industrielle, ont
trouvé là un bel os à ronger
...
La dynamique du réchauffement est tellement grave que certains
experts considèrent que même l’arrêt de toute activité humaine
ne pourrait aujourd’hui l’empêcher : la hausse des températures
est inéluctable
...
Jusqu’à présent, les
émetteurs de GES n’étaient pas pénalisés ou très peu, du coup,
les industriels étaient peu motivés pour adapter leur outil de
© Groupe Eyrolles
94
Les bouleversements structurels et géopolitiques
© Groupe Eyrolles
production
...
Cela aura donc un impact mécanique sur le coût et la production
de ces biens
...
Les
transports expliquent près de 90 % de l’augmentation de la
consommation de pétrole de ces trente dernières années
...
La deuxième priorité concerne bien sûr le
contrôle de la production d’électricité, souvent produite par des
centrales thermiques (charbon, gaz, pétrole…) extrêmement
polluantes et fortement émettrices de CO2
...
Les gouvernements poussent donc fortement au développement de l’énergie éolienne et
solaire, qui devrait permettre dans un premier temps d’absorber
la croissance de la consommation d’électricité, puis, peu à peu,
représenter jusqu’à 10 ou 20 % de la production électrique
...
Dans l’histoire, le développement d’une nouvelle source d’énergie a souvent été un moteur de
croissance important
...
Aujourd’hui,
l’énergie nouvelle produite ne changera pas grand-chose à notre
mode de vie, le coût de production n’étant pas nécessairement
95
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
meilleur marché
...
Pour nécessaire qu’elle soit, cette évolution ne
sera donc pas un progrès susceptible d’emporter l’économie
mondiale dans une nouvelle croissance
...
À défaut d’une hausse issue directement de la pression entre
l’offre et la demande, la hausse des taxes sur l’énergie ou sur
certains types d’énergie sera la mesure la plus efficace pour en
réduire la consommation et faire subir au consommateur l’intégralité des externalités négatives
...
L’impératif
écologique aura pour objet de tenter de corriger les excès d’antan
...
En effet, non seulement la qualité énergétique de ce
pétrole vert est faible (la production de 130 litres d’éthanol utilise
100 litres de pétrole), mais surtout les surfaces plantées sont
autant de surfaces retirées pour la production destinée à la
consommation humaine ou animale
...
Et il le devient encore davantage
quand on sait qu’au Brésil, par exemple, il participe à une déforestation effrénée qui s’accompagne d’une augmentation significative des émissions de CO2 (la suppression de forêt est en soi un
désastre qui libère en outre des quantités considérables de CO2)
...
L’accès à l’eau potable
© Groupe Eyrolles
96
Les bouleversements structurels et géopolitiques
© Groupe Eyrolles
est un luxe
...
Demain, l’explosion démographique,
couplée avec l’urbanisation massive de la population, ne pourra
qu’aggraver les choses, et ce seront sûrement plus de 2 milliards
d’individus qui souffriront du manque d’eau
...
Nous l’avons vu, l’eau sera plus
rare encore dans les zones déjà sèches, et trop abondante, c’està-dire destructrice, dans les zones humides, entraînant aussi la
pollution des stocks destinés à la consommation
...
L’eau sera donc plus rare, plus polluée (dans certaines régions,
l’utilisation abusive d’engrais entraîne un niveau excessif de
concentration en nitrate dans les eaux souterraines, la rendant
dangereuse voire impropre à la consommation humaine) et plus
coûteuse
...
L’eau sert en premier lieu à la production agricole et en
particulier aux cultures irriguées (70 % des prélèvements d’eau)
dont le rendement est assez efficace (17 % des terres cultivées
sont irriguées et leur production représente 40 % de l’alimentation mondiale)
...
Surtout, elle est très consommatrice
d’eau
...
Au final, on estime que la production de 1 kilogramme de
viande de poulet nécessite 3,5 tonnes d’eau, et qu’il en faut
51 tonnes pour produire 1 kilogramme de mouton
...
Enfin, le bétail est aussi une source non négligeable d’émission de CO2
...
La
demande d’eau pour l’agriculture et le bétail va donc continuer à
progresser sensiblement
...
L’accès à l’eau potable qui est déjà être l’objet de conflits dans
des régions déficitaires sera une source croissante de tensions
...
, sont autant de situations conflictuelles
pouvant dégénérer en guerre régionale
...
Il relève que la demande alimentaire globale
s’accroît de 3 à 4 % par an et que la crise alimentaire dans
laquelle nous nous trouvons empire chaque jour, particulièrement pour les plus démunis
...
Selon lui, le pire des scénarios serait de continuer à traiter l’eau comme une commodité sans prix
...
Venant de la première compagnie agroalimentaire mondiale, ces propos sont à prendre très au sérieux
...
Une eau trop bon marché implique des dysfonctionnements dans sa consommation sans nullement intégrer le fait
qu’elle est un bien unique et rare et qu’elle doit être utilisée avec
respect, et idéalement avec parcimonie
...
Elle est de
200 litres pour un Français (contre seulement 6 litres il y a un
siècle) et inférieure à 10 litres par habitant dans de nombreux
© Groupe Eyrolles
98
Les bouleversements structurels et géopolitiques
pays d’Afrique
...
Le gaspillage fonctionnel lié aux fuites, au drainage et à l’évaporation représenterait jusqu’à 45 % de la consommation d’eau… Mais cette
abondance apparente a un coût qui pourrait à terme être insupportable
...
Taxer l’eau deviendra une nécessité si l’on souhaite enfin disposer d’une vision
durable…
© Groupe Eyrolles
Destruction des écosystèmes et dérèglements
en tout genre
Le réchauffement climatique devrait entraîner une élévation du
niveau moyen des océans
...
D’autres experts, beaucoup plus pessimistes, font remarquer que
les prévisions du GIEC ne prennent pas en compte la fonte des
calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique
...
Ce phénomène serait
beaucoup plus massif et beaucoup plus rapide que prévu et pourrait provoquer une montée des océans de 75 à 190 centimètres
d’ici à 2100
...
Cela est synonyme de
disparition d’îlots et de territoires littoraux entiers
...
Des répercussions en cascade sont également à craindre
...
Cette
capacité de stockage devrait culminer vers 2050, avant que les
écosystèmes fragilisés par le réchauffement ne se mettent à leur
tour à relâcher du CO2 dans l’atmosphère, aggravant ainsi le
phénomène
...
Or, les abeilles sont responsables de la
pollinisation de plus de 80 % des plantes à fleurs de la planète
...
Les trois quarts des végétaux qui nourrissent l’humanité en
dépendent
...
Les causes de cette disparition pourraient être
la combinaison de plusieurs traitements (certains pesticides –
comme le Gaucho – et certains OGM)
...
Le risque serait
bien sûr que les coupables (chimie et OGM) soient considérés
comme la solution au problème
...
Hélas, la liste ne s’arrête pas là et nous ne traitons ici que des
conséquences économiques (la disparition de milliers d’espèces
naturelles est un coût inestimable)
...
Certains se sont risqués à parler de 4 à 5 trillions de
dollars (soit à peine plus que le coût de la crise financière)
...
Les efforts entrepris permettront simplement d’éviter que la catastrophe ne soit encore pire, en espérant
aussi très fort que les experts en climatologie se soient lourdement trompés…
Il faut encore ajouter les risques de pandémie, en grande partie
liés aux dérèglements climatiques et à la mondialisation
...
Le coût potentiel
d’une pandémie est considérable tant du point de vue humain
(plusieurs dizaines de milliers de morts) qu’économique (arrêt
des échanges, repli sur soi, risques de pénuries, activité économique interrompue ou fortement perturbée…)
...
Et cela paraîtra d’autant plus indigeste que toutes les sommes investies pour
protéger l’existant ne pourront pas être perçues comme contribuant à l’amélioration du bien-être, mais seulement à sa défense
...
Si la crise des années 1930 a
permis aux États-Unis de confirmer sa domination sans partage,
la crise actuelle devrait bel et bien remettre en cause cette prédominance et signer l’amorce du déclin américain
...
101
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
Le déclin des États-Unis
Déclin géopolitique
C’est par une jolie formule qu’Emmanuel Todd, comme pour
proposer un contrepoint à la fameuse phrase de Reagan (« l’État
n’est pas la solution, c’est le problème »), débute son livre Après
l’empire : « Les États-Unis sont en train de devenir pour le monde
un problème
...
» En avance de quelques années, il résume parfaitement
la situation actuelle
...
Le déclin américain serait en marche
...
Les États-Unis vivent à crédit depuis très (trop) longtemps, construisant ainsi des déficits multiples abyssaux, devenus un
élément essentiel de leur croissance et de leur développement
...
Les dépenses colossales que l’État entreprend pour remettre la
machine économique sur les rails auront pour première victime
la politique étrangère hégémonique
...
En 2007, le coût de
la seule guerre en Irak est évalué à 462 milliards de dollars, soit
près de 3,5 % du PIB, et le coût total est évalué par certains
économistes (Joseph Stiglitz) à plus de 3 trillions de dollars, soit
au moins autant que la crise financière… Barack Obama
souhaite même aller plus loin puisqu’il envisage de partager
© Groupe Eyrolles
102
Les bouleversements structurels et géopolitiques
© Groupe Eyrolles
« équitablement » le fardeau afghan en engageant davantage les
pays alliés
...
Il appliquera
une diplomatie de bonnes intentions et n’a certainement aucune
envie de consacrer le moindre dollar à des conflits hasardeux
...
L’Amérique a trop à faire à la maison pour
perdre son argent et son énergie politique à l’international
...
Ainsi, en
se retirant de l’Irak, Barack Obama tourne probablement la page
d’une Amérique hyperpuissante, histoire commencée contre son
gré en décembre 1941 avec Pearl Harbor
...
On veut dire par
là que les dirigeants de Washington sont confrontés durablement
à une difficulté embarrassante : les intérêts et les engagements
américains dans le monde sont actuellement bien trop lourds
pour que les États-Unis puissent les défendre tous
simultanément
...
George Modelski, dans The Long Cycle of Global Politics and the
Nation-State et dans Long Cycles of World Leadership, établit un
cycle long des puissances hégémoniques depuis la Renaissance
103
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
où les supériorités portugaise, hollandaise et anglaise (deux
cycles) précèdent celle des États-Unis
...
Emmanuel Wallerstein étudie lui aussi l’évolution des principaux leaders mondiaux depuis la Renaissance et constate l’existence de cycles d’environ 115 ans (soit environ deux cycles de
Kondratiev)
...
Il mentionne que l’hégémonie est difficile à
maintenir dans la durée (d’où l’existence inévitable de cycles)
...
Il remarque qu’il existe ainsi quatre étapes dans un cycle
normal et propose la chronologie suivante pour les États-Unis :
1
...
Victoire de l’hégémonie : 1913/1920-1945 ;
3
...
Déclin de l’hégémonie : 1967- ???
...
Cependant, on
peut se demander si le déclin n’est pas apparu dès l’année 2001
(le 11 Septembre marque symboliquement la première attaque
armée sur le sol américain) ou plus probablement en 2008
(effondrement financier et abandon de principe de la présence
© Groupe Eyrolles
104
Les bouleversements structurels et géopolitiques
en Irak)
...
Avec le
déclin américain, c’est aussi un nouveau modèle de capitalisme
qui devrait se mettre en place
...
Celle-ci est ainsi passée de
25 % du PIB à environ 10 % (voir graphique 9
...
Cet effondrement est assez général dans les économies occidentales mais il
est particulièrement marqué aux États-Unis et en GrandeBretagne
...
1 – Pourcentage d’employés dans l’industrie
aux États-Unis
30 %
25 %
20 %
15 %
10 %
(Source : Bureau of Labor Statistics
...
Le cas de General Motors est éloquent et le
graphique 9
...
Ce géant de l’automobile a régné
en maître pendant près d’un siècle mais s’est laissé rattraper
progressivement par les marques étrangères en cessant de
moderniser son appareil productif, en faisant de mauvais choix
de gamme (gros 4x4, pick-up…) et en garantissant un
programme de retraite intenable à ses employés
...
Le
symbole est puissant
...
2 – Évolution de la part de marché de GM aux États-Unis
et des véhicules importés
49,5 %
48,3 %
50,0 %
46,2 %
44,6 %
43,6 %
45,0 %
41,4 %
41,2 %
40,0 % 36,8 %
35,2 %
35,0 %
30,0 %
29,1 %
25,3 %
Part de marché de GM
25,0 %
21,2 %
19,5 %
Total des importations
20,0 %
15,0 %
12,0 %
10,0 %
6,8 %
6,5 %
7,7 %
6,8 %
5,0 %
1920
1930
1940
1950
1960
1970
1980
1990
2000
(Source : Automotive Data Center et R
...
Polk
...
La qualification
des emplois et des travailleurs américains est justement problématique
...
L’Amérique a donc
bradé son industrie sans pour autant bâtir d’alternatives solides
...
Les deux tiers des diplômés en sciences et
en ingénierie sont en 2006 d’origine asiatique
...
Le président Obama a raison de désigner l’éducation comme
une absolue priorité
...
Il place également les
énergies nouvelles au cœur de son programme de façon à retrouver à terme une indépendance perdue depuis longue date et à
essayer de reconquérir un leadership dans une industrie stratégique et à l’avenir prometteur
...
En (re)construisant un régime de sécurité sociale digne d’un
grand pays, Barack Obama essaiera également de refonder une
cohésion nationale forte
...
Avant
que le pays ne puisse véritablement refaire surface, le dollar aura
perdu sa primauté et ne sera plus la monnaie de référence,
comme le suggère d’ailleurs le désastre à venir du bilan de la
Federal Reserve (cf
...
107
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
Une croissance économique discutable
Si le dynamisme et le goût d’entreprendre des Américains ont
jusqu’ici été des déterminants essentiels dans la réussite du pays,
le défi économique à relever aujourd’hui est considérable et il
convient de battre en brèche une partie des mythes sur l’économie américaine
...
De plus,
étant donné que la croissance démographique est restée avantageuse (hausse moyenne de plus de 1 %), la croissance par tête
d’habitant s’est maintenue sous le seuil des 2 %, ce qui est convenable sans être en rien exceptionnel comme on a souvent voulu le
faire croire
...
La croissance s’est totalement faite à
crédit
...
Pire, sans le crédit, la croissance
américaine aurait été certainement négative
...
Cela signifie que l’augmentation des dettes sur la période représente plus de 17 trillions de dollars (soit plus que le PIB de 2008)
...
Comme l’indique le
graphique 9
...
On comprend donc qu’en l’absence de cette manne, la
croissance américaine aurait été beaucoup plus faible et peutêtre négative, confirmant ainsi le principe que la crise a
commencé dès les années 2000 et que le crédit n’a fait que reculer
l’échéance en aggravant considérablement les problèmes
...
3 – Évolution trimestrielle des mortgage equity
withdrawals aux USA entre 2000 et 2008 (en milliards de dollars)
MEWs (M$)
250
MEWs (M$)
200
150
100
50
08
20
07
20
06
20
05
20
04
20
03
20
02
20
01
20
20
00
0
– 50
– 100
© Groupe Eyrolles
(Source : Bloomberg
...
En 1999, il représentait plus de la moitié de la capitalisation
boursière du secteur au niveau mondial
...
Pire, la Chine l’a indiscutablement détrôné et est désormais le grand leader de l’industrie avec
plus de 509 milliards de dollars
...
La Chine
Par sa dimension démographique et son exceptionnelle croissance, la Chine, actuelle deuxième puissance industrielle
mondiale, est amenée à devenir la deuxième puissance économique mondiale avant 2015 (dépassant ainsi le Japon) et devrait
détrôner les États-Unis d’ici à 2040
...
La Chine est la puissance de
demain
...
La Chine est parvenue à
sortir progressivement de son isolement et à se hisser au rang
des très grandes puissances, devenant la première usine du
monde
...
La Chine est ainsi devenue à la fois le premier financier des
États-Unis (premier détenteur d’obligations américaines) et sa
première usine (déficits commerciaux américains monumentaux)
...
Ils se trouvent ainsi dans un jeu interdépendant
...
La récente chute du commerce mondial
pénalise considérablement la Chine
...
En premier lieu, l’explosion des déficits américains et le recours
systématique à l’endettement constituent une menace forte à la
stabilité du dollar
...
Dans ce type de configuration et au
vu des énormes montants en jeu, les créanciers sont plus facilement à la merci de leur débiteur que l’inverse
...
La
chute des cours des matières premières offre un débouché plus
sûr et plus stratégique pour ses réserves de change
...
Jiangxi Copper –
premier producteur chinois – estimait ainsi d’intérêt public la
constitution de réserves par des achats à l’étranger qui effectivement ont augmenté sensiblement (notamment pour le cuivre)
...
En dépit d’une demande interne en
pétrole modérée en 2009, le gouvernement chinois poursuit la
constitution de sa réserve stratégique avec la construction de
huit nouveaux sites équivalant à 169 millions de barils
...
Confronté à une
dépendance toujours plus forte envers ses importations (la
Chine importera 75 % de ses besoins de consommation en 2030,
selon l’Agence internationale de l’énergie), Pékin continue
d’investir et profite de l’actuelle forte baisse du pétrole pour
nouer des accords d’approvisionnement
...
Ils organisent le maillage de leurs futurs
besoins
...
Par ailleurs, la Chine est impactée par la récession mondiale
...
Les économistes ont été pris au dépourvu par la dégringolade de
la demande extérieure
...
Résultat, l’excédent commercial est ramené à 4,8 milliards de dollars,
un point bas de trois ans
...
En l’absence probable de
rebond du commerce mondial, la Chine devra trouver d’autres
relais de croissance si elle ne veut pas que des troubles sociaux
ne fassent exploser le pays
...
Depuis le
déclenchement de la crise, ce sont plus de 20 millions de
travailleurs qui ont dû quitter les villes et rejoindre leur campagne faute de travail
...
Conscient d’avoir
été abusé et surtout affamé et sans ressource, le peuple chinois
n’est pas loin de la rébellion que certaines émeutes d’une grande
violence viennent confirmer
...
Il devine aussi que son business model
© Groupe Eyrolles
112
Les bouleversements structurels et géopolitiques
© Groupe Eyrolles
basé sur l’exportation est à revoir
...
Il s’est déjà engagé dans un plan de relance basé
principalement sur les infrastructures, mais il évoluera certainement vers un modèle favorable aux ménages et aux consommateurs chinois
...
S’il y a mise en place d’un New Deal, ce sera très
probablement en Chine
...
113
Chapitre 10
Analyse et perspectives
économiques et monétaires
Les politiques conjoncturelles
d’accompagnement de la crise
Les solutions mises en place par l’État
© Groupe Eyrolles
L’État s’est très lourdement investi dans la crise pour éviter des
conséquences potentiellement très dévastatrices pour l’économie et aussi pour son unité nationale même
...
Nous avons déjà mentionné ces points, l’État s’est fortement
impliqué dans le règlement de la crise bancaire en se substituant en partie aux banques ou en en prenant physiquement
ou moralement le contrôle
...
Quand l’État ne prend pas le
pouvoir en direct, il propose des prêts (à un coût que certains
pourraient juger prohibitif), organise des plans pour loger les
actifs toxiques (le TARP, Toxic Asset Recovery Program, est
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
doté de 700 milliards de dollars à cet effet) et envisage même des
solutions pour parquer les actifs toxiques dans des bad banks
...
L’activisme de l’État lui permet aussi de redessiner à loisir les
contours du paysage bancaire (fusions, remodelages et éventuellement liquidation avec vente à la découpe)
...
La France est relativement épargnée : pas
de vrais problèmes (mis à part Dexia et Natixis, dont le coût reste
« acceptable »), seulement des prêts (entre 10 et 15 milliards
d’euros avec un rendement supérieur à 8 % ; à ce niveau-là, c’est
une affaire qui pourrait rapporter jusqu’à un milliard à l’État)
...
Si l’on fait
la somme de tous les plans de sauvetage à travers le monde,
l’addition doit dépasser les 2 trillions (le Royaume-Uni payant
certainement le plus lourd tribut)
...
Soit un total qui pourrait rapidement avoisiner les 100 milliards
...
Au total, les déficits budgétaires sont littéralement abyssaux :
plus de 12,3 % du PIB aux États-Unis en 2009, soit environ 1 750
milliards de dollars pour un budget de « seulement » 3 940
milliards (soit un déficit proche de 50 % du budget lui-même)
...
En deux ans, plus de 20 % du PIB seront
donc consacrés au sauvetage bancaire et économique du pays,
sans pour autant provoquer la moindre croissance (les perspectives de croissance sont nettement négatives en 2009 et très légèrement positives en 2010)
...
C’est vraisemblablement une dépression (chute de
l’activité supérieure à 10 %) qui aurait eu lieu
...
Ils le sont certainement trop
...
La peur que d’autres pays puissent profiter de
son propre plan de relance (ou, pire, l’espoir que les plans de
relance des autres pays puissent suffire à soutenir son propre
pays, comme c’est sûrement le cas de l’Italie) semble avoir justifié ce manque d’engagement
...
© Groupe Eyrolles
Néanmoins, en 2009, tous les pays développés seront en déficit,
et la grande majorité connaîtra un déficit conséquent
...
Tandis que ces dernières années les États dans leur globalité
avaient été vertueux et souvent excédentaires, ils replongent
fortement dans le rouge et aggravent leur dette globale
...
Il y a de facto un transfert de dettes
du secteur privé à l’État
...
Les spreads de signature se sont déjà
beaucoup écartés et le risque est, au niveau individuel, de voir des
117
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
États incapables de se financer sur les marchés (comme cela a été
le cas pour l’Islande)
...
Ils n’auraient dans ce cas pour ultime
recours que l’appel à une souscription nationale pour soutenir
une nation en danger (les pays dont le taux d’épargne est élevé
seront fortement avantagés – c’est le cas de la France, de l’Italie ou
de l’Allemagne) ou bien encore l’aide intéressée d’une autre nation
qui n’oublierait pas d’en exiger certains avantages géopolitiques
...
C’est effectivement le challenge à relever pour
les États dont le système bancaire a le plus souffert (États-Unis,
Royaume-Uni, Irlande, Allemagne…)
...
Il suffit de se rappeler les erreurs commises par la Fed dans les
années 1930 pour bien comprendre que les banques centrales
peuvent effectivement aggraver les choses
...
L’objectif avait été atteint mais, comme on le sait, le reste de
l’économie aussi avait été tué, entraînant la pire des dépressions
jamais connue (baisse du PIB nominal de plus de 50 %)
...
Friedman & Schwartz) est le manque d’expérience du président
de la Fed de New York, George Harisson, nommé en 1928 après la
© Groupe Eyrolles
118
Analyse et perspectives économiques et monétaires
© Groupe Eyrolles
mort de Strong, qui comme son nom l’indique était un homme
fort qui avait su construire une réelle autorité et aurait a priori su
mieux gérer la crise que son successeur
...
Il s’est nourri des mécanismes observés à cette période et
rien sur les erreurs commises ne lui est étranger
...
C’est pourquoi il a été particulièrement réactif dans la crise en baissant rapidement les taux d’intérêt puis en injectant sans compter des
liquidités
...
Cela nous
incite donc à la vigilance : il ne refera pas les mêmes erreurs, mais
il pourrait bien en faire d’autres… Et voilà pourquoi la seconde
remarque concerne la similitude entre la nomination de George
Harrison et celle de Bernanke
...
Il succède également à Alan Greenspan, qui avait
acquis une autorité véritable (même si certains se demandent si le
« sorcier » n’était pas au final un épouvantable usurpateur)
comme cela avait été le cas de Strong
...
Comme nous venons de le voir, l’action la plus visible des
banques centrales a été de se diriger vers le ZIRP (zero interest
rate policy, c’est-à-dire une politique monétaire de taux à zéro)
...
La
Banque centrale européenne se refuse à de tels excès mais a déjà
ramené ses taux d’intervention à 1 % (ce qui ne change pas radicalement les choses)
...
Une baisse des taux
courts s’accompagne généralement d’une baisse des taux longs,
à condition que le marché anticipe également la poursuite d’une
politique accommodante de la banque centrale
...
Du coup, la politique monétaire tombe
dans ce qu’on appelle la « trappe à liquidité », c’est-à-dire que
l’arme des taux d’intérêt devient totalement inefficace
...
Elle consiste à jouer sur la masse monétaire mise en circulation
...
En effet,
quand la banque centrale augmente sa masse monétaire, cela
signifie qu’elle accepte de la part des établissements financiers
davantage d’instruments financiers en dépôt en échange de
liquidités monétaires (cash ou assimilé) qui sont ensuite utilisées par les banques pour faire des crédits aux entreprises ou
aux ménages
...
Dans le cas actuel, la Fed (largement imitée par les autres
banques centrales) a été très imaginative dans sa capacité à
augmenter son bilan
...
Elle a ainsi commencé à accepter un certain nombre
d’actifs qu’elle refusait jusqu’alors pour débloquer la situation
...
Auparavant, en mars 2008,
la Fed avait déjà assuré le sauvetage de Bear Stearns en créant
© Groupe Eyrolles
120
Analyse et perspectives économiques et monétaires
Maiden Lane I (limited liability company) chargée d’acquérir
certains actifs de la banque d’investissement pour un montant à
l’époque exceptionnel de 29 milliards de dollars
...
Plus récemment, la Fed a accepté de se substituer au secteur privé : elle est venue en aide au marché de la
titrisation, en accordant des prêts en échange d’actifs titrisés
(MBS notamment)
...
Plus généralement, la Fed a ouvert la possibilité d’acheter sur le marché des corporate bonds (obligations
d’entreprises) ainsi que des obligations d’État sur le marché afin
de pouvoir contrôler le niveau des taux longs
...
Les moyens mis en œuvre sont
sans précédent dans l’histoire monétaire des différentes banques
centrales (Fed en particulier)
...
© Groupe Eyrolles
Les perspectives économiques
et monétaires
L’objet de cette section est de présenter les éléments structurels
et conjoncturels qui devraient influencer les perspectives futures
de la croissance et de l’évolution des prix
...
La première soussection a donc pour objet de présenter l’importance des cycles en
économie et permet de montrer ensuite comment ils peuvent
impacter les perspectives en termes d’inflation et de croissance
...
L’importance des cycles en économie
Rappelons tout d’abord que la théorie des cycles économiques
n’est pas considérée comme elle le devrait dans les milieux
académiques
...
On peut donc de droit
s’interroger sur cette mise à l’écart
...
La première provient de l’hypothèse de travail de la théorie économique basée sur la parfaite rationalité de l’individu
...
Dans ces conditions,
on comprend bien que les fluctuations économiques ne peuvent
être comprises que comme le résultat de chocs exogènes et imprévisibles
...
C’est bien parce que l’individu n’est
pas rationnel que les cycles existent
...
Le seul grand
économiste reconnu en tant que tel ayant appuyé sa théorie sur
les cycles économiques est Joseph Aloïs Schumpeter
...
En effet, les économistes ont pour vocation première de trouver
des solutions pour gérer l’économie, veiller à éviter les récessions, aplanir les excès des périodes de forte croissance
...
S’ils acceptaient trop facilement la notion
de cycle, ils perdraient du même coup leur crédibilité puisque
cela pourrait être perçu comme l’acceptation de leur incapacité
d’agir sur les choses
...
Comme le souligne Brian Berry, les cycles
économiques sont la combinaison de facteurs cycliques déterministes par nature (mais aussi dépendants de la créativité et de
l’action humaine qui connaissent des périodicités variables) et
de phénomènes parfaitement aléatoires (chocs exogènes, par
exemple)
...
Certains sont plus courts car des chocs exogènes viennent les
perturber, d’autres sont plus longs car les mécanismes qui
conduisent à l’apogée du cycle ont été ralentis et ont mis plus de
temps à se concrétiser
...
© Groupe Eyrolles
Et pourtant les cycles sont bien là, et la richesse de la théorie des
cycles offre des perspectives d’analyse et de prospective particulièrement utiles
...
Après des
phases d’excès entrepreneuriaux suivent des phases léthargiques
où peu d’entrepreneurs s’engagent
...
À l’instar de ce qui est
constaté sur les marchés financiers, c’est l’appétit ou au
contraire l’aversion pour le risque qui semble conduire les déci-
123
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
sions d’investissement des entrepreneurs
...
Après une période d’euphorie entrepreneuriale, la peur et l’incertitude des entrepreneurs bloquent le système capitaliste
...
Il apporte une réponse foncièrement intéressante sur les cycles du capitalisme
...
Les phases où l’on
observe une concentration de ferveur entrepreneuriale sont
suivies de longues périodes de consolidation de ces nouvelles
avancées sans renouvellement de la ferveur entrepreneuriale
...
Si les découvertes peuvent être
aléatoires, leur implémentation industrielle ne l’est pas et
dépend généralement de l’existence d’une vague d’innovations
...
Les cycles des affaires ne sont
donc pas le résultat de facteurs exogènes mais les régulateurs
internes du développement capitaliste (business cycles)
...
Le capitalisme
entre en crise pour mieux se renouveler
...
Les principaux cycles économiques
Le premier économiste à avoir travaillé sur les cycles est un
Français, Clément Juglar (1819-1905)
...
» Il constate que ce cycle des
affaires, qui deviendra ensuite cycle de Juglar, a une durée
comprise entre 7 et 11 ans
...
Il y a trois cycles de Kitchin dans un cycle de Juglar
...
La durée du cycle de Kuznets était initialement de 20 à 25 ans
mais ce cycle était probablement plus long que ce que pensait
Kuznets, et Berry a rallongé ce cycle à 30 ans pour qu’il s’adapte
mieux à la réalité
...
Ils le justifient en expliquant que depuis le XVIe siècle, des mouvements sociaux (soit
une crise économique séculaire, soit un renouvellement spirituel
séculaire) ont lieu tous les 45 ans
...
Ce cycle est intéressant car on peut y emboîter trois cycles de
Berry, chacun étant composé de trois cycles de Juglar qui est à
son tour décomposable en trois cycles de Kitchin…
Le cycle de Kondratiev est certainement le plus connu
...
Il constate une
phase A, dite d’expansion, pendant laquelle on observe un cycle
ascendant des prix, suivie par une phase B, dite de récession,
caractérisée par un cycle descendant des prix
...
Contrairement aux autres cycles, le cycle de
Kondratiev est basé sur le cycle des prix, mais ses études avaient
aussi pour objectif de montrer une corrélation entre les cycles
des prix et les variables réelles comme la production industrielle
...
Les séries de
production et de prix convergent assez mal
...
Il constate les successions de phases A et B présentées plus bas
(tableau 10
...
Le risque inflationniste
Le déclenchement de la crise a immédiatement amorcé une
rechute de l’inflation
...
L’affaiblissement de l’économie
génère automatiquement des forces déflationnistes : les pressions à la hausse sur les prix ont tendance à disparaître et les
autorités politiques et monétaires ont raison de redouter une
© Groupe Eyrolles
126
Analyse et perspectives économiques et monétaires
déflation à court terme
...
En effet, alors qu’elle semble avoir disparu du paysage économique, l’inflation reste un problème potentiel à venir
...
Cyclicité de l’inflation
Les cycles de Kondratiev, que nous avons déjà introduits précédemment et qui se concentrent sur la cyclicité des prix, suggèrent en effet qu’un point bas de cycle a été atteint au début du
millénaire après une décrue progressive et ininterrompue de
l’inflation à partir de 1981
...
1 – Creux et sommets de l’inflation
selon l’analyse de Kondratiev
Creux de la phase A
Pic de la phase B
1789
1814
1850
1873
1897
© Groupe Eyrolles
1920
1950*
1981*
2005*
* Extrapolations
...
L’extrapolation de ces différentes séries
suggère un creux de cycle au début des années 2000, soit un cycle
assez long entre les deux derniers creux (un peu plus de 60 ans)
...
2 – Creux et sommets de l’inflation (Braudel, Spooner)
Creux de la phase A
Pic de la phase B
1509
1529
1539
1559
1575
1595
1621
1650
1689
1720
1747
1762
1790
1814
1848
1872
1893
1917
1940
1975
2000*
© Groupe Eyrolles
128
Analyse et perspectives économiques et monétaires
Si l’on regarde des données graphiques longues du déflateur du
PIB américain depuis 1800, on retrouve très clairement une
forte cyclicité des prix respectant des périodes d’environ une
cinquantaine d’années entre chacun des creux et chacun des
pics d’inflation
...
graphique 10
...
En revanche, un lissage plus fin à
4 ans représenté sur le graphique 10
...
Cependant, comme les données utilisées sont différentes, le résultat diffère logiquement
...
Tableau 10
...
1 – Moyenne glissante à 10 ans du déflateur
du PIB américain
12 %
Moyenne glissante à 10 ans du déflateur du PIB
1982
1920
1870
1818
4%
–8%
1933
1865
2000
1980
1960
1940
1920
1900
1880
1860
1840
1820
–4%
1800
0%
1999
(Source : National Bureau of Research and Statistics
...
2 – Moyenne glissante à 4 ans du déflateur du PIB
américain
Moyenne 4 ans du déflateur du PIB
20 %
15 %
10 %
5%
2000
1980
1960
1940
1920
1900
1880
1860
1840
– 10 %
1820
0%
–5%
1800
– 15 %
(Source : National Bureau of Research and Statistics
...
Kondratiev place les creux à peu près à équidistance des pics
d’inflation
...
Il apparaît, au contraire, que
l’écart entre pics et creux est souvent très court (1814-1818 ;
© Groupe Eyrolles
130
Analyse et perspectives économiques et monétaires
1865-1870 ; 1929-1933)
...
Pratiquement, la rudesse
des crises économiques déclenchées alors s’accompagnait quasi
systématiquement d’un effondrement très brutal des prix
...
Entre 1800 et 1899, le déflateur du PIB
a baissé
...
Il réduisait assez significativement les moyens
d’action des banques centrales, et ces dernières ne parvenaient
pas à agir efficacement en période de stress
...
Mais aussi, pendant tout le
XIXe siècle, le comportement des prix était très dépendant des
prix des denrées alimentaires, d’où des baisses de prix brutales
sans qu’aucune faiblesse d’activité ne soit à déplorer
...
Si l’on regarde la moyenne glissante du déflateur à 10 ans, on peut même tracer une tendance
haussière très claire en reliant les principaux points bas (cf
...
3)
...
Pour la première fois de
son histoire, le creux d’inflation de la période (1999) est resté en
territoire positif et la tendance des points bas de l’inflation est
maintenant au-dessus de zéro
...
Si
l’on extrapole, la moyenne glissante à 10 ans devrait se diriger
vers les sommets des années 1980 autour des 8 % et peut-être
même aller au-delà
...
L’inflation à venir devrait donc s’installer durablement dans la nouvelle donne économique des pays occidentaux
...
3 – Tendance haussière à long terme de la moyenne
glissante à 10 ans du déflateur du PIB américain
12 %
Moyenne glissante à 10 ans du déflateur du PIB
8%
4%
2000
1980
1960
1940
1920
1900
1880
1860
1840
–4%
1820
0%
1800
–8%
(Source : National Bureau of Research and Statistics
...
Tout
d’abord, on remarque que la volatilité de l’inflation a faibli
...
En second lieu, on constate graphiquement
l’existence de cycles majeurs
...
L’inflation est
donc, selon l’analyse des cycles, devant nous
...
Le bilan de la Fed, par
exemple, a littéralement explosé passant d’environ 850 millions
de dollars à plus de 3 000 milliards de dollars et potentiellement
plus de 4 000 milliards de dollars
...
graphique 10
...
La dégradation du bilan est non seulement
d’ordre quantitatif mais aussi qualitatif puisque les actifs acceptés par la banque centrale se sont également dégradés au cours
du temps (la Fed acceptant par exemple des actifs hypothécaires, des obligations d’État ou de la titrisation)
...
Si l’on retient
l’approche de la théorie monétariste défendue par Irving Fisher
et Milton Friedman, on peut utiliser la fameuse équation monétariste pour expliquer l’impact éventuel de la création monétaire
dans l’économie et dans la formation des prix :
© Groupe Eyrolles
MV = PT
où M correspond à la masse monétaire ;
V est égal à la vitesse de circulation de la monnaie ;
P est l’équivalent du prix nominal ;
et T correspond aux quantités de biens échangés
...
Selon les
monétaristes, une augmentation de la masse monétaire entraîne
de fait, toutes choses égales par ailleurs, une augmentation des
prix
...
Or, jusqu’à présent, la crise économique
et financière a dans le même temps conduit à une chute très
sensible de la vitesse de circulation de la monnaie (qui serait en
133
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
l’occurrence passée sous le seuil de 1)
...
Ainsi, tant que la confiance n’est pas revenue et que l’économie reste dépressive, la vitesse de circulation
va rester faible mais elle repartira logiquement à la hausse dès
qu’une amélioration de l’activité se fera sentir
...
L’inquiétude actuelle repose sur l’ampleur de l’explosion du
bilan
...
Cela supposerait de pouvoir revendre rapidement les actifs achetés ou de remonter vite les taux
courts, ce qui déclencherait de nouvelles difficultés économiques
...
Le graphique 10
...
Graphique 10
...
)
© Groupe Eyrolles
134
Analyse et perspectives économiques et monétaires
L’explosion du bilan des banques centrales correspond de fait à
une dégradation future de la valeur de la monnaie : les banques
centrales créent de la monnaie de façon considérable
...
Et
c’est cette perte de valeur qui entraînera une hausse des prix
...
La valeur de la monnaie va baisser et le prix des biens
exprimés dans cette monnaie sera donc poussé à la hausse
...
Cependant, le risque
d’hyperinflation reste encore improbable (situation où l’inflation
dépasse les 20 % pour ensuite devenir totalement incontrôlable)
car les autorités monétaires sont parfaitement conscientes du
risque encouru et on peut donc logiquement penser qu’elles
seront d’une extrême vigilance
...
On peut logiquement penser que l’apurement du bilan des banques centrales
sera long et qu’en conséquence, l’instabilité économique s’installera également de façon durable
...
D’une part, une déflation généralisée aggrave
la paralysie de l’économie puisque la déflation incite naturellement les agents économiques à repousser leurs dépenses et leurs
investissements
...
La
déflation ne profite donc qu’aux rentiers
...
Autrement dit, très peu d’investissements
ont une chance de s’avérer rentables, ils risquent alors de s’effondrer, risque entraînant une véritable dépression
...
chapitre 4)
...
Une inflation de 8 %
par an permettrait de diviser le ratio dette/PIB par deux en neuf
ans en supposant une croissance réelle nulle et le maintien de la
dette nominale au même niveau sur la période
...
Le temps règlerait l’affaire ! Le second avantage de l’inflation repose également sur sa nature re-distributive : elle bénéficie aux investisseurs et à ceux qui s’endettent et pénalise les
rentiers en rongeant leur épargne improductive
...
Le temps de l’inflation et de sa
tête immonde est loin
...
Ils oublient trop facilement les difficultés qu’il peut y avoir pour la maîtriser
...
Mais cela
suppose la capacité de contrôler réellement l’inflation
...
récession de 1982)
...
Enfin et
surtout, un niveau trop fort et trop volatile d’inflation détériore
considérablement la visibilité de l’économie qui, de fait, devient
© Groupe Eyrolles
136
Analyse et perspectives économiques et monétaires
elle-même plus volatile et rend tout investissement très incertain
...
Ils sont donc obligés d’ajuster leur marge en fonction du niveau absolu d’inflation
constatée
...
Les rigidités salariales
© Groupe Eyrolles
Si le travail était une marchandise comme les autres, la valeur de
ce dernier, le salaire, devrait subir de fortes pressions baissières
dans une période de crise marquée par une explosion du
chômage
...
Or,
cette situation semble assez improbable du fait de l’existence
d’un ensemble de rigidités salariales
...
Ensuite, dans un climat déjà
extrêmement tendu socialement, il sera quasiment impossible
de faire passer des mesures de baisse salariale généralisée
...
Les gouvernements se
refuseront probablement à prendre un tel risque
...
Toutefois, certains salariés verront leur salaire stagner ou baisser sensiblement : les cadres supérieurs et les dirigeants d’entreprise dont les revenus variables (bonus, stock-options…) seront
réduits ou parfois supprimés, tandis que les jeunes générations
se verront offrir des salaires d’entrée beaucoup moins attractifs
qu’auparavant
...
Graphique 10
...
S
...
K
...
)
Aussi, contrairement aux situations des crises passées, les rigidités salariales rendent improbable un mécanisme vicieux déflationniste alors qu’ils peuvent au contraire contribuer à alimenter
un retour de l’inflation
...
Le graphique 10
...
Les courbes semblent
clairement s’essouffler à la baisse et les tensions sociales à venir
militent largement en faveur d’un fort regain syndical (cf
...
Le protectionnisme et la baisse de la productivité
et de l’innovation
© Groupe Eyrolles
La mondialisation a sans doute été un formidable moteur désinflationniste tout au long de ces vingt dernières années
...
Or le protectionnisme suppose que
les biens sont produits avec une moindre compétitivité conduisant imparablement à un coût de production et de vente plus
élevé
...
Une fois la problématique de déstockage des biens
réglée, les prix de vente des biens manufacturiers vont cesser de
baisser et devraient amorcer une tendance à la hausse
...
Place aux forces inflationnistes du protectionnisme
...
La révolution de l’Internet et des technologies mobiles a favorisé une telle efficacité
...
En revanche, tout un ensemble de facteurs négatifs risquent au contraire
d’altérer l’innovation et, par voie de conséquence, la productivité
...
Comment et pourquoi investir à long terme quand le
139
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
court terme est si incertain et que la question de la survie même
de l’entreprise à moyen terme est posée ? Le degré d’incertitude
sur le cycle économique est tel que ces investissements de long
terme ne peuvent pas se justifier
...
Ce dernier ne s’y est pas trompé
en s’engageant sur un certain nombre de dossiers d’innovation et
de recherche
...
Privée en partie de ces investissements, l’économie dans son ensemble risque donc d’en souffrir
...
En pleine incertitude, certaines
entreprises pourront même faire le choix de garder leurs salariés
et leur matériel obsolescent plutôt que de réduire la masse salariale (avec les conflits sociaux qui en découlent) et d’investir dans
de nouvelles machines
...
À titre
d’exemple, une des grandes innovations de ces prochaines
années sera la voiture propre : c’est évidemment un progrès
formidable pour l’humanité et la planète, mais cela risque de
coûter plus cher qu’une voiture à moteur atmosphérique sans
que cela ne modifie en rien ses performances pratiques
...
Les prochaines politiques en
faveur de l’environnement auront un coût considérable : on
dépensera beaucoup (et tout particulièrement l’État qui subven-
© Groupe Eyrolles
140
Analyse et perspectives économiques et monétaires
tionnera beaucoup de projets) sans pour autant améliorer notre
bien-être immédiat
...
chapitre 9)
...
Cela va naturellement de pair avec un tassement de l’efficacité libérale au profit d’une société plus socialiste
...
Les richesses
seront plus difficiles à extraire et leur coût de production en sera
d’autant plus élevé
...
© Groupe Eyrolles
Dans un système de marché ouvert, aucun travailleur n’est payé
au-dessus de son coût marginal
...
C’est au contraire le bien-être du salarié qui devient la
priorité au détriment de l’incitation à produire
...
La baisse des devises et la hausse des matières premières
On peut également ajouter qu’une corrélation assez forte existe
entre les périodes d’inflation et les périodes de guerre
...
Si aucune causalité ne peut être établie, il
est évident que les périodes de guerre contraignent fortement le
commerce mondial (blocus, destruction ou blocage des infrastructures, dysfonctionnement de la distribution des biens et
matières premières…) et affaiblissent fortement le secteur
productif (destructions, difficulté d’approvisionnement en
matières premières, forte demande militaire…) rendant la
hausse des prix inévitable
...
Si le nombre de conflits dans le
monde venait à reprendre, comme nous l’avons mentionné dans
le chapitre 8, il y a tout lieu de penser que l’impact sur les prix
serait perceptible (notamment par le biais d’une hausse des prix
énergétiques et agricoles, cf
...
Beaucoup de pays joueront la carte de la dévaluation compétitive (voir chapitre 14) en espérant gagner quelques parts de
marchés supplémentaires
...
Comme nous le verrons dans la
quatrième partie, les matières premières devraient rester dans
un cycle favorable et certaines d’entre elles devraient même
progresser sensiblement
...
En conclusion, il ressort que la grande majorité des facteurs
déflationnistes de ces vingt dernières années (mondialisation,
dérégulation, libéralisme universel, concurrence échevelée,
progrès techniques et inventions majeures…) vont s’estomper
ou même s’inverser (protectionnisme, régulation, socialisme ou
capitalisme d’État…) alors même que d’autres forces inflation-
© Groupe Eyrolles
142
Analyse et perspectives économiques et monétaires
nistes sont déjà en place ou sur le point de l’être (cycle historique, création monétaire, environnement, matières premières…)
...
Cependant, le démarrage de ce cycle inflationniste n’est pas
encore perceptible
...
Malgré le choc conjoncturel majeur enregistré depuis septembre 2008, les prix sont restés
en territoire positif
...
Celle-ci devrait se généraliser à
l’ensemble du monde occidental mais devrait être plus marquée
dans les pays anglo-saxons
...
Les perspectives de croissance
© Groupe Eyrolles
Application de l’analyse des cycles à la croissance
L’observation de la série économique du PIB américain réel
(c’est-à-dire corrigé du phénomène perturbateur de l’inflation)
nous permet de déterminer les points hauts et les points bas du
cycle depuis le début du XIXe siècle
...
6 est une
moyenne sur quatre ans du PIB déflaté qui permet de lisser les
éventuels excès à court terme et de permettre une meilleure
143
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
lecture visuelle avec assez peu de bruits
...
4 – Creux et sommets du cycle économique américain
Cycle économique US
Creux
Sommets
1813
1819
1833
1841
1854
1869
1882
1894
1901
1911
1926
1933
1944
1949
1967
1983
1987
2012/2013 ?
On observe que la moyenne de ces cycles est d’un peu plus de
onze ans
...
© Groupe Eyrolles
144
Analyse et perspectives économiques et monétaires
Graphique 10
...
)
© Groupe Eyrolles
L’intervalle moyen entre deux creux ou deux sommets est proche
de 23 ans avec un minimum de 16 ans et un maximum de
34 ans
...
Pour aujourd’hui, il semble très clair
qu’un creux de conjoncture se mette en place avec un point bas
prévisible en 2012-2013, soit 3 à 4 ans après le démarrage de la
crise – comme ce fut le cas en 1933
...
Cela rejoint le principe
dit du double dip : deux récessions successives interrompues par
un bref retour de croissance (2010)
...
De plus, la contraction à venir du
PIB devrait entraîner une croissance moyenne sur quatre ans
négative pour la première fois depuis la fin des années 1940
...
7
...
Ces points extrêmes caractéristiques sont séparés par
une série de deux points hauts et de deux points bas successifs
...
7 – Variation du PIB réel (moyenne glissante sur 20 ans)
PIB US déflaté – moyenne mobile 20 ans
2006
1981
1956
1931
1906
1881
1856
6%
5%
4%
3%
2%
1%
0%
1831
7%
1806
(Source : National Bureau of Research and Statistics
...
Dans ces
conditions, le point haut majeur de ce cycle post-1933 serait
1987 (ou éventuellement 1979)
...
À partir de 1979 ou de 1987, cela suggère un bas de
cycle pour les années 2030 à 2040
...
Mais étant donné que la crois-
© Groupe Eyrolles
146
Analyse et perspectives économiques et monétaires
sance démographique américaine reste bien orientée (autour de
1 % par an), cela sous-entend que la croissance effective (par
habitant) pourrait être proche de zéro, comme cela a été le cas
lors des périodes de points bas de 1820 et 1933 (valeur négative
de – 0,4 %)
...
8
...
8 – Variation du PIB réel par habitant (moyenne glissante
sur 20 ans)
Moyenne 20 ans de la croissance du PIB US réel par habitant
5%
1880
1979
2030-2040
2
2000
1975
1950
1933
1
1900
1875
1850
1820
182
–1%
1800
2%
(Source : National Bureau of Research and Statistics
...
imf
...
htm)
...
Tout le monde s’attend bien sûr à une période difficile mais les
diagnostics varient
...
147
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
De plus, le coût d’adaptation aux nouvelles contraintes environnementales et démographiques va représenter une pression
croissante sur les revenus et la consommation des ménages, déjà
acculés par la masse des dettes
...
Privées de cette
manne, les économies occidentales passeront par une longue
période de purge
...
Le retour de la volatilité de l’économie
Répondant au vœu d’Irving Fisher, selon lequel les cycles économiques pouvaient être éliminés grâce à une politique efficace visant à
la stabilité des prix à la consommation, les autorités monétaires
n’ont eu de cesse, depuis les années 1980, d’agir pour baisser le
niveau de l’inflation à un seuil acceptable et stable
...
Le graphique 10
...
Jamais dans l’histoire des États-Unis et des autres
pays développés, la volatilité n’a été aussi basse
...
La même observation peut être faite au
niveau de l’inflation : la volatilité sur vingt ans est inférieure à 1 %
(cf
...
10) : du jamais vu ! La combinaison des deux
donne une volatilité du PIB nominal formidablement basse et
stable
...
Le cycle économique
étant à ce point maîtrisé que la notion de risque de l’investissement
est devenue presque sans objet
...
© Groupe Eyrolles
148
Analyse et perspectives économiques et monétaires
Graphique 10
...
)
Graphique 10
...
)
2015
1990
1965
1940
1915
1890
1865
1840
1815
0%
1790
© Groupe Eyrolles
2%
149
Creux
June 1861 (III)
December 1867 (I)
December 1870 (IV)
March 1879 (I)
May 1885 (II)
April 1888 (I)
May 1891 (II)
June 1894 (II)
October 1860 (III)
April 1865 (I)
June 1869 (II)
October 1873 (III)
March 1882 (I)
March 1887 (II)
July 1890 (III)
January 1893 (I)
© Groupe Eyrolles
December 1858 (IV)
June 1857 (II)
December 1854 (IV)
Les dates
trimestrielles
sont entre parenthèses
Pics
DATES DE RÉFÉRENCE
BUSINESS CYCLE
17
10
13
38
65
18
32
8
18
--
Pic
au creux
suivant
Pics
20
27
22
36
34
18
46
22
30
--
Les dates trimestrielles
sont entre
parenthèses
Creux
37
37
35
74
99
36
78
30
48
--
Pic
au creux
suivant
DURÉE EN MOIS
Tableau 10
...
)
22
1854-2001 (32 cycles)
Average, all cycles :
17
November 1970 (IV)
December 1969 (IV)
December 2007 (IV)
February 1961 (I)
April 1960 (II)
70,5
57
35
27
38
73
120
92
12
58
36
106
24
67
53
48
55
128
100
28
64
52
117
34
67
53
49**
56*
81
128
108
18
74
47
116
32
152
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
Analyse et perspectives économiques et monétaires
© Groupe Eyrolles
Le tableau 10
...
Depuis 1980, la durée des récessions n’a jamais été
aussi courte (9,5 mois) et surtout la durée des phases d’expansion n’a jamais été aussi longue (70 mois) avec un record jamais
égalé de croissance ininterrompue entre mars 1991 et
mars 2001 (120 mois)
...
Il faut relire Stiglitz a posteriori pour être épouvanté par ses
remarques sur la gestion de la récession de 2001-2002 par Bush
et Greenspan
...
Le problème est justement là : les banquiers centraux en ont trop
fait pour amadouer le cycle économique et le lisser
...
11 représente les périodes de récession depuis
1919
...
On constate une régularité
des récessions dans le passé avec des cycles assez précis de
quatre ans en moyenne (cycle de Kitchin)
...
On en
constate cinq au total, dont trois depuis 1982 (la troisième aurait
dû se manifester en 2005-2006)
...
Pour y parvenir, la Fed a injecté
des quantités phénoménales de liquidités qui ont permis à
chaque menace de correction cyclique de faire repartir la
croissance : ce fut le cas en 1991, 1995, 1998 et 2001
...
On
notera aussi que le lissage économique semble avoir été obtenu
au détriment d’une moindre croissance effective (cf
...
À la vue de ce
153
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
bilan, on pourrait aisément reprendre la devise de Reagan en
l’adaptant quelque peu : « La Fed n’est pas la solution, c’est le
problème ! » En tout cas, l’analyse de Keynes selon laquelle des
bulles spéculatives sur le prix des actifs pouvaient coexister avec
une stabilité des prix à la consommation s’est confirmée
...
Nous y sommes
...
11 – Périodes de récession de l’économie américaine
!
!
!
!
!
?
1919 1924 1929 1934 1939 1944 1949 1954 1959 1964 1969 1974 1979 1984 1989 1994 1999 2004 2009
Note : les points d’exclamation indiquent des absences de cycle
...
Désormais, il semble bien
que le choix des autorités monétaires est de poursuivre dans
cette voie en injectant encore et toujours des liquidités pour
sauver ce qui peut l’être
...
Les risques de voir une nouvelle bulle spéculative sur une
certaine classe d’actifs sont en revanche devenues très minces :
le meurtrier ne revient que rarement sur les lieux du crime
...
Les investisseurs sont durablement
prudents et méfiants
...
Or, comme toutes les classes d’actifs ont déjà vécu une bulle
© Groupe Eyrolles
154
Analyse et perspectives économiques et monétaires
spéculative (actions, crédit, immobilier, matières premières…),
une nouvelle bulle semble improbable
...
infra)
...
Cette impuissance se perçoit déjà : la politique du ZIRP est un premier aveu
et l’abondance de création monétaire, dont les effets ont peu de
chances d’être durables, justifie la question de la crédibilité de
l’action de la Fed
...
L’impuissance de la Fed à gérer cette crise sur le
long terme suppose que l’économie va revivre selon son propre
rythme et renouer avec une plus grande volatilité de la croissance et de l’inflation
...
En conséquence,
les primes de risque et le taux de rendement exigés par l’investisseur et l’entrepreneur resteront durablement élevés
...
© Groupe Eyrolles
Le manque de visibilité de l’économie induit par une augmentation durable de la volatilité économique sera un frein important
à la croissance : celle-ci sera donc durablement faible et volatile
...
En effet, le choc de 2008 s’accompagne d’une
chute sensible de l’inflation qui, selon les zones, franchit même
la zone négative, comme cela avait été le cas dans les années
1930 ou les années 1880
...
Le cheminement naturel de l’économie est généralement
de passer d’un état à l’autre en suivant cet ordre, comme l’indique le graphique 10
...
Cependant, il existe des exceptions
(passage de stagflation à dépression ou passage de croissance
déflationniste à croissance inflationniste…) et la durée de
chacun des états est incertaine, à l’exception des dépressions
toujours très brèves
...
12 – Principaux états de l’économie (couple inflationcroissance) et cheminements possibles
Inflation
Stagflation
Croissance
inflationniste
Croissance
déflationniste
Croissance du PIB
Dépression
Pendant l’histoire récente, le début des années 1960 fut caractérisé par une croissance sans inflation tandis que la fin des années
1960 voyait une période de croissance inflationniste suivie dès le
milieu des années 1970 par l’arrivée de la stagflation
...
Le choc de 2008 fait
basculer l’économie dans un monde dépressionnaire « soft »
(décroissance avec inflation nulle ou négligeable)
...
Une fois passé la période de dépression, le passage
à une phase de croissance faiblement inflationniste nous semble
être l’état le moins probable et, le cas échéant, le moins durable
dans le temps
...
Toutes les études de cycle que l’on a présentées sont issues de
l’économie américaine
...
Les données françaises confirment néanmoins les cycles américains mais souffrent de dilatations extrêmes dues à l’hyperinflation d’après-guerre
...
En
ce qui concerne la croissance, les syndromes sont similaires
...
Et le fardeau environnemental sera porté indistinctement par tous
...
Peut-il y avoir un découplage inflationniste ? L’Europe n’a-t-elle pas plus de chances
d’évoluer dans la déflation comme l’a fait le Japon depuis 1990 ?
157
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
La structure démographique vieillissante d’un côté et la plus
grande rigueur manifestée par la BCE sont des éléments à prendre très au sérieux
...
Les éléments structurels seront les mêmes, la dégradation du bilan de la BCE,
certes moindre, suppose des risques élevés de baisse de la valeur
de la monnaie
...
En dépit de sa hantise inflationniste, l’Europe ne devrait donc
pas être immunisée contre le risque inflationniste mais le
démarrage de la vague sera sûrement plus long à se mettre en
place et la vague devrait être moins forte
...
Le cadre conjoncturel qui accompagnera ces changements est très complexe et les excès financiers commis
pendant plusieurs décennies devront être apurés
...
L’analyse des cycles
confirme les difficultés à court terme (horizon 2012-2013) mais
dévoile aussi une lourdeur durable dans le cycle économique
...
Le spectre de la
stagflation se profile
...
L’évolution probable du taux de croissance futur a donc de fortes
chances d’être médiocre et éventuellement négatif pour un
certain nombre de pays
...
Il n’est pas anodin que le président
français ait demandé à Joseph Stiglitz d’établir un rapport sur
« la mesure des performances économiques et du progrès
social »
...
Le premier objectif avoué est d’avoir un accès à des mesures plus
fines et plus qualitatives de l’environnement économique et
social et de son évolution
...
159
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
Le nouveau paysage économique et monétaire à venir dont la
volatilité sera une des caractéristiques essentielles a tout lieu de
peser fortement sur les choix d’investissements futurs
...
© Groupe Eyrolles
160
Partie 4
© Groupe Eyrolles
Perspectives
sur les marchés financiers
Les conclusions des chapitres précédents convergent vers des
perspectives cohérentes et indiquent toutes une montée générale
des incertitudes
...
Le capitalisme
lui-même est appelé à se refonder avec plus de régulation et plus
d’État
...
Elles représenteront une ponction
importante sur la croissance en agissant souvent par à-coups
...
De plus, les risques inflationnistes liés à
la dérive monétaire aussi bien qu’aux changements structurels
de la société renforceront l’incertitude globale
...
La reprise
de l’instabilité économique et monétaire installera l’incertitude
comme déterminant clé dans la sélection et la valorisation des
actifs
...
Les conclusions des parties précédentes influencent naturellement la
réflexion qui est présentée
...
Il permet notamment d’apprécier et de comprendre les problématiques des primes de risque et, ainsi, de définir les facteurs
déterminants de l’offre et de la demande des actifs analysés
...
D’autres types de graphiques sont également utilisés
pour faciliter la compréhension de certains mécanismes ou pour
illustrer des références historiques
...
Par ailleurs, quand cela nous
est paru nécessaire et justifié, nous avons eu recours à la finance
comportementale pour mieux apprécier certains comportements ou changements prévisibles
...
Nous aborderons le marché
obligataire, les devises, les matières premières, les actions et
nous terminerons par un aperçu du marché immobilier français
...
Elles
étaient principalement rémunérées par le risque qu’elles acceptaient de prendre en prêtant à leur clientèle
...
Ces deux bouleversements ont évolué de
concert et de façon progressive jusqu’à l’apothéose de la crise
financière
...
Les banquiers étaient ravis de
pouvoir redistribuer leur risque de crédit à travers les marchés
financiers (sous forme d’obligations complexes) de façon à
augmenter leurs capacités de prêts et donc leurs profits
...
L’innovation technologique semblait ne plus avoir de limites et
les brillants « quants » français, russes ou indiens dépassaient
les bornes de l’imagination
...
L’ alphabet soup des
abréviations devenait de plus en plus indigeste, mais leur succès
était redoutable : entre 2006 et début 2007, plus de 450 milliards
de dollars ont ainsi été émis
...
Et face aux énormes profits
réalisés, les mises en garde et les remises en cause des modèles
étaient vite balayées
...
La gangrène de la peur s’attaqua aux banques
...
Il faut bien comprendre que cette bulle de technologie financière
a bel et bien explosé et que toute cette technologie est amenée à
rentrer dans le rang
...
Dans le cas présent, il est manifeste que les investisseurs ne pourront plus justifier d’investissement dans des produits opaques qu’ils ne comprennent pas et
dont ils ne maîtrisent pas le pricing, dont la fiabilité du rating est
nulle et dont la liquidité a entièrement disparu
...
Et
de façon assez générale, la majeure partie des produits comple-
© Groupe Eyrolles
164
Finance et investissement
xes dont la liquidité secondaire dépendait uniquement de la
croissance de la bulle financière est amenée à disparaître
...
Les investisseurs auront légitimement une forte méfiance à l’égard des
apprentis sorciers et reviendront sur des produits plus simples,
transparents, accessibles à une intelligence normale, disposant
d’une liquidité réelle et bénéficiant idéalement d’un marché
secondaire organisé
...
Les investisseurs vont donc privilégier les produits cotés sur des
marchés organisés ou des produits OTC simples pouvant être
compensés par une chambre indépendante de compensation
...
Les investisseurs finaux refuseront tous les risques inutiles qui, immanquablement, pourraient leur coûter leur place
...
© Groupe Eyrolles
Quelle forme d’investissement
pour demain ?
Ce qui frappe tout observateur sur la période qui s’est achevée en
2007-2008 est la fantastique appétence pour le risque qui régnait
alors
...
165
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
supra)
...
Cela suppose donc l’apurement des stratégies à effet de
levier et le nettoyage de l’ensemble des bilans des banques et
acteurs financiers
...
Pendant les prochaines années, la peur et l’incertitude resteront donc des moteurs déterminants de tout
investissement
...
Les
entrailles des marchés resteront tenaillées par la peur
...
La
défiance sera loi
...
Au contraire, l’environnement
économique dont l’instabilité sera une caractéristique majeure
induira une forte incertitude sur la pérennité des investissements
...
Comme le suggère Peter Bernstein, tous les modèles théoriques démontrant la supériorité de
telle ou telle classe d’actifs sur le long terme seront sérieusement
remis en cause et affecteront en conséquence les schémas traditionnels de l’investisseur à long terme
...
De la même façon, l’incertitude
sur la pertinence des fameux modèles d’évaluation et d’appréciation du risque des portefeuilles complète l’impression d’un véritable effondrement des critères de compréhension et d’analyse
jusque-là ultradominants
...
De nouveaux concepts verront le jour
...
Seuls le bon
sens et surtout l’exigence d’une forte rémunération du risque
dans un environnement hostile supplanteront les anciens modèles
...
Les actifs papier subiront longtemps l’hypothèque d’un éventuel
défaut de la contrepartie
...
Ils seront seuls capables
d’offrir une sécurité et une valeur concrète dans un monde
d’incertitude
...
Nous avons privilégié ce segment
pour son importance, son accessibilité et la longueur de ses
données historiques
...
L’investissement en obligations n’est
intéressant pour un investisseur que si les taux sont en tendance
baissière (appréciation du prix de l’obligation) ou si le taux
présent est suffisamment élevé par rapport à l’inflation anticipée
pour permettre un accroissement réel de sa richesse
...
Dans quel environnement sommes-nous aujourd’hui ?
© Groupe Eyrolles
Le marché obligataire combine un ensemble de caractéristiques
qui, d’emblée, ne sont guère attrayantes :
• tout d’abord, les taux sont très bas (proches des plus bas
historiques sur le 10 ans américain et peu éloigné des 3 %
sur les taux allemands – points bas historiques)
...
Une telle offre de papier
opère naturellement une pression forte à la hausse des
taux
...
L’intervention des banques centrales pour racheter de la
dette d’État ne parviendra pas à changer la demande
globale : si le marché a peu d’appétit et exige une prime de
risque plus élevée, les cours baisseront, avec peut-être un
peu moins d’entrain et de profondeur
...
Les investisseurs exigent donc une prime de risque de plus en
plus élevée afin d’intégrer ce risque
...
Enfin, comme nous l’avons vu précédemment (chapitre 10), le
scénario d’un retour de l’inflation représente un risque élevé très
défavorable aux obligations
...
L’ensemble de ces caractéristiques semblent converger vers la
même direction : soit la récession s’aggrave et le risque de défaut
augmentera ainsi que la masse des émissions, ce qui devrait
pousser à la hausse le niveau des taux ; soit la croissance revient
tranquillement avec un risque élevé de reprise de l’inflation qui
ne peut que conduire à une hausse des taux
...
Rappelons qu’en période d’inflation, comme
celle des années 1970-1980, l’investissement obligataire est un
désastre pour l’épargnant
...
Dans un contexte devenant progressivement inflationniste, le
seul investissement à considérer sur le marché obligataire paraît
être le marché des obligations indexées sur l’inflation (OATi ou
TIPS) qui assurent un rendement garanti au-dessus du niveau
de l’inflation et quel que soit le niveau atteint par cette dernière
...
C’est l’investissement à
privilégier absolument si l’inflation décolle
...
Ce schéma nous semble improbable parce que
le Japon des années 1990 était dans une situation contracyclique, c’est-à-dire qu’il bénéficiait de taux très faibles grâce à un
environnement international où l’argent coulait à flots et où le
Japon était pratiquement le seul grand État à connaître de
grands besoins de financement
...
La concurrence est considérable alors que l’argent est devenu beaucoup
plus rare et exigeant
...
Les chances d’appréciation du marché obligataire, si elles existent, nous semblent donc limitées en amplitude et en temps
...
L’analye graphique des taux longs vient la confirmer
...
1 – Taux longs américains depuis 1831
US Long-Term Rate :
16
14
12
10
8
8%–
6,5 %
6
4
2 % – 3,5 %
2
2031
2021
2011
2001
1991
1981
1971
1961
1951
1941
1931
1921
1911
1901
1891
1881
1871
1861
1851
1841
0
1831
(Source : NBER
...
Si un enfoncement momentané ne
peut être exclu, son invalidation donnerait un formidable signal
de hausse des taux longs
...
La rupture de ce dernier seuil pourrait s’accompagner d’une envolée encore plus folle au-dessus
des 10 %
...
Cela
milite donc à nouveau en défaveur de l’investissement obligataire
...
2 – Taux 10 ans américains depuis 1962
(Source : Bloomberg, Updata
...
© Groupe Eyrolles
Le graphique permet ainsi de visualiser très nettement un canal
baissier entamé en 1982 et dont les bornes ont été respectées
jusqu’en 2008
...
Devant l’énorme déficit budgétaire annoncé, les investisseurs
ont commencé à douter du paradis obligataire et ont réajusté
leur appétit, réintégrant ainsi le canal baissier
...
Souvent, les faux signaux
témoignent d’un excès de confiance ou de défiance et laissent
ensuite la place à un renversement du marché dans le sens
opposé
...
Un tel scénario
serait rendu d’autant plus crédible après la rupture à la hausse
de la zone des 3 % à 3,5 % qui devrait alors amorcer une poussée haussière des taux vers les 4 à 5 %, c’est-à-dire vers le
sommet du canal
...
supra) et des cycles de plus court terme (6-7 ans) qui
suggèrent l’imminence d’un retournement cyclique et l’amorce
d’un cycle haussier à plus long terme
...
C’est à ce moment-là seulement que des scénarios très haussiers sur les taux pourraient
devenir crédibles avec des objectifs situés entre 7 % et 10 %
...
3 – Taux à long terme en France depuis 1800
France – Taux d’intérêt à long terme
20 %
18 %
16 %
14 %
12 %
10 %
8,5 %
8%
6%
4%
(Source : INSEE, Friggit
...
Il permet de visualiser la très grande stabilité des taux sur
plus de deux siècles
...
Comme nous l’avons déjà remarqué pour les taux longs américains, on observe une cyclicité très régulière entre les creux et
les sommets de 50 à 60 ans environ, très proche du cycle idéal
de Kondratiev
...
Actuellement, les taux français se retrouvent donc très près de
leur point bas historique de 3 % et également à proximité de la
fin du cycle de baisse des taux longs entamé au début des
années 1980 (cf
...
Dans ces conditions, même si une
ultime poussée baissière n’est pas impossible sur le court
terme (2010), le potentiel de baisse additionnelle semble très
limité en comparaison du potentiel haussier envisageable
...
En effet, dans le
passé, il semble bien que la référence à l’étalon-or ait permis de
caper les taux longs à un niveau artificiellement bas
...
© Groupe Eyrolles
Si l’on tient compte de ces éléments graphiques et cycliques,
l’investissement en obligations françaises ne semble offrir que
très peu d’avantages
...
4 – Taux longs allemands (German Bund) depuis 1989
(Source : Bloomberg, Updata
...
Nous constatons que la zone des 2,75%-3% environ représente
un soutien très solide et pourrait empêcher le marché d’aller
plus bas
...
Les taux allemands se dirigeraient alors
vers le sommet de sa tendance baissière entamée en 1990
(après la chute du mur) situé entre 4 et 4,5 %
...
Un cycle régulier de 5-6 ans peut être facilement identifié
...
© Groupe Eyrolles
176
Les obligations d’État
Graphique 12
...
)
© Groupe Eyrolles
Sur ce graphique commençant en 1990, les taux longs anglais
sont visuellement intéressants : on y constate une baisse régulière en plusieurs étapes
...
Puis suit une longue phase de près de dix ans d’hésitation entre
4 et 5,5 % (de 1999 à 2007 – mouvement 4)
...
L’objectif de sortie a été très rapidement atteint à 3 %
environ
...
Cependant, un tel objectif n’est pas garanti et le marché
pourrait s’arrêter sur la zone des 3 % pour ensuite rebondir
vers les 4 %
...
177
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
Par ailleurs, selon la théorie d’Elliott, le mouvement en cinq
temps, comme nous l’avons labellisé sur le graphique, est un
mouvement complet de baisse
...
Enfin, l’analyse des cycles montre une récurrence de points bas
tous les cinq ans environ
...
Une amorce de cyclicité haussière semble donc imminente et durable (2011-2012)
...
Graphique 12
...
)
Ce graphique montre la forte décrue des taux longs japonais
depuis l’explosion de la bulle spéculative des années 1990
...
Depuis, le seuil des 1 % a été repassé à la
hausse et le marché fluctue entre 1 % et 2 %
...
Il semble
bien que la très forte concurrence des autres États pèse désormais sur le marché japonais
...
En dépit d’une
économie anémique, il semble bien qu’un retournement de long
terme soit en cours de développement
...
Sur le plan purement graphique, on peut distinguer une figure
en drapeau haussier (la forte hausse des taux de 0,5 % à 2 %
entre 2003 et 2004 constitue le mât, tandis que la phase d’hésitation et de stabilisation entamée depuis entre 2 % et 1 % formerait le drapeau en tant que tel)
...
L’objectif de cette figure se situerait vers les 6 % avec
un premier test important sur les 3 %
...
Elle
offrirait le même type d’objectifs
...
Par ailleurs, l’analyse des cycles courts, dont la durée est équivalente à celle observée sur les Bunds – soit environ 5 ans –
5 ans et demi – offre une indication très claire d’un bas de cycle
début 2009 avec une poussée ascendante à suivre vers 20112012
...
chocs pétroliers)
...
Après dix ans de hausse très forte, le marché des matières
premières avait bénéficié d’un engouement de la part de
nombreux investisseurs qui y voyaient une alternative attirante
face à un marché actions particulièrement morne
...
Dès lors que les
cours ont commencé à stagner ou à baisser, l’intérêt pour les
matières premières s’est réduit fortement
...
Du coup, de nombreux
secteurs des matières premières n’ont bénéficié d’aucun progrès
technique, d’aucune recherche spécifique
...
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
Et puis, à partir du début du siècle, la très forte demande asiatique, et tout particulièrement chinoise, a commencé à impacter
les cours des matières premières qui ont connu une ascension
marquée entre 2002 et 2008 en étant multipliés par environ 2,5
...
Encore une fois, un afflux
massif de capitaux s’est déversé vers les matières premières, à la
fois au niveau financier (investissement des hedge funds, trackers, fonds indiciels…) et au niveau de la production et de la
distribution
...
Puis vinrent le printemps et l’été
2008 où une débauche d’investissements financiers s’est abattue
sur le secteur entraînant une ultime accélération
...
Alors que la crise économique et financière
menaçait, les matières premières explosaient… Une nouvelle
micro-bulle était née ! Elle dura quelques mois à peine
...
Comme souvent après une bulle, la
punition est plus dure que le mal et les marchés reviennent audelà du point de démarrage de la bulle
...
En conséquence, beaucoup d’investisseurs ont été pris au piège : ils ont investi trop tard et ont donc,
pour la plupart, perdu de l’argent
...
Le
secteur des matières premières va donc souffrir non seulement
© Groupe Eyrolles
182
Les matières premières
© Groupe Eyrolles
de cette situation structurelle liée au credit crunch comme beaucoup d’autres secteurs économiques, mais aussi de l’effet de
l’explosion de la bulle spéculative qui refroidit une très grosse
majorité d’investisseurs qui, fort logiquement, n’aiment pas
revenir sur un marché où ils ont perdu de l’argent
...
Cela privera, encore une fois, ce
secteur des modernisations nécessaires
...
Pendant ce temps, la
demande de matières premières, après avoir subi un coup
d’arrêt brutal en 2008-2009, pourrait reprendre sa trajectoire
d’origine
...
Des secteurs comme
l’énergie ou les matières premières agricoles devraient rapidement en bénéficier (croissance des pays émergents et croissance
démographique)
...
Il faut rappeler qu’en dollars constants, les matières premières
sont aujourd’hui très bon marché
...
Et si l’on considère le sommet de 1981, il est loin
d’avoir été dépassé malgré l’engouement des investisseurs
...
Soit cela signifie
qu’elles ont peu de valeur et que leur déclin progressif doit se
poursuivre
...
Notre analyse développée dans le chapitre 9 considère que cette période est probablement finie et que la poursuite
de la croissance démographique, la montée des incertitudes
environnementales et enfin la montée progressive de l’inflation
sont autant de facteurs favorables aux biens tangibles et donc
aux matières premières
...
Une classe d’actifs pas comme les autres
L’intérêt des matières premières en tant que classe d’actifs repose
en partie sur sa réelle décorrélation avec les autres classes d’actifs
...
En revanche, un tel
environnement s’avère presque toujours favorable aux matières
premières
...
Les
biens tangibles, dont les commodités, sont très recherchés car, au
pire, ils compensent la perte de valeur de la monnaie et augmentent ainsi du niveau de l’inflation
...
Elles s’apprécient donc quand l’inflation progresse et ont aussi
tendance à prendre de la valeur en termes réels
...
Dans ces condi-
© Groupe Eyrolles
184
Les matières premières
tions, on comprend mieux pourquoi la corrélation entre les matières premières et les actions et obligations est usuellement
négative
...
Après le cycle de 1843-1864 (21 ans), le XXe siècle a vu trois
grands cycles haussiers sur les matières premières et, depuis le
début du XXe siècle, voici les principaux cycles :
1906-1923 = 17 ans
1933-1953 = 20 ans
1968-1982 = 14 ans
2000-????
© Groupe Eyrolles
Ces cycles ont une durée moyenne de 18 ans (entre 14 et 21 ans)
...
La raison de ce cycle inverse tient en grande partie
au fait qu’un cycle de hausse sur les matières premières oblige
les entreprises à réduire leurs marges ou à monter leurs prix de
vente, ce qui se traduit inévitablement par une baisse des profits
et donc de la valeur des actions
...
En considérant la période récente, le début du bear market
(marché baissier) sur les actions peut être daté du début des
années 2000 (cf
...
Selon l’analyse de Rogers, le bear market des actions pourrait donc durer 18 ans et s’étendre jusqu’à 2018 tandis que le bull
185
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
market (marché haussier) des matières premières n’en serait
aujourd’hui qu’à mi-parcours avec des perspectives de continuation jusqu’en 2016 ou 2020
...
En premier lieu, sur très long terme, une étude de
Barry Bannister comparant la performance relative des actions
américaines avec les commodités entre 1871 et 2004 valide la
décorrélation entre les deux classes, mais le graphique de valeur
relative entre les deux marchés met surtout en évidence la formidable surperformance des actions vis-à-vis des matières premières par un facteur largement supérieur à vingt fois sur la période
...
1 présente le ratio S&P/indice CRB depuis 1956
et valide exactement la même idée : entre les deux extrêmes, le
ratio s’apprécie de plus de vingt fois, autrement dit, entre 1974 et
1999, le pouvoir d’achat de l’indice S&P en indice CRB a été multiplié par plus de vingt fois…
Graphique 13
...
)
déc-16
déc-12
déc-08
déc-04
déc-00
déc-96
déc-92
déc-88
déc-84
déc-80
déc-76
déc-72
déc-68
déc-64
déc-60
100
© Groupe Eyrolles
1 000
déc-56
186
Les matières premières
Cette sous-performance éclatante des matières premières
s’explique par le fait que, sur plus d’un siècle, la rentabilité de la
production des matières premières a été extraordinairement
élevée : dans le domaine agricole, notamment, où la mécanisation, le développement de l’agriculture intensive, l’utilisation de
la chimie et de la génétique ont contribué à une formidable
baisse des prix, mais aussi dans les domaines des métaux et de
l’énergie où les techniques d’extraction et de forage ainsi que les
moyens de distribution ont favorisé l’augmentation de la
production à un coût moindre
...
© Groupe Eyrolles
Dans une perspective de très long terme, donc, les matières
premières ne peuvent constituer un bon placement
...
Ainsi, en dehors des cas de grandes catastrophes, la tendance
positive en faveur des actions vis-à-vis des commodités devrait
persister : les progrès techniques améliorent la rentabilité des
entreprises et augmentent leurs profits, permettant dans le
même temps la réduction des coûts de production ou d’extraction et les dépenses liées à la distribution
...
Cette perspective est confirmée par les performances
réelles des matières premières depuis 1957 : au début des années
2000, la plupart d’entre elles étaient pratiquement vers des plus
bas historiques et, malgré le rebond important constaté depuis
le début de ce siècle, aucune n’a encore passé le plus haut historique annuel en dollars constants (cf
...
2)
...
2 – Indice CRB en dollars constants
CRB in real terms
1 000
déc-96
déc-00
déc-04
déc-08
déc-12
déc-16
déc-96
déc-00
déc-04
déc-08
déc-12
déc-16
déc-92
déc-88
déc-84
déc-80
déc-76
déc-72
déc-68
déc-64
déc-60
déc-56
100
(Source : Commodity Research Bureau
...
3 – Platine en dollars constants
Platine
1 000
déc-92
déc-88
déc-84
© Groupe Eyrolles
(Source : Commodity Research Bureau
...
3) ou le cuivre ne sont encore parvenus à établir
de nouveaux sommets en termes réels
...
Cependant, certaines matières premières en phase
d’extinction pourraient connaître un parcours explosif, sauf si le
progrès technique offre rapidement un produit de substitution
...
Comme le confirme le graphique 13
...
© Groupe Eyrolles
Graphique 13
...
)
Si, pour des raisons de convention, il est d’usage de regarder
l’indice CRB en dollars, il convient donc aussi de le visualiser
189
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
dans sa devise d’investissement afin de corriger les effets de
change
...
La devise de référence dans laquelle les commodités sont échangées est le dollar
...
Enfin, on constate sans trop de surprise que les grands cycles
positifs sur les matières premières coïncident avec des périodes
de guerre (guerre de Sécession, Première Guerre mondiale pour
le cycle 1906-1923, Seconde Guerre mondiale pour le cycle
1933-1953, guerre du Vietnam et crise de l’OPEP pour le cycle
1968-1982)
...
Concernant le cycle présent, il semble n’avoir été,
jusqu’à présent, que le résultat d’une formidable poussée de la
demande mondiale
...
Si le cycle se poursuit, ce pourrait donc être le résultat de désordres encore plus prégnants (guerres, pandémies, catastrophes
naturelles majeures…) déstabilisant à la fois la production et la
distribution des commodités
...
Un tel retournement durable en faveur des matières
premières suppose la fin de nos repères habituels et ne peut donc
constituer qu’un scénario de risque extrême aux probabilités
© Groupe Eyrolles
190
Les matières premières
faibles
...
Si, comme nous l’avons décrit dans la troisième partie, un environnement inflationniste se développe et que, dans le même
temps, une période récessive durable se développe aussi, les
matières premières doivent constituer un investissement attractif qui devrait au moins protéger les investisseurs de la dégradation monétaire tout en offrant un réel potentiel de hausse en
termes réels
...
5) qui anticipe un rebond
sur la très solide zone de soutien long terme : après une phase de
violent nettoyage entre la fin 2008 et le début 2009, les commodités devraient renouer avec leur tendance haussière
...
Analyse graphique
© Groupe Eyrolles
Graphique 13
...
)
191
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
L’indice CRB dispose d’un très solide soutien de long terme sur
les niveaux 175-185
...
En tout état de
cause, la zone 175-200 devrait offrir une formidable zone de
rebond
...
Le
marché pourrait ainsi se contenter d’évoluer au sein de ce trading range pendant quelques années
...
Le marché de l’or
L’or est une matière première aux caractéristiques singulières :
ce métal précieux est en effet à la fois une matière première utilisée dans l’industrie, c’est aussi un métal précieux employé dans
la joaillerie et c’est enfin et surtout une réserve de valeur et, à ce
titre, il dispose de certaines spécificités réservées aux monnaies
...
De ce fait, l’or est la
seule matière première à être détenue dans les coffres des
banques centrales
...
Toutefois, d’après certaines évaluations, une partie
non négligeable aurait disparu au cours du temps et certains
experts estiment qu’il ne resterait qu’environ 100 à 120 000
tonnes effectivement disponibles
...
Il existe donc bien une quantité finie d’or disponible dont la
valeur totale serait comprise entre 3 et 4 trillions de dollars
...
Une des particularités les plus notables de la production d’or est qu’elle baisse
depuis l’année 2000 qui représente un pic historique de production à 2 600 tonnes
...
graphique 13
...
Graphique 13
...
)
Rien ne permet de prédire une baisse durable de la production
ni si le record de production de 2000 est un pic majeur
...
Le pays emblématique de la production d’or, l’Afrique du Sud, a
depuis quelques années ralenti sérieusement sa production et a
ainsi abandonné pour la première fois la première place à
l’Australie (280 000 tonnes en 2007)
...
Et la densité d’or par tonne est
presque désespérante : 4 grammes ! (alors qu’elle était de
16 grammes en 1966)
...
Les banques centrales détiennent environ 35 000 tonnes
...
Au contraire, elles voudront plutôt diversifier leurs
réserves en détenant plus d’or : seule valeur dont la qualité
intrinsèque a peu de chances de varier et dont le taux de production est très limité (comparé aux taux de création monétaire des
différentes devises)
...
Si les autorités chinoises se fixent l’objectif de 15 %
établi par la BCE, elles pourraient multiplier encore par dix leur
stock d’or
...
Elle
cherchera à renforcer ses avoirs en or et absorbera sans difficulté les ventes éventuelles des autres banques centrales et celle
programmée du FMI (environ 400 tonnes)
...
Le marché de l’or a donc peu de
chances d’être inondé par un phénomène de surproduction
...
Enfin et surtout, l’or en tant que monnaie de réserve et de valeur
© Groupe Eyrolles
194
Les matières premières
refuge ne pourra que bénéficier outrageusement d’une situation
inflationniste, c’est-à-dire de dégradation de la valeur de la
monnaie papier
...
Ceux qui l’avaient classé au rang de « vieille
relique » en seront pour leur frais
...
Face aux autres actifs
(le dollar et les actions, voir graphiques), l’or présente un attrait
essentiel : il devrait au moins préserver sa valeur réelle et a de
bonnes chances de faire beaucoup mieux
...
Ces éléments sont validés graphiquement par
l’analyse des graphiques 13
...
8 et 13
...
© Groupe Eyrolles
Graphique 13
...
)
195
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
Graphique 13
...
Sa valeur relative était donc très stable dans le temps, et ses excès de
faiblesse étaient principalement dus à une poussée inflationniste (comme en 1814, 1865 et 1920)
...
La
monnaie et l’or se confondaient, et les poussées inflationnistes
dégradaient de fait la valeur de la monnaie, et donc de l’or
...
À partir des années 1970 et de l’abandon définitif de l’étalon-or, l’or
est devenu une monnaie à part entière, concurrente du dollar
...
Ainsi, dans les années 1970, la valeur de l’or a
explosé, sortant de son trading range séculaire (entre 200 et
500 dollars)
...
Comme nous l’avons remarqué avec le graphique du ratio avec le
S&P, l’or confirme son rang de matière première particulière puisque, contrairement aux autres commodités, sa valeur réelle s’est
appréciée sur très longue période
...
Ainsi, nous pouvons penser que non seulement l’or devrait
continuer à offrir une très bonne garantie contre la dégradation
de la valeur de la monnaie (cf
...
© Groupe Eyrolles
Graphique 13
...
)
197
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
Sur le plan graphique, la situation est assez simple
...
Graphiquement, la
figure s’apparente à un très long triangle proche des figures en
biseau haussier
...
L’objectif de la figure est très ambitieux
puisqu’il se situe entre 1 800 et 2 300 dollars
...
Elle se comprend comme une
phase de simple consolidation permettant au marché de souffler avant de reprendre sa tendance majeure
...
Tant que cette zone reste support, il est légitime de rester positif
...
Le pétrole
Le pétrole est une des clés de la croissance économique
mondiale mais aussi de l’équilibre géopolitique
...
Aujourd’hui, les scientifiques reconnaissent la raré-
© Groupe Eyrolles
198
Les matières premières
faction prochaine des ressources pétrolières ainsi que la
nuisance croissante des combustions des produits pétroliers sur
l’environnement
...
Certains y voient l’aube de nouvelles industries en
forte croissance
...
© Groupe Eyrolles
Il faut en premier lieu rappeler que la production pétrolière
connaît un certain nombre d’alarmes qui sous-entendent la
proximité d’une phase de déclin
...
Par ailleurs, la thèse qu’un pic de production ait lieu prochainement ou ait même déjà eu lieu est très vraisemblable
...
En effet, la production américaine culmina en 1970 et n’a depuis
jamais cessé de décliner
...
D’après Hubbert, il s’agit d’une courbe en cloche qui doit donc
marquer un recul rapide de la production mais certains anticipent plutôt la création d’un plateau déclinant aux conséquences
moins brutales
...
Les prix n’auraient qu’une
direction possible
...
graphique 13
...
Graphique 13
...
En revanche, s’il a lieu
dans un laps de temps raisonnable (2025-2030 par exemple), les
énergies nouvelles pourraient se substituer à temps au pétrole
...
© Groupe Eyrolles
200
Les matières premières
© Groupe Eyrolles
L’évolution de la demande représente l’autre inconnue
...
Depuis l’apparition de la crise économique et l’effondrement de la production industrielle, les perspectives de croissance de la consommation sont revues à la baisse et
la consommation prévue pour 2009 a déjà intégré le choc
puisqu’elle est évaluée à environ 84 mbj
...
Le reste du monde se partage l’autre partie de la consommation (la Chine est à 6 % et la Russie est à 5 %)
...
Dans
l’ensemble, si la crise peut entraîner une stabilisation de la
consommation autour de 82-85 mbj, le risque de baisse sensible
semble, lui, relativement réduit
...
Dans les
prochaines années, la demande de pétrole pourrait donc se
stabiliser entre 85 et 90 mbj et éventuellement progresser légèrement au-dessus du seuil des 90 mbj
...
L’analyse des graphiques du pétrole (graphiques 13
...
13),
soit en prix soit en dollars constants, privilégient le développement d’un scénario haussier
...
11 – Pétrole en dollars constants 2009
100
déc-16
déc-12
déc-08
déc-04
déc-00
déc-96
déc-92
déc-88
déc-84
déc-80
déc-76
déc-72
déc-68
déc-64
déc-60
10
déc-56
(Source : CRB
...
Le phénomène de rareté semble donc loin d’avoir joué
...
12 – Évolution du cours du pétrole depuis 1986
(Source : Bloomberg, Updata
...
13 – Évolution du cours du pétrole depuis 1956 (échelle
logarithmique)
Crude Oil
1 000
400$
150$
100
40$
10$
10
© Groupe Eyrolles
déc-16
déc-12
déc-08
déc-04
déc-00
déc-96
déc-92
déc-88
déc-84
déc-80
déc-76
déc-72
déc-68
déc-64
déc-60
déc-56
1
Sur le plan graphique, le pétrole vient de connaître une violente
accélération entre 1998 et 2008, passant d’un peu plus de
10 dollars le baril à 140 dollars
...
Elle résulte de la sortie à la hausse
d’une vaste figure en drapeau dont les objectifs de long terme
sont compris entre 150 dollars (pratiquement atteints en
juillet 2008) et 400 dollars
...
La violente
rechute du pétrole s’est arrêtée au niveau de la très grosse zone
de soutien située entre 30 et 40 dollars (anciens sommets des
203
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
années 1980)
...
Par ailleurs, on constate que le marché évolue à l’intérieur d’un
vaste canal haussier dont la zone basse a été touchée fin 2008
(cf
...
12)
...
Le franchissement durable de cette résistance devrait offrir une
accélération sur la zone des 150 dollars et au-delà, potentiellement 400 dollars (cf
...
13)
...
graphique 13
...
Cette cyclicité a permis de marquer le
sommet de 2008 et devrait à l’avenir marquer des pics en 2013
puis début 2019
...
On notera d’ailleurs que les points bas
de cycle sont souvent moins précis que les pics
...
Les matières premières agricoles
Sur le long terme, les prix agricoles n’ont cessé de baisser répondant ainsi à la formidable augmentation des rendements liée au
remembrement des terres cultivables, à la mécanisation des
cultures, à l’application d’une agriculture extensive et à l’utilisation systématique des engrais chimiques
...
14
...
Si l’on
© Groupe Eyrolles
204
Les matières premières
intègre la croissance de la population mondiale, la baisse de prix
réel par habitant est considérable puisqu’elle dépasse les 5 % par
an
...
Graphique 13
...
)
Cette tendance de long terme sera-t-elle remise en cause de façon
durable ? Il est à l’évidence beaucoup trop tôt pour en discuter
...
La principale piste aujourd’hui ouverte
est celle de la génétique, qui semble provoquer plus de questions
et d’incertitudes que proposer de vraies solutions pérennes
...
La liste est longue et non exhaustive :
205
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
• augmentation des coûts de production résultant de la
hausse des prix pétroliers et impactant directement le coût
de la chimie et des produits phytosanitaires ;
• accroissement quantitatif continu de la demande (démographie, concurrence des biocarburants…) et amélioration
qualitative (augmentation de la demande en produits de
meilleure qualité : viandes, céréales, produits laitiers, produits bio…) ;
• impact inévitable et difficile à apprécier des dérèglements
climatiques et du déclin des ressources en eau sur la production (cyclones, sécheresse, inondations…) – cf
...
De
même, pour des raisons d’économie, les surfaces exploitées
en 2009 seront plus faibles de 2 % environ aux États-Unis,
ce qui réduira l’offre finale ;
• baisse sensible des stocks agricoles : pour le blé, le riz et les
céréales secondaires, le ratio stocks/utilisation au niveau
mondial est tombé à 16 % contre 32 % il y a dix ans, soit
son niveau le plus faible depuis les années 1960
...
D’ores et déjà, certains pays encadrent très durement l’exportation de leur production agricole
quand d’autres l’ont déjà interdite
...
Concernant le blé, l’analyse du graphique 13
...
Après une forte accélération dans le
courant de l’année 2008, les prix sont revenus tester la zone de
soutien des 500-550 dollars qui devrait constituer un formidable
support et permettre au marché de repartir ensuite à la hausse
vers les 1 000 dollars
...
Il milite en faveur
d’un sommet courant 2010 puis en 2017 (fin du cycle haussier de
long terme ?)
...
15 – Prix du blé depuis 1956
Wheat / Blé
1 000
550
250
(Source : CRB
...
16 est sur le long
terme assez proche de celui du blé : accélération à la fin des
années 1960 jusqu’au début des années 1970, suivie d’une
longue période de gestation entre 1973 et 2005 s’achevant par
une nouvelle accélération permettant de sortir du triangle ascendant de long terme et générant ainsi un très fort signal haussier
de long terme dont l’objectif se situe entre 700 et 850
...
16 – Prix du maïs depuis 1956
Corn/Maïs
1 000
800
400
200
déc-16
déc-12
déc-08
déc-04
déc-00
déc-96
déc-92
déc-88
déc-84
déc-80
déc-76
déc-72
déc-68
déc-64
déc-60
100
déc-56
(Source : CRB
...
Les
déterminants du taux de change entre deux devises dépendent
de paramètres économiques simples (observations et perspectives des écarts de croissance économique, de taux d’inflation et
de création monétaire, de taux d’intérêt à court et long terme, de
volatilité de l’économie, d’équilibre des comptes…), de considérations sur la stabilité politique des pays considérés (notion de
prime de risque) et enfin d’éléments parfois imprévisibles sur les
flux d’actifs (balance commerciale et des capitaux, opérations de
couverture de change de la part des entreprises pour des opérations commerciales ou de haut de bilan…)
...
Enfin, le marché des changes est celui où le flux
d’informations est colossal et où il n’existe pas d’avantage
informationnel : tout le monde dispose de la même information
au même moment
...
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
Une grande majorité d’intervenants reconnaissent ainsi avoir
une confiance modérée dans l’analyse économique et fondamentale et c’est très certainement pour cela que le marché des changes est aussi connu pour être celui où les utilisateurs de l’analyse
technique sont très majoritaires
...
L’objectif est donc plus de préciser les
déterminants qui pourraient peser sur les principales devises et
d’apprécier dans quelle mesure l’analyse graphique permet de
dégager des tendances de long terme
...
La politique du taux zéro (ZIRP) est devenue une quasiconvention dans les pays du G7 (la BCE faisant figure de
« grande originale » avec des taux à 1 % ou 0,75 %)
...
Alors que de nombreuses
positions longues de dollars ou d’euros et vendeuses de yens ou
de francs suisses étaient initiées pour capter le différentiel de
taux de change entre 2004 et 2008, l’aplatissement des écarts de
taux rend caduc ce type d’opération
...
Deuxième bouleversement : l’explosion des déficits budgétaires
dans la majorité des grands pays fait renaître l’existence d’un
risque pays sur certaines grandes devises
...
Ce risque de défaut est plus ou moins marqué selon
les pays et les devises
...
Cela
fait resurgir le problème de la pérennité de l’euro, bâti sur un
ensemble de pays hétéroclites dont les plus faibles menacent
directement l’équilibre de l’édifice
...
Par exemple, le Japon, structurellement excédentaire en
termes de flux de capitaux, est devenu déficitaire du fait de
l’effondrement de ses exportations
...
D’autres pays exportateurs
souffrent aussi brutalement de l’effondrement du commerce
mondial (Allemagne notamment)
...
La création
monétaire qui s’ensuit, et dont le contrôle devrait s’avérer un
exercice incertain, discrédite la valeur de chacune des monnaies
considérées
...
Enfin, cinquième métamorphose sur le marché des changes : la
hausse historique de la volatilité
...
Cette volatilité ainsi qu’une certaine dégradation de la
liquidité (disparition d’un certain nombre d’intervenants) sont
amenées à perdurer dans le temps
...
parties 2 et 3) ainsi
que d’une plus grande versatilité des intervenants
...
Les devises phares menacées
Le dollar américain semble durablement menacé par la très
forte création monétaire de la Réserve fédérale ainsi que par la
volonté insistante de la plupart des intervenants de diversifier
leurs actifs monétaires en réduisant leur détention de dollars et
en ayant recours à d’autres devises de paiement
...
chapitre 9) devrait renforcer ce processus
...
Il y a au
Japon une équation intenable qui ne peut conduire qu’à un affaiblissement de sa devise
...
Elle subit également de plein fouet l’aggravation de ses déficits et de sa dette
ainsi que l’explosion de sa masse monétaire et des risques inflationnistes qui l’accompagnent
...
Le franc suisse souffre de la fragilisation de son système
bancaire
...
De plus, le statut de paradis fiscal est de plus en plus mis sous
pression et porte préjudice au marché très lucratif des banques
privées
...
Le franc suisse pourrait ainsi perdre son
statut de valeur refuge
...
Que se passerait-il si l’un de ses maillons faibles, ceux que les
Anglais appellent avec délicatesse les PIIGS (Portugal, Italie,
Irlande, Grèce et Espagne), devait faire défaut ? Ou si l’un des
pays demandait à quitter l’euro (ce serait certainement un désastre pour un pays faible, mais un pays fort – Autriche ? – pourrait
tenter une aventure d’isolement) pour récupérer plus de
flexibilité ? Les incertitudes sont là et seront d’autant plus considérables que le crise sera forte
...
L’incertitude
sur l’euro pourrait planer un certain temps jusqu’à ce que
l’Europe (ou la BCE) confirme, par l’action, son unité et une
totale solidarité
...
Ma conviction est que le dollar devrait
être à terme fortement pénalisé
...
213
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
L’attractivité des devises émergentes
En revanche, si aucun élément majeur – autre qu’une simple
conviction – ne peut être présenté en faveur ou en défaveur
d’une des grandes devises traditionnelles, certaines devises
émergentes présentent toutes les caractéristiques d’une revalorisation durable (parmi elles, le renminbi chinois, le real
brésilien, la roupie indienne, et éventuellement le dollar
australien et le rouble russe)
...
Il
vaut mieux aujourd’hui être investi en reals brésiliens, en
dollars australiens, etc
...
En dépit
d’une volatilité élevée sur ce type de devises, la performance
long terme devrait être au rendez-vous
...
Analyse graphique
L’analyse graphique des principales devises permet de déceler
un certain nombre de perspectives qui seront présentées plus
bas
...
1 – Dollar index
(Source : Bloomberg, Updata
...
Le dollar index baisse tendanciellement depuis les années 1970
mais de façon très contenue
...
© Groupe Eyrolles
L’enfoncement haussier des 90 pourrait alors offrir une ultime
salve de hausse jusqu’à la zone des 100 (vers la tendance baissière de long terme) qui devrait constituer un obstacle majeur
avant la rechute vers la zone basse, certainement sous le seuil
des 70
...
215
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
Graphique 14
...
)
Le graphique de l’euro contre dollar recalculé sur longue
période à partir du franc français montre une progression permanente du dollar contre euro jusqu’à 1985
...
À partir de 2007, l’euro a franchi le sommet de 1995
confirmant ainsi l’existence d’une tendance haussière long
terme pour la première fois depuis le déclin européen
...
Sur du très long terme, la
rupture de la zone de résistance clé des 1,60 validerait le principe d’un retournement de long terme ouvrant la voie à une
poussée haussière au-delà des 2,00, du jamais vu depuis la fin
de la Seconde Guerre mondiale…
© Groupe Eyrolles
216
Graphique 14
...
)
© Groupe Eyrolles
Sur longue période, la tendance est très clairement en faveur de
l’euro
...
Depuis les années 1970, la parité évolue à l’intérieur d’un vaste
canal haussier dont le sommet a été atteint en 2008 vers 1,60
avant de connaître une forte correction dans le deuxième
semestre 2008
...
PIIGS) justifient en grande partie ce
mouvement
...
Tant que cette droite intermédiaire tient (au-dessus de 1,25), la
tendance demeure haussière et pourrait accélérer à nouveau en
cas de franchissement de 1,45
...
infra
...
4 – Dollar-yen
(Source : Bloomberg, Updata
...
La valeur du yen, écartelée entre des pressions
favorables (excédent de la balance des paiements) et des forces
négatives (faiblesse structurelle de la croissance économique et
des taux d’intérêt), est restée finalement assez stable au cours
de ces dernières années
...
Le déclenchement de la crise a
permis une sortie à la baisse du trading range sans pour autant
© Groupe Eyrolles
218
Les devises
déclencher de véritable mouvement baissier
...
En revanche, si le seuil des 105 est clairement réintégré, cela
devrait permettre un retour vers les 125 et sûrement au-delà :
la dépréciation du yen serait alors durable
...
5 – Euro-yen
(Source : Bloomberg, Updata
...
Depuis 2000 jusqu’en 2007, l’euro est remonté de façon très
nette jusqu’à revenir sur le sommet de son canal baissier
...
La zone 115-125 devrait offrir un support important permettant
d’amorcer un rebond
...
Le passage au-dessus de cette zone validerait le prin-
219
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
cipe d’un retournement de long terme (validation d’un possible
tête-et-épaules et sortie du canal baissier) avec des objectifs
vers 220-250
...
Graphique 14
...
)
Le câble évolue à l’intérieur d’un vaste trading range depuis le
début des années 1980 entre 1,40 et 2,00 avec une très belle
zone intermédiaire située vers 1,70
...
Ainsi, tout le terrain conquis entre 2001 et 2007 a été perdu en quelques mois
...
En revanche, toute rupture claire de
1,40 suggérerait une accélération baissière vers la parité (plus
bas historique de 1985), voire éventuellement plus bas
...
7 – Dollar-real brésilien
(Source : Bloomberg, Updata
...
Après la crise russe de 1998 et la défiance
vis-à-vis des monnaies exotiques, le real a commencé à attirer
les investisseurs au début des années 2000
...
La crise financière a déclenché la sortie de nombreux investisseurs avides de liquidités et effrayés par le retour du risque
pays
...
Une correction de 62 % du mouvement
pourrait même permettre un test des 2,75
...
Un nouveau mouvement de
baisse du dollar contre real est donc à prévoir
...
Un objectif vers la parité ne serait donc pas à
exclure
...
Les cours des
actions ont explosé comme jamais auparavant et certains
concepts ont été revisités pour adapter la théorie à l’observation
...
Beaucoup de prévisionnistes établissent des scénarios à
l’aune de ce qui s’est passé sur la période récente, c’est-à-dire
depuis les années 1980-1990
...
Dans ce contexte, un ensemble de fausses vérités sont énoncées
qui ne correspondent à rien si on les replace dans une perspective de long terme
...
Pourquoi ?
Parce que depuis les années 1980 le PER du marché américain
s’est promené entre 15 et 25 avec une incursion au-delà des 30
au début des années 2000, comme l’indique le graphique 15
...
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
Donc, sur ces bases historiques, un PER de 12 est une opportunité
...
Rien n’exclut en effet de revoir le
PER du marché passer sous le seuil des 10 et en deça comme
c’était le cas avant les années 1980
...
1 – Indice S&P et évolution du PER du S&P
1980
2000
(Source : Bloomberg, Updata
...
En effet, depuis trente ans, les
investisseurs actions achetaient des actions non pour leur dividende mais pour leur capacité à réaliser des gains en capital
...
Ainsi, alors que les entreprises enregistraient des
profits records, les cours explosaient mais les taux de dividendes
restaient d’une maigreur famélique : à moins de 2 % sur le S&P
et toujours en dessous du taux des obligations d’État
...
Là encore, les choses changent et bougent très vite
...
graphique 15
...
Ce n’est sûrement pas un phénomène atypique
mais très certainement l’amorce d’un changement complet de
perspective sur les marchés actions
...
On peut imaginer les taux de dividende évoluer de 3 à 8 % au gré des profits réalisés, de l’inflation
et du niveau des taux longs
...
2 – Taux de dividende des actions comparé aux taux
des obligations américaines
© Groupe Eyrolles
(Source : Robert Armott, Journal of Indexes, Robert Schiller, Financial Times
...
Celui-ci restera très prudent sur les perspectives de gains en capital, réputés incertains et volatiles, il exigera
au contraire des éléments tangibles qui lui permettront de rentabiliser son investissement sur du long terme
...
Les perspectives économiques étant devenues très difficiles et la visibilité s’étant en partie évanouie, l’investisseur
exigera logiquement une prime de risque élevée
...
Celui-ci demandera donc légitimement un
dividende nettement supérieur aux taux longs
...
Graphique 15
...
)
Le grand retour des obligations d’entreprises
Par ailleurs, les actions devront faire face à la concurrence des
obligations émises par les entreprises
...
L’écart de rendement pour des signatures BAA n’a
© Groupe Eyrolles
226
Le marché actions
jamais été aussi élevé depuis les années 1930 à plus de 5 % au
début 2009 (voir graphique 15
...
Graphique 15
...
)
L’avantage des obligations est considérable pendant ces périodes
troublées : le capital est garanti, le rendement est très attractif et,
si l’entreprise fait faillite, le créancier est prioritaire
...
C’est pourquoi la préférence des investisseurs pour les obligations d’entreprises est très forte et certainement durable
...
De plus, dans le contexte actuel, le coût d’une émission d’actions
est très élevé
...
Dans ces conditions, l’entreprise n’est elle-même
guère motivée pour augmenter son capital
...
Les obligations d’entreprises
devraient donc connaître un essor important (au même titre que
les dérivés de crédit) au détriment de la partie actions
...
Volume et durée de détention des actions
Une des conséquences probables de ces changements dans la
façon même de penser le concept du marché des actions est
l’augmentation de la durée de détention de ces dernières
...
L’impact
sur l’activité des brokers actions sera lourd : les transactions
vont progressivement diminuer et leurs recherches sur les sociétés cotées deviendront inutiles pour motiver les investisseurs
...
5 illustre parfaitement cette situation : il
montre l’évolution des volumes traités sur les actions par
rapport à la capitalisation boursière totale
...
Ce ratio
permet de bien établir l’existence d’une fièvre spéculative depuis
les années 2000 que le krach des actions technologiques ne
semble pas avoir arrêté
...
© Groupe Eyrolles
228
Le marché actions
Graphique 15
...
net
...
graphique 15
...
En d’autres termes, la durée de détention
semble être en partie fonction du degré spéculatif du marché
...
Quand la spéculation se dérobe et laisse la place à une certaine prostration voire
à un certain désintérêt, il y a tout lieu de penser que les investisseurs recherchent moins le gain en capital mais visent principalement la sécurité de leur investissement
...
Cela a
également le mérite d’être très cohérent par rapport à notre
analyse sur l’évolution des dividendes
...
6 – Durée de détention moyenne d’un titre du NYSE
en nombre d’années
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
1920 1925 1930 1935 1940 1945 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005
(Source : Société Générale Equity Research, James Montier
...
Les taux d’intérêt étaient trop
bas pour que les obligations ou les fonds monétaires attirent les
capitaux, et la perception du risque actions avait considérablement baissé
...
Le graphique 15
...
Il permet également de visualiser que, pour la
première fois depuis plus de quinze ans, le total géré des fonds
© Groupe Eyrolles
230
Le marché actions
actions passe sous celui des fonds monétaires
...
En dépit de la très faible rentabilité des fonds monétaires, cette tendance a de fortes chances de se poursuivre au cours
des prochaines années
...
7 – Évolution des actifs gérés par les fonds actions et par
les fonds monétaires américains (en millions de dollars)
8,000
7,000
6,000
5,000
Total des actifs
en fonds actions
4,000
3,000
2,000
Total des actifs
en fonds monétaires
1,000
0
84
87
90
93
96
99
02
05
08
© Groupe Eyrolles
Analyse du marché américain
Le marché actions américain est la référence absolue de
l’ensemble des marchés actions mondiaux
...
De plus, le marché américain dispose de longues séries qui
permettent d’établir des scénarios graphiques de très long terme
très utiles
...
Puis nous montrerons ce que l’analyse
231
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
des cycles et des précédents bear markets peut nous enseigner
...
Environnement fondamental médiocre
et tension des primes de risque
Les perspectives données dans la troisième partie ne sont guère
encourageantes pour la croissance des économies occidentales
et donc pour les espérances de profit des entreprises
...
Si le PIB décroche et reste
bloqué vers le zéro (voire en deçà), cela signifie que les profits
subiront le même chemin
...
Le graphique 15
...
Après les excès de 2000, le marché revient
en zone basse
...
En résumé, les perspectives de taux de croissance des profits
sont moroses, voire négatives
...
C’est donc synonyme de marché plat (au mieux) et plus probablement de
marché baissier : le bear market est encore en place pour longtemps, et c’est tout particulièrement le cas en termes réels
...
En
prix nominaux, l’inflation peut, grâce à son voile, permettre aux
marchés de baisser sans que cela se voie et donner ainsi l’illusion
d’un flat market
...
8 – PER glissant du S&P
50
2000
45
1981
40
1929
Price-Earnings Rails
35
30
25
Price-Earnings Rails
1901
1966
20
15
13,38
1921
10
5
0
1860
1880
1900
1920
1940
1960
1980
2000
2020
(Source : Robert Schiller
...
Cependant, l’histoire montre qu’après un excès significatif (et 2000 en était un), le PER tend à se diriger vers des zones
très basses (jusqu’à 5)
...
Dans ce
contexte, la baisse des actions aurait de beaux jours devant elle
...
Il faudrait donc attendre 20302035 pour voir une nouvelle vague d’euphorie se matérialiser
sur les marchés actions
...
233
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
Le cycle baissier commence en 2000
À première vue, et surtout si l’on regarde le graphique du Dow
Jones, on peut penser légitimement que le bear market
commence en juillet 2007 puisque c’est à ce moment-là que le
Dow Jones effectue un sommet historique
...
En effet, tous les autres indices boursiers sont restés sous les sommets des années 2000 (le S&P a tout
juste flirté avec les 1 550 sans pour autant les franchir)
...
Par ailleurs, considérer que le sommet des marchés actions a eu
lieu en 2000 correspond à une réalité : la bulle spéculative des
valeurs technologiques ainsi que la survalorisation de l’ensemble
des actions (niveau de PER historique, prime de risque historiquement basse…) se sont arrêtées en 2000 (cf
...
8)
et aucun excès palpable n’a véritablement repris l’ascendant du
marché
...
Les marchés, eux, sont restés relativement prudents, refusant de
s’emballer
...
Voilà pourquoi le point de départ du bear market commence
effectivement en 2000
...
Tout d’abord, il nous est
apparu intéressant d’analyser les précédentes périodes baissiè-
© Groupe Eyrolles
234
Le marché actions
res pour voir comment le marché s’était comporté et combien de
temps elles avaient duré
...
Depuis la création de l’indice Dow Jones en 1896, on dispose de
trois exemples de bear market
...
Nous avons encadré les cas historiques sur le
graphique 15
...
Graphique 15
...
)
Le premier type de bear market est celui qui suit la crise de 1929
et qui se prolonge pratiquement jusqu’en 1942
...
Ce n’est
qu’à partir de cette date (qui correspond aussi à la date d’entrée
en guerre des États-Unis dans le conflit mondial) que les pers-
235
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
pectives ont changé et qu’un vrai marché haussier s’est mis en
place
...
Cependant, si l’on examine l’évolution de l’indice réel, on s’aperçoit que
l’indice reste faible jusqu’en 1948, le véritable décollage ne
commençant qu’après 1948
...
Le deuxième cas de bear market est celui intervenu de
février 1966 à août 1982
...
Les variations sont donc mesurées mais nombreuses, marquant l’indécision du marché
...
C’est
seulement après l’été 1982 qu’une tendance haussière durable se
dessine
...
La durée
totale de ce bear market est de seize ans et six mois
...
Adapté à la situation d’aujourd’hui, le bear market pourrait donc
légitimement durer un minimum de treize ans, c’est-à-dire se
prolonger jusqu’en 2013-2015
...
C’est donc, dans ce cas, au
moins vingt ans de bear market et potentiellement trente ou
quarante ans… Si l’on se concentre sur le cas du marché français, on observe plusieurs situations de cycle baissier : 18571871 ; 1882-1921 ; 1929-1940 ; 1961-1978
...
La perspective d’un grand bear market de plus de vingt ans ne peut donc
être totalement exclue, d’autant plus que, dans une perspective
historique, le XXe siècle semble avoir été particulièrement favorable, ce qui a peu de chances de se reproduire ce siècle-ci
...
Le cycle de Martin Armstrong
Martin Armstrong, personnage pour le moins controversé et
faussaire de haut vol, dit avoir trouvé un cycle parfait de
8,6 années en partant d’une hypothèse très naïve : il a observé la
période 1683-1907 (deux dates marquées par des crises boursières) et a ensuite divisé la durée entre ces deux dates (224 années)
par le nombre de paniques boursières observées sur la période
(26 au total)
...
Il fait alors
un certain nombre de constatations, notamment que six périodes de 8,6 années ont une durée de 51,6 années très proche d’un
cycle type de Kondratiev
...
© Groupe Eyrolles
Il décompose son cycle en plusieurs phases (un premier représentant 1/4 du cycle suivi par quatre périodes d’une durée de 1/8
de cycle – soit environ un an chacune – terminées par une
dernière période de 1/4 de cycle)
...
En sera-t-il de même pour l’avenir ? Pour autant,
la synchronicité de ces cycles n’est pas nécessairement très claire
(1907 ne cale pas avec 1929 mais avec 1932, puis c’est un peu la
même chose avec les dates qui suivent)
...
15), ce qui n’est guère éloigné de la réalité et
suggère un bas de cycle en 2011
...
Un tel déterminisme dans
les cycles me paraît improbable, le risque étant de trouver à
certains moments des inversions de cycles, comme cela semble
237
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
avoir été le cas au premier trimestre 2009 où un point extrême a
effectivement été trouvé, mais à l’opposé du cycle d’Armstrong
(un point bas majeur au lieu d’un pic…)
...
10 – Cycle d’Armstrong
1989,95
1987,8
1988,8
1985,65
1998,55
1992,1
1996,4
1991,02
1997,4
1994,25
2015,75
2007,15
2000,7
2005
1999,6
2002,85
2006,1
2009,3
2013,6
2008,2
2011,45
2014,67
2024,35
2017,9
2022,2
2016,82
2020,05
2026,5
2023,27 2025,42
2028,65
(Source : Princeton Economic Institute
...
Pendant sa retraite, il étudia les causes et le timing des fluctuations économiques
...
Le cycle de
Benner est un cycle de neuf ans incluant des déviations de plus
ou moins un an
...
J
...
Au
final, un grand cycle intégrant ces trois séquences a une durée de
54 ans, exactement la durée type d’un cycle tel que mentionné
par Kondratiev
...
Le
graphique 15
...
© Groupe Eyrolles
238
Le marché actions
239
2010
8
2018
2000
10
8
1991
9
1983
1973
10
2011
1995
1975
1957
18
2021
18
2003
16
1987
20
1967
1949
1933
9
18
1941
16
8
1964
1956
1946
10
16
20
1913
9
20
1921
1903
18
8
1937
10
1929
9
1919
8
1910
1902
Graphique 15
...
TROUGHS: 16-18-20, repeat
...
Le cycle fonctionne bien, notamment pour ce qui est du sommet
de 2000 et du creux de 2003
...
Le reste du cycle peut être conservé
...
De plus, sur la période 1982-2000,
le cycle haussier est tellement fort qu’il est difficile de retenir des
points extrêmes
...
Très peu d’erreurs notables sont à reprocher
...
graphique 15
...
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
2007
8
2018
2021
2009
ou 2011
7
18
2003
16
1995
2000
Graphique 15
...
Par ailleurs, la
durée moyenne des bear markets historiques semble converger
vers cette durée, et cela est par ailleurs cohérent avec ce que
nous avons constaté sur les matières premières au chapitre 13
...
Analyse graphique du marché américain
Graphique 15
...
)
© Groupe Eyrolles
240
Le marché actions
Le canal haussier de long terme est particulièrement édifiant
...
La dernière phase d’accélération haussière a permis au S&P de tester le sommet de son
canal pour ensuite buter sur le seuil des 1550 à deux reprises en
2000 et 2007
...
En
dépit de la réintégration de ce seuil dans le rallye qui a suivi,
l’analyse graphique milite très fortement pour un retour sur le
fond du canal haussier situé actuellement sur la zone des 500
...
Le premier, le plus probable, suppose une reprise de
la baisse, l’enfoncement des points bas de 2009 vers 675 et la
chute vers le fond du canal vers 500
...
Si cette stabilisation dure deux à trois ans, le fond du canal
pourrait être touché à plat (de façon horizontale, par opposition
à un mouvement vertical)
...
241
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
Graphique 15
...
On voit l’accélération de la fin du millénaire et la sortie du canal
haussier
...
Le scénario représenté en pointillé sur le graphique présente
ainsi une dégradation lente jusqu’à 2017 environ, c’est-à-dire
une durée approximativement équivalente à celle du bear
market des années 1930
...
© Groupe Eyrolles
242
Le marché actions
Graphique 15
...
Cela permet de visualiser la vraie valeur ajoutée de
l’indice par habitant
...
Ainsi, entre le sommet de 1929 et celui des
années 1960, le S&P par habitant est quasiment identique
...
Cette exagération confirme le degré extrêmement spéculatif des marchés
actions sur la période
...
Historiquement, une correction par un
facteur 3 a pu être constatée
...
15 – Décomposition elliottiste long terme
sur le Dow Jones depuis le XXe siècle
(Source : Bloomberg, Updata
...
Le principe d’alternance des vagues de correction II et IV est bien respecté : vague
ultra-destructrice pour la vague II et vague plate et longue pour
la vague IV
...
Cela confirme donc
la force du dernier cycle haussier
...
supra)
...
La grande vague de correction qui s’est mise en place depuis
2000 est donc complexe (le fait que la vague B dépasse l’ancien
sommet confirme le principe de vague irrégulière)
...
En temps, cela pourrait
correspondre à 23 % ou 38 % du bear market (soit entre 25 et
40 ans environ)
...
Néanmoins, une rechute vers les 4 000 points sur le Dow serait
assez probable
...
14 détaille l’évolution que pourrait prendre cette vague de correction
...
Graphique 15
...
Celle-ci serait complexe et développerait une figure de type
triangulaire en cinq temps
...
Le
marché repartirait ensuite à la baisse pour former la vague 3
...
La durée totale de
la vague C pourrait approcher une dizaine d’années
...
Un bear market est généralement
composé de trois étapes psychologiques :
• la première phase de baisse s’interprète comme une correction à l’intérieur d’un marché haussier
...
Au contraire, ils font par la
suite plusieurs tentatives et le marché peut remonter assez
significativement, faisant oublier les craintes initiales ;
• quand la deuxième salve de baisse se produit, le marché est
pris violemment à revers, et une véritable panique s’en
empare
...
Les
mouvements haussiers qui suivent ce choc baissier ne convainquent personne et sont essentiellement le fruit de
rachat de positions vendeuses ;
• les mouvements de reprise de la baisse qui se développent
ensuite se font dans l’apathie générale
...
Ils sont foncièrement découragés
...
Graphique 15
...
Mais heureusement, David Le Bris, étudiant en économie à Paris IV, a produit un travail remarquable et utile en
reconstruisant un indice CAC 40 depuis 1854 en utilisant des
critères de calcul et de sélection des quarante valeurs extrêmement proches de ceux utilisés aujourd’hui dans la composition
du CAC 40
...
Une remarque sur les performances de long terme de l’indice
parisien comparées à celles de son homologue américain : elles
sont très décevantes
...
La
France a été une zone d’investissements décevante et elle le doit
principalement aux conséquences destructrices des deux guerres
...
Le poids de la Bourse dans l’économie n’a, contrairement aux
pays anglo-saxons, jamais été très significatif
...
18, la moyenne de la capitalisation boursière des
quarante plus grosses valeurs représente environ 20 % du PIB
(de 1854 à aujourd’hui)
...
18 – Capitalisation boursière des actions du CAC 40
en pourcentage du PIB
90 %
Capitalisation du Cac 40 rapportée au PIB
80 %
70 %
60 %
50 %
40 %
1998
36 %
1982
36 %
30 %
10 %
1951
1,85 %
1983
2,18 %
0%
(Source : D
...
)
© Groupe Eyrolles
20 %
18
18 53
57
C
a
18
61
18
65
18
69
18
73
18
77
18
81
18
85
18
89
18
93
18
97
19
01
19
05
19
09
19
13
19
17
19
21
19
25
19
29
19
33
19
37
19
41
19
45
19
49
19
53
19
57
19
61
19
65
19
69
19
73
19
77
19
81
19
85
19
89
19
93
19
97
20
01
20
06
20
09
248
Le marché actions
Après l’élection de François Mitterrand et le vaste programme de
nationalisations, ce ratio est proche de 2 %
...
La crise économique
et financière devrait logiquement faire revenir ce ratio sous les
40 % et un retour vers la moyenne historique des 20 % ne peut
être exclu
...
Certaines entreprises disparaîtront de la cote, de
gré ou de force (nationalisations, faillites, rachat du flottant par
l’entreprise…)
...
L’arrivée d’une ère plus
étatique confirme cette prévision (cf
...
Graphique 15
...
Le Bris
...
19, est assez édifiante : depuis 1854, on peut iden-
249
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
tifier cinq grandes phases de hausse (1871-1882 ; 1921-1929 ;
1936-1943 ; 1951-1961 ; 1978-2000), chaque fois de plus en plus
dynamiques et assez brèves (entre sept et dix ans, à l’exception
de la dernière d’une durée exceptionnelle de 22 ans) et interrompue par des corrections très sévères mais également courtes en
temps (à l’exception de la très longue correction 1882-1921)
...
L’intégration des dividendes
La performance brute du CAC 40 pourrait sembler assez décevante, mais il convient de souligner le fait que cet indice ne
prend pas en compte les dividendes versés
...
20
mentionne justement les taux de dividendes versés chaque
année par les entreprises du CAC 40
...
La performance
annuelle moyenne est pratiquement doublée (elle passe d’environ 4 % à près de 8 %), soit un taux nettement supérieur au taux
moyen de l’inflation situé pour sa part à 5,7 % ainsi qu’au taux de
rendement moyen d’un investissement obligataire (5,8 %)
...
Dans ces conditions, l’absence de
tendance sur l’indice est largement compensée par le rendement
offert, et ce, d’autant plus que l’inflation sur la période est quasiment nulle
...
Ce schéma historique
© Groupe Eyrolles
250
Le marché actions
semble donc confirmer l’analyse sur les dividendes selon laquelle
le taux de dividende a de très fortes chances de remonter sensiblement
...
L’intégration de dividendes nettement plus attractifs devrait donc à l’avenir tempérer les perspectives maussades établies à l’aide de l’analyse graphique
...
20 – CAC 40 et taux de rendement du CAC 40 (%)
CAC 40
Rendement du CAC 40
(taux de dividence)
Baisse tendancielle
du rendement
© Groupe Eyrolles
(Source : D
...
)
Le graphique 15
...
Il permet de bien visualiser la nette surperformance des actions sur l’obligataire
...
Pendant cette période, les deux
classes d’actifs sont sorties littéralement du cadre en accélérant
au-delà des vitesses jusque-là connues alors que l’inflation était
très modérée
...
Il devrait donc s’accompagner d’une longue période
de stabilisation ou de correction
...
Dans le passé, l’investissement en actions
n’a jamais été très performant en période inflationniste et, même
s’il s’avère meilleur que les obligations, il ne devrait guère être
attractif et a peu de chances de protéger l’investisseur de la
dégradation de la valeur de la monnaie
...
21 – Performances d’un investissement en actions
et en obligations depuis 1854
(Source : INSEE, Friggit, Banque de France, D
...
)
Volatilité à long terme
Le graphique 15
...
En 2007, pour la
première fois depuis les années 1930, la moyenne de la volatilité
historique sur quatre ans passait sous le seuil de soutien des
14 %
...
La dislocation du marché actions qui a suivi en 2008 a
conduit à un renversement brutal de la volatilité qui entraînait
ainsi une réintégration au-dessus des 14 %
...
La moyenne glissante sur quatre ans a ainsi de fortes chances de
retester la zone de résistance supérieure située vers 26 %
...
(Source : D
...
)
Analyse graphique
Graphique 15
...
Le Bris
...
22 – Volatilité du CAC 40 sur 4 ans glissants
36
31
26 %
26
21
16
14 %
11
6
1
253
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
D’après le graphique 15
...
On constate que la
hausse de la fin du millénaire a conduit à une sortie à la hausse
de ce canal
...
Cela
serait confirmé par une nouvelle clôture mensuelle sous les
2 800
...
Cette baisse pourrait s’étaler sur plusieurs années, comme
nous l’avons vu avec le marché américain
...
Graphique 15
...
Le Bris
...
25 – Analyse graphique du CAC 40 (version « soft »)
10 000
1 000
Cac 40
1 350
2014
2024
1944
1954
1964
1974
1984
1994
2004
1854
1964
1874
1884
1894
1904
1914
1924
1934
100
(Source : D
...
)
© Groupe Eyrolles
Le schéma alternatif présenté ici montre le développement
d’une configuration de type « drapeau de consolidation »
...
Il pourrait certes revenir près des 2 000 points mais ne
devrait pas enfoncer ce seuil
...
Après avoir accompli un cheminement hors du commun depuis
les années 1980, le CAC 40 est entré en période digestive, ce qui
pourrait l’amener à poursuivre la correction entamée en 2000 et
reprise en 2007
...
Cette baisse additionnelle
devrait s’accompagner d’une augmentation significative des taux
de dividendes et pourrait s’étendre jusqu’à la période 2015-2020
...
Toutefois, il convient de rappeler que le
marché français n’a pas connu les exagérations de ses homologues anglais ou espagnols
...
Les prix baissent
assez peu (les vendeurs refusent encore de perdre de l’argent sur
leurs biens et préfèrent attendre des jours meilleurs), tandis que
le nombre des transactions s’est effondré
...
1 présente l’évolution du prix du mètre carré
parisien depuis 1980 en valeur réelle et en euros constants
...
En fait, la hausse de 1998 à 2008 est,
en termes réels et en pourcentage, exactement équivalente à
celle de 1983 à 1990
...
Ainsi, quand une
hausse démarre, il y a de fortes chances pour qu’elle s’étende sur
plusieurs années, et inversement à la baisse
...
Puis, à partir de 1998, dix années de
hausse trimestrielle consécutives ont suivi
...
Si la baisse à venir reproduisait la correction du début des
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
années 1990, elle entraînerait un retracement de 35 % environ,
soit un retour vers les 4 500 euros par mètre carré
...
Graphique 16
...
)
Sur une période de long terme, l’investissement immobilier
dépend de plusieurs facteurs déterminants : l’inflation, la croissance des revenus, les taux d’intérêt, le niveau d’aversion au
risque des investisseurs sur les autres classes d’actifs, la fiscalité
ou l’encadrement du niveau des loyers
...
Une grosse partie de la hausse s’explique donc par le faible niveau des taux longs et courts
...
2 représente l’évolution de la valeur d’un investissement locatif à Paris en euros constants 2008 de 1840 à 2008
...
exode rural)
...
La très forte poussée inflationniste observée entre 1943 et 1950 (avec une inflation frôlant
les 50 %) a conduit les autorités à imposer un contrôle drastique
des loyers, ce qui a conduit à un désintérêt vis-à-vis de l’immobilier, l’empêchant ainsi de s’indexer à la poussée inflationniste et
l’entraînant finalement dans une chute extraordinaire (division
par plus de dix en monnaie constante)
...
Le déblocage du prix des loyers suite à la
loi de 1948 permit une folle envolée des prix immobiliers, juste
retour des choses
...
Graphique 16
...
)
2000
1980
1960
1940
1920
1900
1880
1860
1
1840
© Groupe Eyrolles
10
259
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
Nous avons vu qu’à court terme les risques d’une correction
l’emportaient largement ; à long terme, l’immobilier devrait
rester un investissement recherché
...
L’immobilier pourrait alors constituer une valeur refuge légitime
(intérêt pour les biens tangibles : préférence pour l’investissement en pierre plutôt qu’en papier)
...
3 illustre le
pouvoir d’achat d’un mètre carré parisien en unité de CAC 40, il
y a de très bonnes chances pour que celui-ci poursuive le rétablissement entamé dès le début des années 2000
...
3 – Pouvoir d’achat d’un mètre carré parisien en indice
CAC 40
Pouvoir d’achat d’un m2 parisien en CAC 40
3
2,5
2
1,5
1
1,5
2012
2007
2002
1997
1992
1987
0
1982
(Source : Chambre des notaires, INSEE, Bloomberg
...
Il y a donc de bonnes chances de pouvoir
maintenir la valeur réelle de son investissement
...
Toute
décision gouvernementale sur le gel éventuel de la hausse des
loyers ou sur leur encadrement ou sur des mesures similaires
peut ruiner les meilleurs raisonnements
...
Ses tentations socialisantes pourraient donc affecter le
bon déroulement de la performance attendue de l’investissement immobilier
...
261
Conclusion générale
© Groupe Eyrolles
Les crises apparaissent de façon cyclique
...
Elles sont le résultat d’excès de
confiance qui aboutissent à un ensemble de dysfonctionnements
économiques et sociaux
...
Les crises sont alors extrêmement menaçantes et périlleuses pour l’équilibre même de la
société
...
L’évitement systématique des corrections cycliques
depuis plus de trente ans rend la crise actuelle particulièrement
déstabilisante pour nos sociétés et nos économies, habituées aux
produits dopants d’une liquidité artificielle, à la mondialisation
et à un relatif bien-être jamais remis en cause
...
Malheureusement, au-delà de la surprise, le retournement du
cycle économique intervient naturellement à un moment où les
pires excès ont été commis et où l’économie est particulièrement
vulnérable
...
Il
ne s’agit pas seulement d’un choc conjoncturel mais aussi et
avant tout d’un choc structurel
...
C’est définitivement le cas aujourd’hui où le retournement
de cycle déjà amorcé coïncide avec une situation d’endettement
abyssal impossible à résoudre de façon rapide et avec des
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
problématiques environnementales, démographiques et géopolitiques complexes et périlleuses
...
La stabilisation
qui a commencé depuis le deuxième trimestre 2009 fait espérer
à certains un retour à la normale
...
Souvent, en pareil cas, l’effondrement de la conjoncture économique déclenche une spirale de comportements de peur, de
paralysie et de repli sur soi qui annonce la remise en cause et
éventuellement l’abandon de dogmes établis en certitudes
...
Aujourd’hui, la peur ambiante pourrait être
mauvaise conseillère
...
Le retour aux sources et aux valeurs originelles est une conséquence inévitable
...
Mais cela peut aussi
être un formidable vecteur pour refonder la société et rejeter les
excès de l’hyper-consommation et de tous les dérèglements
profonds qui l’accompagnent
...
Ainsi, la société deviendra
plus égalitaire, plus égalitariste, plus sociale et peut-être plus
© Groupe Eyrolles
264
Conclusion générale
socialiste, avec les dérives éventuelles que l’on sait
...
Refonder la société et l’économie en responsabilisant chacun des
acteurs, voilà qui pourrait offrir des perspectives heureuses et
motivantes pour chacun
...
Elle suppose, en
effet, un niveau de conscience et d’engagement élevé de la part
de la population qui trancherait considérablement avec son
comportement habituel
...
La période à venir sera difficile socialement et sociologiquement
...
La
peur de l’avenir réduira l’initiative des entreprises privées et
l’État sera de plus en plus présent
...
De toutes les perspectives
à venir, celle qui demeure la moins palpable et aux yeux de
certains la plus improbable est l’inflation
...
L’inflation n’étant pas encore là, il faudra scruter avec attention
les premiers indices de tension sur les prix, prémices d’inflation
à venir
...
Tout particulièrement, les perspectives en termes
d’inflation seront déterminantes
...
Ce retour de l’inflation
influencera fortement la rentabilité des investissements et il
265
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
conviendra donc de sélectionner des classes d’actifs et les investissements les plus performants dans ce contexte inconnu
depuis trente ans
...
L’attrait pour les
biens tangibles sera une des clés de l’investissement de ces
prochaines années
...
Les meilleurs investissements en produit de taux devraient être les obligations
d’entreprises et surtout les obligations indexées sur l’inflation
(OATi)
...
Par ailleurs,
les primes de risque devraient continuer à être tendues
...
Les valeurs défensives offrant de gros rendements, les valeurs
liées aux matières premières (valeurs pétrolières et minières
notamment) ainsi que les actions plus exotiques (Inde, Chine,
Brésil…) devront offrir une certaine sécurité
...
L’investissement roi de ces prochaines années devrait se trouver
dans les matières premières
...
Les autres matières
premières devraient également répondre aux mêmes critères :
rareté relative et protection naturelle offerte par les biens tangibles
...
Mais bien sûr, rares seront
ceux qui oseront tenter l’aventure aujourd’hui…
© Groupe Eyrolles
Désavoué pendant la crise de 2008 pour sa faillite dans la gestion
de la liquidité, l’investissement alternatif devrait souffrir durablement d’une mauvaise réputation
...
La performance moyenne des fonds alternatifs devrait
être très attractive
...
Le premier objectif de
l’investisseur devrait donc changer dans sa nature même : il
n’aura plus pour objet principal de gagner de l’argent et de faire
fructifier ses biens (principe poussé à l’extrême avec l’utilisation
exacerbée de l’effet de levier) mais cherchera au contraire les
investissements susceptibles de préserver au mieux son capital
...
Là encore, la peur l’emportera sur le désir
...
267
Bibliographie
BÉCHU (Thierry), BERTRAND (Éric), NEBENZAHL (Julien),
L’Analyse technique, théories et méthodes, 6e édition, Economica,
2008
...
FELLOUS (Jean-Louis), GAUTHIER (Catherine), Eau, pétrole,
climat : un monde en panne sèche, Odile Jacob, 2008
...
GIRARD (René), Le Bouc émissaire, Grasset, 1982
...
KENNEDY (Paul), Naissance et déclin des grandes puissances,
Payot, « Petite Bibliothèque », 1989
...
PLUMMER (Tony), Forecasting Financial Markets – The Psychology
of Successful Investing, 5e édition, Kogan Page, 2006
...
Économie et marchés financiers – Perspectives 2010-2020
STIGLITZ (Joseph), Quand le capitalisme perd la tête, Fayard,
2003
...
TODD (Emmanuel), L’Illusion économique, Gallimard, 1999